Qu'est-ce qu'Olvid, cette appli de messagerie que les ministres doivent utiliser à la place de WhatsApp, Signal ou Telegram ?
Une application française de messagerie instantanée adoubée par le gouvernement d'Élisabeth Borne : les ministres et leurs collaborateurs sont priés d'utiliser Olvid au lieu des principales applications de messageries instantanées grand public. La consigne a été donnée par la Première ministre dans une circulaire, révélée mercredi 29 novembre, au nom de la "cybersécurité" et de "la souveraineté technologique française". WhatsApp, Signal, Telegram ou encore Messenger sont pourtant très populaires dans les arcanes du pouvoir. Ministres et membres des cabinets ont jusqu'au 8 décembre pour s'en débarrasser et installer, à la place, le système français Olvid.
Une appli qui assure ne collecter aucune donnée
Olvid se présente comme la messagerie la plus sûre du monde. Cette application est développée depuis 2019 par la start-up parisienne du même nom créée par deux experts en cybersécurité. Quand on la télécharge, Olvid ne demande aucun renseignement, ni numéro de téléphone, ni adresse mail, ni date de naissance. WhatsApp, au contraire, demande au moins une adresse mail pour s'inscrire et alimenter un annuaire centralisé de ses utilisateurs. "Chez Olvid, on supprime cet annuaire, explique Thomas Baignères, l'un de ses cofondateurs, on ne demande pas de données personnelles et il n'y a pas de marketing des données".
Pour se connecter les uns aux autres, les utilisateurs d'Olvid ne passent pas non plus par leur numéro de téléphone. Ils s'échangent d'abord un QR code, puis un code à quatre chiffres pour ouvrir une discussion. L'application n'a pas besoin de carte SIM, mais uniquement d'un réseau internet.
Sur Olvid, le contenu des messages est chiffré, ainsi que l'ensemble des métadonnées des conversations, comme l'heure d'envoi ou de réception d'un message. Pour ces gages en termes de sécurité et de protection des données, Olvid a été certifiée en 2020 par l'Anssi (l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information). Depuis 2021, l'application française est notamment utilisée par le Raid, une unité de la police nationale.
Aujourd'hui, Olvid compte quelque "100 000 utilisateurs", affirme Thomas Baignères, pour qui ce chiffre va rapidement évoluer. Car, depuis la circulaire d'Élisabeth Borne, il assiste à un véritable engouement : "Il y a eu dix fois plus de téléchargements en moins de 24 heures", se réjouit-il. Dans l'App Store, Olvid se classe en numéro 1 des applications gratuites dans la catégorie réseaux sociaux. C'est encore loin des 2,7 milliards d'utilisateurs de WhatsApp, des 700 millions de Telegram ou encore des 50 millions de Signal.
Une sécurité revendiquée
Pour les experts en sécurité, l’utilisation encore limitée d’Olvid ne permet pas de prouver sa fiabilité. "C'est un point d'attention", assure Thomas Baignères, qui rappelle qu'Olvid n'a pas connu de faille depuis son lancement. L'application a pourtant connu un premier changement d'échelle en 2021 quand elle a accueilli 80 000 nouveaux utilisateurs venus notamment de WhatsApp qui adoptait de nouvelles règles de confidentialité controversées. Le ministre délégué chargé du numérique, Jean-Noël Barrot, a
déclaré sur le réseau social X (anciennement Twitter) que son équipe et lui-même utilisaient l'application Olvid depuis juillet 2022.
Thomas Baignères admet qu'il est "impossible d'être sûr de ne jamais être piraté" mais il assure que "l'architecture même d'Olvid rend plus difficile le piratage de données. En n'ayant pas d'annuaire centralisé comme WhatsApp, on a moins de surface d'attaque."
Signal, via sa présidente Meredith Whittaker, estime que sa messagerie est tout aussi sûre. "La Première ministre française invoque des 'failles de sécurité' dans Signal (et autres) pour justifier cette décision. Cette affirmation n'est étayée par aucune preuve et est dangereusement trompeuse." Même tonalité du côté de Meta : Laurent Solly, patron pour la France et l'Europe du sud, assure que WhatsApp est "une plateforme gratuite, très sécurisée avec un chiffrement de bout à bout par défaut, très robuste, qui fonctionne très bien partout dans le monde".
La cheffe du gouvernement appelle aussi ses collaborateurs à davantage utiliser Tchap, la messagerie réservée aux agents de la fonction publique. Un pas de plus dans l'attention portée à la sécurité des applications utilisées par les fonctionnaires. En mars dernier, le gouvernement français leur avait déjà interdit d'utiliser des applications récréatives, comme le réseau chinois TikTok, sur leur téléphone professionnel par crainte de fuite des données.
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