Up2it, Running Heroes... la difficile recette pour créer un réseau social sportif à succès
Un agent de joueurs de football tente de fédérer les fans de sport autour du réseau social Up2it. Loin des réseaux sociaux généralistes, le sport tente de plus en plus de se faire une place auprès de communautés de passionnés. Décryptage.
Il est toujours difficile de prédire l'avenir. Surtout en plein milieu d'une épidémie de Covid-19 qui bouleverse les repères de notre société. On aimerait pourtant qu'un devin puisse nous dire quel futur attend le réseau social pour sportif Up2it, récemment lancé par Sébastien Frapolli, agent de joueurs de football. Est-ce une future licorne, ces entreprises technologiques qui séduisent tant les marchés financiers, ou une start-up qui ne passera pas le cap de la première année?
Ce réseau social, qui compte aujourd'hui un peu plus de 30 000 utilisateurs, propose gratuitement à ses abonnés un fil classique d'échange et de publication, mais aussi une fan-zone dans laquelle il est possible de participer à des concours pour remporter des lots offerts par des marques. Plus de 360 sports, du biathlon au judo, sont référencés dans l'application. "Dans mon parcours professionnel, j'ai vu la communication des joueurs évoluer au fil des ans. Il y avait d'abord une communication traditionnelle, avant que l'arrivée des réseaux sociaux ne bouscule tout. La vie personnelle et professionnelle des joueurs s'y mélangent. Je me suis dit qu'il leur fallait un réseau social dédié pour qu'ils puissent y parler uniquement de sport", raconte Sébastien Frapolli.
"Il faut vraiment avoir une bonne idée pour exister"
Mais Up2it ne vise pas que les professionnels, loin de là. Ils sont plutôt une figure de proue pour attirer la masse de passionnés sur cet espace numérique. Mais comment convaincre les vedettes et leurs fans de s'investir dans une nouvelle communauté virtuelle, alors que la vie quotidienne des sportifs stars est déjà visible sur Instagram ou Strava -pour les amateurs des disciplines d'endurance ?
Depuis quelques années, les communautés de sportifs érigées sur des plateformes virtuelles ont poussé aussi vite que les nouveaux fans du Paris-Saint Germain dans le désert du Qatar. L'application Running Heroes connaît par exemple un joli succès dans le monde de la course à pied grâce à ses évènements, à ses lots à gagner, et aux contenus de qualité qui distillent des conseils aux abonnés sur l'entraînement ou la nutrition. Surtout, Sport Heroes, l'entité qui gère Running Heroes, s'est élargie en mettant son savoir-faire au profit d'entreprises intéressées par l'organisation d'événements sportifs pour leurs employés.
"J'en ai vu plein des plateformes spécialisées dans le sport. Il faut vraiment avoir une bonne idée pour exister. C'est vrai que s'orienter vers un modèle B2B est souvent une solution durable. Il faut bien réfléchir, car les entreprises et les marques ne jettent pas leur argent pas les fenêtres. Mais, les équipementiers veulent créer du lien avec le public via internet et ils aiment passer par des plateformes pour le faire", analyse Anna Gerke, chercheuse spécialise du marketing dans le sport à l'école de commerce d'Audencia à Nantes. Elle connaît très bien l'histoire de Running Heroes. "Ils ont beaucoup communiqué sur les dossards à gagner pour des compétitions, les cadeaux à gagner. Ils ont réussi à décoller en tant qu'entreprise".
Des utilisateurs en recherche de sens
Le réseau social Up2it veut jouer les mêmes cartes : placer des produits de marques dans sa fan-zone où les abonnés tenteront de décrocher un beau lot en remportant un défi ou un tirage au sort. "Dans la fan-zone, on a un espace pour gagner des points. Il faut les multiplier pour gagner une rencontre avec un sportif ou un cadeau. On a un business model basé sur les placements produits. On a aussi des liens d'affiliation avec les équipementiers via des bons de réduction", précise Sébastien Frapolli.
Le maillot dédicacé de @LouisCarbonel à gagner sur l’application 100% sport !
— UP2IT (@up2it_) February 9, 2021
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Il ne suffit cependant pas d'offrir des lots pour créer une communauté virtuelle de sportifs. L'application Running Heroes offre de nombreux prix à gagner, mais selon le PDG de Sport Heroes, Paul-Emile Saab, l'essentiel est ailleurs. "Pour un sportif, il y a des ressorts individuels et collectifs. Le ressort individuel, c'est de la motivation pour gagner une course Sport Heroes le week-end, gagner des récompenses sur notre application. Pour le collectif, il y a vraiment l'aspect communautaire. Depuis deux ans, on propose des défis où les performances de nos abonnés permettent de verser de l'argent à l'organisation 1% for the planet. Ce sont des challenges qui ont du sens. C'est vraiment un besoin de beaucoup d'athlètes d'être dans une communauté", argumente-t-il.
"Avec le Covid, l'expérience supporter s'est effondrée"
La crise sanitaire a accentué le besoin des individus de se connecter aux autres. Cette réalité n'a jamais été aussi vraie que lors du premier confinement au printemps 2020, lorsque les mesures sanitaires limitaient le périmètre des sorties sportives à un kilomètre en solitaire autour du domicile. Si certains acteurs du marché, comme l'application de courses de vélo virtuelles Zwift, ont enregistré un gros boom, les réseaux sociaux pour sportifs ont pâti de la baisse d'activité de leurs abonnés, souvent des pratiquants aguerris.
"On sait que le Covid a plutôt profité à la course à pied. C'était un sport de repli. Les gens ne pouvaient pas aller faire un tennis, donc ils chaussaient leurs baskets. On a eu un afflux de personnes qui se remettaient à la course à pied. Mais comme les gens étaient limités dans leur pratique, avec un périmètre d'un kilomètre et une durée d'une heure, ça n'a pas été la croissance escomptée. On a quand même réussi à stabiliser notre chiffre d'affaires", poursuit Paul-Emile Saab.
"Il y a un nombre important de gens qui cherchent à s'éloigner de ces applications"
Anna Gerkechercheuse spécialiste du marketing du sport
Pour les nouveaux entrants comme Up2it, la conjoncture est donc difficile. Sébastien Frapolli le reconnaît, moins d'abonnés partagent des contenus sur le réseau social, car l'actualité sportive est moins riche qu'à l'habitude. "Avec le Covid, l'expérience supporter s'est effondrée. Les gens ne peuvent pas partager des vidéos ou des photos d'eux dans un stade, sur un événement. Les marques sont aussi fébriles. On a fait plusieurs levées de fond pour tenir le coup. Heureusement, on a encore des sportifs professionnels qui peuvent faire réagir leurs fans".
La chercheuse Anna Gerke voit un autre obstacle sur la route des start-ups qui se lancent à la conquête des communautés de sportifs : l'envie de déconnexion croissante chez une frange de la population. "Il y a un nombre important de gens qui cherchent à s'éloigner de ces applications qui vous poussent à toujours vous montrer sous votre meilleur côté, à exacerber notre narcissisme. Les réseaux sociaux qui auront du succès à l'avenir, ce sont ceux qui permettent aux utilisateurs se rencontrer dans la vie réelle". Une attente encore renforcée par l'isolement social provoqué par les restrictions sanitaires.
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