Le journaliste Denis Robert part en guerre contre "les Golden corbeaux" de Twitter
Le journaliste d'investigation a publié plusieurs articles pour dénoncer les comptes anonymes qui propagent "des idées nauséabondes", notamment en marge des manifestations contre la loi Travail. Mais en retour, il a reçu injures et menaces, et s'est fait pirater son compte Facebook.
Il veut dénoncer les "Golden corbeaux de Twitter", ces "comptes très virulents" qui "jouent de leur anonymat pour propager des idées nauséabondes en terme d'ultra-libéralisme, anti-syndicalisme, et pour certains racisme et sexisme". Frappé par la violence de certains internautes masqués en marge de la mobilisation contre la loi Travail, le journaliste d’investigation et écrivain Denis Robert a décidé d'entrer en guerre contre les propos haineux postés sous couvert d'anonymat sur Twitter.
Pour ce faire, il a publié plusieurs messages sur Facebook, n'hésitant pas à révéler l'identité de certains de ces "corbeaux" anonymes, selon lui. Une démarche qui lui a valu, en retour, injures, menaces et piratage de son compte Facebook.
Acte I : Denis Robert révèle l'identité de deux twittos anonymes
L’affaire commence peu avant le 28 mai. "Une de mes amies était harcelée sur Twitter. Elle m’a dit d’aller voir tout en m’indiquant que j’étais moi aussi pris pour cible sur le réseau, raconte Denis Robert à francetv info. Je suis allé voir, et là, c’était un mélange invraisemblable."
Je me suis dit que ce n’était pas possible, que ça devait être parodique. En regardant de plus près, je me suis rendu compte que ces types étaient malades.
Denis Robert constate également que, pour la plupart, ces internautes restent anonymes. "Il faut qu’ils aient le courage d’assumer leurs opinions. Quand un type vous crache à la figure, il n’a pas de raison de porter un masque", dénonce le journaliste.
Denis Robert décide donc de creuser, pour tenter de les démasquer. "Ce sont des traders, des avocats d’affaires, etc… Ils communiquent entre eux, ils attaquent en meute des cibles précises", décrit-il. Le journaliste publie alors un premier message sur sa page Facebook, au titre évocateur : "Les chantres anonymes de la loi El Khomri". Il y épingle deux comptes. Le premier est celui de @lacruzFX, désormais supprimé. D’après Denis Robert, derrière ce pseudonyme se cache en réalité François-Xavier L., vice-président financier d'un grand groupe agroalimentaire. "Dans sa production quotidienne de tweets, le plus impressionnant, c’est sa capacité d’insulte grossière quand il s’en prend - anonymement bien entendu - à des femmes favorables au mouvement social", décrit le journaliste dans son article.
Le second utilisateur de Twitter épinglé, dont le compte est encore accessible sur le réseau social, écrit sous le nom de @ZeBodag. Il s’agirait d’Ali Z., trader londonien et utilisateur "hargneux sur la réforme d’un Code du travail qui ne le concerne, a priori, en rien", écrit Denis Robert. Son message a été partagé plus de 2 600 fois et a reçu une centaine de commentaires. Il y annonçait déjà une suite : "A suivre les amis et à compléter…"
Acte II : deux autres "Golden twittos" démasqués
Quelques jours après son premier message, Denis Robert tient sa promesse. "Certains masques mériteraient d’être levés", continue-t-il dans un second article posté sur sa page Facebook. Cette fois, le journaliste révèle l'identité de l'internaute se cachant derrière le compte Twitter @SkyZeLimit : il s'agirait à nouveau d'un trader, Alexandre P., qualifié par Denis Robert de "pauvrophobe". "Il a voulu jouer de son anonymat pour casser du ‘pauvre’", tance le journaliste.
"Notre autre ‘client’ du jour est un banquier twitto très impliqué dans le commentaire sur la réforme du Code du travail. Il sévit sur le net, dans les forums, sous un masque", désigne Denis Robert. Il nomme alors Joël-Alexis B., gérant d'une banque d'affaires, alias @Jabial sur Twitter.
Nos 'Goldens twittos' sont millionnaires et éduqués. Ils ont tout ce qu'un être humain désire. Pourtant, ils se plaignent. Ils menacent. Ils polémiquent. Insultent.
Acte III : les "Golden corbeaux" se défendent
Pointés du doigt par Denis Robert, certains de ces twittos réagissent et se défendent, comme @SkyZeLimit. Ce dernier compte est considéré par beaucoup, à l'image du magazine économique suisse Bilan comme parodique, tant à cause du pseudonyme utilisé – "Gordon Gekko" est le nom du détestable personnage joué par Michael Douglas dans le film Wall Street – que pour sa «baseline», rappelle Libération. "Le compte avait disparu dimanche mais est de retour ce lundi avec une nouvelle bio : 'Fallait-il vraiment dire que c’est un compte parodique, franchement ?'", ajoute le quotidien
D'autres, comme @Zebodag, estiment que Denis Robert s'est trompé sur l'identité de certains comptes "outés" et reprochent au journaliste de pratiquer la délation et se comporter en police de la pensée en attaquant la liberté d'expression, explique la RTBF.
Acte IV : menaces à répétition, et compte Facebook piraté
Depuis, Denis Robert doit faire face à une avalanche de menaces sur les réseaux sociaux. "Il y a eu une véritable déferlante. J’ai vu la méchanceté de ces types. J’ai reçu des menaces, des injures, ils ont photographié ma maison, ont publié des photos de mes enfants sur Twitter", énumère le journaliste.
Ensuite, poursuit Denis Robert, "ils ont hacké mon compte Facebook, y ont ajouté des photos pornographiques, et l’ont signalé pour qu'il soit supprimé". Son second article a également été supprimé du réseau social, avant que son compte entier ne soit pris pour cible et soit finalement effacé, lundi 6 juin.
Acte V : Denis Robert dénonce les "ennemis de la liberté"
Après ces menaces, Denis Robert a publié une vidéo sur internet, lundi 6 juin, dans laquelle il affirme sa volonté de continuer sa traque. "Mon compte est hacké et les twittos que je mets en cause, ces espèces de frappadingues, veulent absolument censurer ce que je raconte", dit-il. Quant à l'aspect parodique, avancé par certains de ces "Golden corbeaux" pour se défendre, Denis Robert se montre dubitatif. «C’est toujours contre les pauvres, les roms, les SDF, explique-t-il à Arrêt sur images. Après une semaine à lire ses tweets, je vous assure que ce n’est pas une parodie !»
"Je veux mettre les projecteurs sur eux", déclare-t-il. "On en a d’autres, une dizaine", précise-t-il, pas encore certain toutefois de révéler leurs identités.
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