"La Voix humaine" : le nouveau film d'Almodovar est un court métrage poignant, disponible en VOD et en DVD
Seule à l’écran, Tilda Swinton interprète une femme éconduite en reconstruction, devant la caméra du maître madrilène.
Pedro Almodóvar adapte librement la pièce en un acte de Jean Cocteau créée à la Comédie-Française en février 1930, puis filmée en 1948 par Roberto Rossellini avec Anna Magnani. Almodovar la citait en 1987 dans La Loi du désir, et s'en était servi comme point de départ pour ses Femmes au bord de la crise de nerfs en 1988. Il y revient dans un court métrage d'une petite demi-heure, avec la majestueuse Tilda Swinton. Le film sort en VOD et en DVD vendredi 19 mars.
Un texte obsessionnel
Vilipendée par les Surréalistes lors de sa première représentation privée, la pièce de Jean Cocteau à été depuis souvent donnée sur scène, inspira un opéra à Francis Poulenc, fut enregistrée par Simone Signoret (Grand prix du disque 1964), et plusieurs fois adaptée pour les grand et petit écran. Histoire d’une rupture au téléphone, La Voix humaine est celle d’une femme quittée par l’homme qu’elle a aimé durant quatre ans, dont en n’entend jamais les répliques.
A l’image du très beau générique où défilent des outils, cette femme anonyme bricole sa reconstitution. Elle hache le costume de son amant perdu, fait une fausse tentative de suicide, et incendie son appartement. Si la pièce a été aussi souvent adaptée, c’est qu’elle parle à toutes les générations depuis 1930. Une rupture est toujours un trauma, surtout pour celui ou celle qui est quittée. Dans sa pièce, Cocteau a capté avec sobriété un épisode de la vie qui se prêtait à tous les lyrismes. Or, dans le film d'Almodovar, malgré les apparences, il n'en est rien.
La femme en rouge
Si les actes que commet cette femme laminée s'offrent au débordement des sentiments, le texte est tout en retenue, en intériorité, avec une interprétation des plus sensibles de Tilda Swinton, toujours remarquable. Une fois encore Pedro Almodóvar invente une mise en scène qui lui est propre, stylisée, notamment dans le graphisme de ses décors aux couleurs verte et rouge dominantes. Apparaissent des œuvres de De Chirico ou Malevitch, mais aussi des toiles plus sensuelles. Les plans en plongée auscultent avec hauteur cette femme en quête de détachement. Elle cherche justement à prendre de la hauteur, se voit, se trouve.
Le style purement "almodovarien" ne devient-il pas toutefois un tic, une image de marque, un label ? La question ne vient pas nécessairement à l’esprit pour Fellini, Kubrick, Lynch ou Scott. Parce que ces grands cinéastes ont abordé des sujets différents, parfois à des époques différentes, alors qu’Almodóvar parle toujours, ou presque (La bonne éducation), des rapports hommes-femmes, au présent. Sujet inépuisable, certes, mais qui allié à un style reconnaissable entre tous, peut inspirer un manque de renouvellent. Il ne lasse pourtant pas, tant la beauté des plans est fulgurante, le texte juste, l’interprète idéale, et la progression narrative implacable. Superbe, mais on aimerait être plus surpris.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Pedro Almodóvar
Acteurs : Tilda Swinton
Pays : Espagne
Durée : 0,29 mn
Sortie : 19 mars 2021, sur les plateformes de steaming et en DVD
Distributeur : Pathé
Synopsis : Une femme regarde le temps passer à côté des valises de son ex-amant (qui est censé venir les chercher, mais n'arrive jamais) et d'un chien agité qui ne comprend pas que son maître l'ait abandonné. Deux êtres vivants face à l'abandon.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.