On vous explique pourquoi Threads, l'application concurrente de Twitter, n'est pas encore accessible en France
Le nouveau réseau social signé Meta, maison mère d'Instagram, Facebook ou encore WhatsApp, a été lancé le 5 juillet, mais pas partout. Pour l'instant, l'application n'est disponible que dans une centaine de pays, dont les États-Unis, mais pas en France ni au sein de l'Union européenne.
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L'Union européenne impose de nouveaux règlements, notamment sur l'utilisation des données
Meta a décidé de reporter le lancement de Threads dans l'Union européenne, où un nouveau règlement sur les marchés numériques, le DMA (pour Digital Markets Act), voté en septembre 2022, a commencé à s'appliquer début mai. Cette nouvelle législation vise à lutter contre les pratiques anti-concurrentielles des géants d'internet et à corriger les déséquilibres sur le marché européen. C'est là que ça coince : Threads est conçu comme un prolongement d'Instagram, et les données d'un utilisateur qui a déjà un compte sur Instagram seront par exemple reprises sur Threads. Les utilisateurs d'Instagram pourront utiliser leurs identifiants pour se connecter sur Threads, où ils retrouveront les personnes auxquelles il sont abonnés. Or, le DMA prohibe clairement le croisement, par un même groupe, de données collectées sur plusieurs applications différentes. Selon Alexandre de Streel, directeur académique du Center on Regulation in Europe (CERRE), "c'est l'utilisation de la base de clientèle d'Instagram qui a permis à Threads une montée en puissance aussi rapide". Or, pour les plateformes, "Il y a des dispositions dans le DMA qui empêchent d'utiliser votre force sur un marché, ici sur Instagram, pour aller sur un autre marché".
Le groupe Meta a besoin de "plus de temps"
Le DMA est assorti du Digital Services Act (DSA), une loi sur les services numériques qui doit entrer en vigueur en septembre 2023. Il vise à établir "des règles harmonisées pour un environnement en ligne sûr, prévisible et fiable", principalement en termes de modération des contenus illicites et de transparence du service. Avec ce paquet réglementaire, l'Union européenne vise particulièrement les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), dont le modèle économique repose sur "la combinaison de masses de données sur leurs utilisateurs et d'algorithmes puissants et opaques", explique Alexandre de Steel.
Adam Mosseri, patron d'Instagram et de Threads, explique dans un entretien au media The Verge que Meta a différé le déploiement de son service en Europe, car il a besoin de "plus de temps". "La complexité de la mise en conformité avec certaines des lois qui entreront en vigueur l'année prochaine est considérable. Nous ne voulons rien lancer qui ne soit pas compatible" avec les règlements européens. Adam Mosseri l'assure : lancer Threads en Europe, "c'est le plan". Il assure qu'il est "déçu" d'avoir à temporiser. "Cela me brise le cœur. Mais cette fois-ci, cela va prendre beaucoup de temps."
Selon Alexandre de Streel, du Center on Regulation in Europe (CERRE), c'est effectivement "une question de temps" pour comprendre la portée des règles européennes. "Le texte est nouveau et donc il y a encore pas mal de questions d'interprétations. On a en même temps le lancement d'un nouveau service et celui d'une réglementation dont le contour n'est pas complètement précis".
Meta a déjà été condamné par l'Union européenne
Si Meta, la maison mère de Facebook, Instagram et désormais de Threads, se montre prudente, c'est aussi parce qu'elle a déjà essuyé plusieurs revers sur les terrains judiciaire et réglementaire de l'Union européenne. Le groupe américain avait déjà été forcé début avril à modifier le socle juridique sur lequel il s'appuyait pour personnaliser les publicités afin de se conformer au Règlement européen sur les données personnelles (RGPD). Le 22 mai, Meta a écopé d'une amende record de 1,2 milliard d'euros de la part de la Commission irlandaise pour la protection des données, le régulateur irlandais agissant au nom de l'UE, pour avoir enfreint le RGPD avec son réseau social Facebook. Et le 4 juillet, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé que Meta avait porté atteinte aux intérêts et aux droits des utilisateurs de ses services en collectant, sans autorisation, des données personnelles à des fins de publicité ciblée.
En cas de non-respect du DMA, Meta encourt une amende pouvant aller jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires mondial total.
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