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Espagne : les syndicats fêtent les 100 jours du gouvernement par une grève générale

Le Premier ministre Mariano Rajoy impose une sévère cure d'austérité au pays depuis 100 jours. Il affronte son premier mouvement social d'ampleur ce jeudi, contre la réforme du droit du travail.

Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants renversent une poubelle dans le centre-ville de Burgos (Espagne), le 29 mars 2012. (CESAR MANSO / AFP)

Pour les 100 jours au pouvoir de Mariano Rajoy, les syndicats lui offrent une grève générale. Ils appellent à manifester dans une centaine de villes, jeudi 29 mars, contre la réforme du droit du travail mise en place par le gouvernement de droite. Comisiones Obreras, l'un des principaux syndicats, s'attend à "une marée démocratique", mais de nombreux Espagnols ne peuvent pas se permettre de perdre une journée de salaire dans un contexte de rigueur. Et Mariano Rajoy affirme qu'il ne cédera pas.

Grève générale et manifestations contre l'austérité en Espagne ( France 2 - Paul Sanfourche)

La génération "nimis" en première ligne

Ils ont entre 20 et 35 ans, sont diplômés, trop peut-être, et vivent avec moins de 1000 euros par mois. Ce sont les "nimis" ( de "ni mismo", qui signifie "même pas"). Trois d'entre eux témoignent dans Libération (article payant) jeudi. "Tous mes profs nous poussent à émigrer", raconte Maria, 24 ans, titulaire d'un master d'économie. Elle vit chez ses parents et gagne 200 euros "les bons mois", en travaillant en intérim. Sergio, 28 ans, lui aussi titulaire d'un master, vit à présent avec ce qui était "un extra" auparavant. Il gagne 287 euros par mois en étant pion dans un lycée. Franco, 26 ans, diplômé en philo, gagne "tout juste 400 euros par mois", alors "empocher 1000 euros pour un job, dit-il, c'est de l'ordre du rêve !".

Selon le quotidien, "90% de cette classe d'âge estime que la situation économique ne va faire qu'empirer". Ces jeunes devraient donc "participer activement à la grève générale", pour tenter de faire plier le gouvernement.

Mariano Rajoy, stoïque malgré les critiques

Le chef du gouvernement espagnol, au pouvoir depuis exactement 100 jours, affronte sa première grève générale. Mais il y est préparé. A Bruxelles, le 31 janvier, il annonçait à son homologue finlandais : "La réforme du droit du travail va me coûter une grève générale." Selon Le Figaro, il aurait même ajouté à cette remarque un "sourire satisfait". En effet, le mécontentement des syndicats "sert l'image de dureté qu'il veut renvoyer à l'étranger", analyse Les Echos. Car l'Union européenne lui met la pression. Il a promis à Bruxelles de réduire les dépenses publiques de 35 milliards d'euros, pour abaisser le déficit de 8,5% en 2011 à 5,3% d'ici la fin 2012. Pour cela, il annoncera vendredi, au lendemain de la grève générale, qu'elle soit très suivie ou non, un "budget très sévère".

"On ne peut pas accuser d’inaction le gouvernement" du Parti populaire, analyse le quotidien espagnol El Pais. Mais la politique économique espagnole est violemment critiquée sur au moins trois points, selon le quotidien : "la crainte que les plafonds de déficits ne soient pas respectés cette année", à cause du "retard pris dans l’adoption du budget" ;  le fait que la réforme financière soit moins agressive que la réforme du marché du travail ; "l’absence, enfin, de mesures de relance de la croissance".

Défiance vis-à-vis des syndicats

Le quotidien conservateur El Mundo fustige pour sa part les syndicats, qui "protestent contre une réforme du travail après avoir laissé le chômage franchir la barre des 5 millions de sans emploi", ainsi que l’opposition socialiste, qui, bien qu’elle n’ait pas appelé à la grève, "a fait montre de la soutenir".

L'impact de cette journée de grève générale pourrait d'ailleurs être limité par plusieurs facteurs. A commencer par un accord de service minimum, conclu entre les syndicats et les pouvoirs publics.

Par ailleurs, de nombreux Espagnols craignent de perdre une journée de salaire dans un contexte de rigueur. "Je comprends qu'ils fassent grève. La réforme ne servira qu'à licencier les gens plus facilement et avec moins d'argent", a expliqué à l'AFP Pedro Moreno, employé dans une grande surface des environs de Madrid. Avec un taux de chômage à près de 23%, "ce n'est pas le moment de perdre des jours de travail", a ajouté cet homme de 32 ans. "Je ne vais pas mettre mon emploi en danger à cause de ce que disent les syndicats. Je ne crois pas qu'ils défendent les véritables intérêts des travailleurs", commentait, sceptique lui aussi, Miguel Angel, fonctionnaire âgé de 51 ans.

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