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Hollande en funambule pour les 150 ans du SPD allemand

Il sera le seul chef d'Etat étranger à prononcer un discours, jeudi, à l'occasion du 150e anniversaire du parti social-démocrate allemand. Un exercice délicat.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
François Hollande, pendant sa campagne pour la présidentielle, après un discours au congrès du SPD, le 5 décembre 2011 à Berlin (Allemagne). (JOHN MACDOUGALL / AFP)

En Allemagne, le parti social-démocrate (SPD) est plus qu'un parti d'opposition. On l'appelle affectueusement "alte Tante SPD", c'est-à-dire "la vieille tante", qui participe à la vie politique du pays depuis 150 ans. Pour son anniversaire, jeudi 23 mai, à Leipzig, le SPD a invité quelques responsables européens, dont François Hollande, qui doit prononcer un discours. La chancelière Angela Merkel (CDU, droite) est présente, comme Joachim Gauck, le président allemand (sans étiquette).

Si l'on transpose la situation en France, imaginez, en 2011 par exemple, un président Sarkozy célébrant l'anniversaire du PS avec la première secrétaire Aubry et le candidat à la présidentielle Hollande. La photo de famille semble improbable. Outre-Rhin, c'est possible, car Angela Merkel cultive une image de "mère de la nation". De plus, l'événement est vu comme non partisan, car le SPD fait partie des meubles de la République. Mais pour François Hollande, dont les relations avec Angela Merkel focalisent l'attention à chaque rencontre, l'exercice relève du numéro d'équilibriste.

Courtiser le SPD…

François Hollande fait la cour au SPD depuis sa campagne électorale, comme Nicolas Sarkozy avait cherché le soutien d'Angela Merkel. En 2011, à Berlin, il appelle à battre la chancelière. En juin 2012, un mois après son élection, il reçoit la troïka du SPD à l'Elysée : Sigmar Gabriel (président), Peer Steinbrück (candidat) et Frank-Walter Steinmeier (patron des députés).

A présent, pour défendre ses vues à la table des 27, sur la croissance notamment, le chef de l'Etat a besoin du soutien des socialistes allemands. Mais "comme la CDU, les responsables du SPD attendent de François Hollande qu'il s'engage à fond dans la social-démocratie, en réformant le marché du travail", explique Hans Stark, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri) et professeur à la Sorbonne, contacté par francetv info.

… sans vexer Angela Merkel

"Le plus vieux parti démocratique d'Europe" célèbre son anniversaire à tout juste quatre mois des élections législatives, prévues le 22 septembre. Une aubaine. Son candidat Peer Steinbrück peut se délecter de la présence de sa principale adversaire, Angela Merkel, et du président Joackim Gauck. La gauche allemande jubile et en oublierait presque ses quelque 15 points de retard sur l'union chrétienne démocrate (CDU), selon les récents sondages de différents instituts.

Cette échéance est délicate pour le discours de François Hollande. "Tout le monde sait que l'Elysée souhaite le départ de Merkel, mais il ne peut pas le dire", résume Hans Stark. Récemment, les critiques du PS à l'égard de la chancelière ont encore refroidi les relations entre Paris et Berlin. Angela Merkel, contestée aussi dans l'Union européenne, reste très populaire en Allemagne et la CDU a de grandes chances de remporter les législatives. En résumé, "les socialistes français devront aussi travailler avec la chancelière après les élections", avertissait un député CDU, fin avril.

Au risque d'être ennuyeux

François Hollande a tout intérêt à réviser ses fiches d'histoire. Un hommage aux figures du socialisme allemand comme Willy Brandt, chancelier de 1969 à 1974, est indispensable. Prudence avec Gerhard Schröder, le prédécesseur d'Angela Merkel : sa réforme du marché du travail (Hartz IV, qui a réduit la durée des allocations chômage, en 2005) divise encore les socialistes allemands. "Il est un peu coincé sur le réformisme du SPD, mais dans 150 ans d'histoire, il y a bien d'autres sujets à évoquer", selon Hans Stark.

"La promotion de la justice sociale, par exemple, ou bien la lutte du SPD contre le nazisme. Le SPD a été le seul parti, en 1933, à ne pas voter les pleins pouvoirs à Hitler", raconte le chercheur. Le discours du président français doit donc être à l'image de cette fête : consensuel, au risque d'être ennuyeux.

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