Données personnelles, blanchiment d'argent... Facebook répond aux craintes suscitées par Libra, la cryptomonnaie que le réseau social veut lancer en 2020
David Marcus, responsable de la filiale Calibra du réseau social, apporte sur franceinfo des précisions sur la cryptomonnaie que veut lancer Facebook et qui suscite déjà de nombreuses critiques.
Facebook a dévoilé mardi 18 juin une monnaie virtuelle baptisée Libra qui doit lui permettre de s'imposer dans les paiements, les services financiers et le commerce en ligne dans le monde entier. Un projet qui suscite l'interrogation, voire l'inquiétude de certains États.
En France, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a fait part de ses critiques mardi à l'Assemblée nationale. "Une société privée ne peut ni ne doit créer une monnaie qui rentrerait en concurrence avec les monnaies des États", a-t-il assuré devant les députés. Même discours du côté du gouverneur de la Banque d'Angleterre. S'exprimant à l'occasion d'un séminaire de la Banque centrale européenne, Mark Carney a mis en garde sur le projet de Facebook : s'il s'avère être un succès, "il deviendra instantanément systémique et devra être soumis aux meilleures normes de régulation". Il a ajouté qu'il suivrait l'évolution de cette devise virtuelle "très attentivement", avec les autres membres du G7 et des régulateurs tels que le Fonds monétaire international (FMI).
Invité de franceinfo mardi 18 juin, David Marcus, responsable de la filiale Calibra de Facebook, et donc du projet de cette monnaie virtuelle, a tenté de lever ces inquiétudes et répondu à certaines critiques.
franceinfo : Pourquoi se lancer dans cette aventure ? Est-ce que Facebook a l'intention de concurrencer des États ?
David Marcus : Non, pas du tout. D'ailleurs notre rôle dans ce nouvel écosystème n'est pas de battre de la monnaie. Cette nouvelle monnaie numérique sera garantie par une réserve, au même titre que les premières monnaies, quand on a voulu passer de l'or vers le papier monnaie etc. Cette réserve sera composée des monnaies des banques centrales, qui ont la responsabilité de la politique monétaire. Pour moi ça a toujours été curieux que trente ans après l'invention du Web, il n'y ait toujours pas de protocole de l'argent sur Internet. On peut envoyer des films, des photos à 360 degrés par messagerie, des messages à travers le monde, mais envoyer de l'argent, c'est toujours très compliqué, restrictif et prohibitif en termes de coût. Ce nouveau réseau a pour objectif de rajouter un protocole au-dessus d'Internet, de façon à envoyer de l'argent comme on envoie une photo ou un texto sur son application de messagerie préférée.
Vous serez une trentaine d’acteurs pour démarrer, peut-être davantage plus tard. Malgré tout, c'est vous qui êtes à l'origine de cette monnaie ?
On en est à l'origine et on l'assume entièrement. Par contre, au lancement, on n'aura pas plus de voix ou de votes que n'importe lequel des autres membres. La règle "un membre, une voix" sera appliquée au conseil de cette association. On sera un membre parmi tant d'autres. On pense vraiment que si on crée cet "Internet de l'argent" collectivement, avec toutes ces autres organisations, ça ne peut pas être un réseau contrôlé par une entité ou par une société, ça doit être un réseau d'utilité publique.
Est-ce qu'il y aura un croisement avec les données du réseau social Facebook ? Cette cryptomonnaie va-t-elle être un moyen supplémentaire de capter des données personnelles ?
Non, les données sur ce réseau seront complètement séparées des données de Facebook. C'est l'une des raisons pour laquelle on a créé une filiale séparée, qui garantira la séparation des données financières et sociales. On a entendu cette demande de la part des consommateurs, qui ne veulent pas voir leurs données financières mélangées avec leurs données sociales ou utilisées à des fins marketing pour la publicité.
Est-ce qu'une cybermonnaie privée n'est pas la porte ouverte au blanchiment d'argent ?
Aujourd'hui le blanchiment d'argent est vraiment massif à travers le monde. Pourquoi ? Parce que la grande majorité de ces mouvements d'argent à des fins de blanchiment se fait en espèces. Donc si un réseau tel que celui-ci émerge avec beaucoup plus de transactions numériques, beaucoup plus de traçabilité, je pense qu'on va grandement améliorer l'efficacité des programmes anti-blanchiment et notamment à travers les porte-monnaie numériques qui seront régulés sur ce nouveau réseau.
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