Objectif, utilisation, dangers... On vous explique Libra, la cryptomonnaie que Facebook veut lancer en 2020
Le réseau social s'est associé à plusieurs grandes entreprises pour ce projet qui devrait voir le jour l'année prochaine.
Facebook se lance dans la cryptomonnaie. Libra ("balance" en latin) – c'est son nom – est prévue pour le début de l'année 2020. Le réseau social l'a présentée mardi 18 juin. Tout comme le bitcoin, la plus célèbre des monnaies virtuelles, Libra reposera sur la technologie blockchain. Objectif pour le réseau social : diversifier ses activités et générer d'autres sources de revenus, alors que sa réputation a pâli depuis un an, après les révélations de l'affaire Cambridge Analytica. Franceinfo vous présente ce qu'il faut savoir sur cette future cryptomonnaie, qui suscite aussi de l'inquiétude.
Comment pourra-t-on utiliser Libra ?
Mark Zuckerberg estime qu’il devrait être aussi "facile d’envoyer de l’argent à quelqu’un qu’une photo". Avec cette monnaie 100% numérique, Facebook veut permettre à ses utilisateurs de faire des transactions commerciales sur les différentes plateformes du réseau (Messenger, WhatsApp, Instagram). Ainsi, les usagers disposeront sur leur smartphone d'un porte-monnaie numérique, "Calibra".
Cette cryptomonnaie devrait ainsi contribuer à fluidifier encore plus les transactions en ligne, et donc à dynamiser le commerce, notamment dans les pays aux monnaies instables, et auprès des populations éloignées du système bancaire traditionnel.
Mais selon Nathalie Janson, enseignante-chercheuse à la Neoma Business School et spécialiste des questions monétaires, Libra "s'adresse surtout aux transferts d'argent entre particuliers, notamment pour les transferts de monnaie internationaux". "Ces cryptomonnaies ont un grand avantage en termes de coûts de transfert par rapport à ce que vous payez si vous voulez envoyer de l'argent à l'étranger", explique la chercheuse sur franceinfo. Le produit lancé par Facebook fonctionnerait, selon elle, avec des "coûts réduits" pour les utilisateurs.
Quelles sont les sociétés associées au projet ?
Le groupe Facebook ne se lance pas seul dans l'aventure. Pour ce projet, la firme est accompagnée de 27 groupes. Parmi eux, on trouve Visa, PayPal, Uber, Booking ou encore Illiad, maison mère de Free, dirigée par le Français Xavier Niel. Chaque partenaire a mis au minimum 10 millions de dollars (8,9 millions d'euros) sur la table, détaillent Les Echos, pour être partenaires de cette cryptomonnaie. La firme californienne espère attirer au total une centaine de groupes d'ici à la fin 2019.
Quelles seront les caractéristiques de Libra ?
Facebook veut faire de Libra une monnaie globale et universelle, mais surtout non spéculative, contrairement au bitcoin. Libra sera gouvernée par Libra Networks, qui a été enregistrée le 2 mai à Genève (Suisse). Les spécialistes parlent de "stable coin", avec un taux de change dont l'évolution sera limitée et encadrée. Mark Zuckerberg "ne choisit pas de lancer n'importe quelle cryptomonnaie, précise à franceinfo Nathalie Janson. Il choisit de lancer des 'stable coins', c'est une monnaie stable." Libra ne sera donc "pas volatile" parce qu'elle aura "un taux de change fixe", basé sur le dollar, l'euro et le yen.
Pour garantir sa stabilité, Facebook chercherait à se constituer un matelas d'un milliard de dollars, avance Le Parisien. Cette stabilité est l'un des avantages mis en avant, notamment pour séduire les pays en développement où "les sites de réseaux sociaux constituent l’épine dorsale du e-commerce", note L'Opinion.
"Ce n'est pas tant la carte Bleue qui est visée [avec Libra], mais le comportement d'achat des consommateurs, analyse la chercheuse Nathalie Janson. Leur profil, la façon dont ils dépensent vont donner une vision plus fine de leur façon d'acheter et de ce qu'ils achètent. C'est surtout ça qui est visée dans la récolte des données", détaille-t-elle.
Selon Les Echos, Facebook ne compte pas monétiser sa Libra à son lancement. Ainsi, tout le monde pourra l'utiliser massivement et convertir en ligne ou en cash sa monnaie, sans avoir à payer de commission. L’idée étant de populariser au maximum cette nouvelle monnaie. Une fois celle-ci bien implantée, Facebook pourrait alors proposer des services payants, comme ceux proposés par les banques classiques.
Pourquoi certains craignent cette monnaie ?
L'arrivée de cette nouvelle cryptomonnaie n'est pas forcément vue d'un bon œil par tout le monde. Le réseau social ne ferait que renforcer sa position dominante, selon Benoît Piédallu, membre de la Quadrature du net, association qui défend les libertés individuelles sur Internet.
Facebook est déjà extrêmement présent dans la vie des citoyens du monde, donc c'est un élément supplémentaire dans son hégémonie, et ça c'est un vrai problème parce que ça rajoute à sa capacité de nuisance, ça augmente son pouvoir sur les utilisateurs.
Benoît Piédallu, de la Quadrature du netà franceinfo
Après avoir facilité les connexions, les discussions, et les échanges de documents ou de photos, Facebook entend "conserver les gens à l'intérieur du réseau" en permettant de faire des achats grâce sa propre monnaie, redoute Benoît Piédallu auprès de franceinfo. "Donc récupérer ces données de paiement, c'est vraiment récupérer de nouvelles données et accumuler des nouvelles manières de savoir ce que les gens font à l'extérieur de Facebook, ce qu'ils achètent", ajoute-t-il.
De plus, l'utilisation de cette monnaie pose aussi un "problème de souveraineté", selon le spécialiste. "Tout ça est soumis à la législation américaine et à Mark Zuckerberg lui-même, ou les gens qui travaillent chez Facebook", observe-t-il.
Enfin, la création de monnaie relève normalement du pouvoir régalien des Etats. Ainsi, Gilles Babinet, le vice-président du Conseil national du numérique, a appelé dans l'émission "Arrêt sur images", au "démantèlement" de Facebook, qui a "atteint une taille qui [lui] permet de faire infléchir des Etats", ce qui "n’est pas acceptable".
Pour répondre aux inquiétudes, Facebook assure que cette monnaie sera dédiée et soumise à régulation. Les informations financières de "Calibra", le porte-monnaie virtuel, seront strictement séparées des données personnelles détenues par Facebook et ne seront pas utilisées pour cibler de la publicité, a également précisé le réseau social.
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