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Panne des numéros d'urgence : "Cet incident était prévisible", déplore le porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France

Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, dénonce un accident qui aurait pu être anticipé, et pointe l'État, qui n'a pas pris "ses responsabilités".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le centre de régulation des urgences au centre d'appel Samu 15 de l’hôpital de Périgueux (Dordogne), le 11 décembre 2020. (HARRY SAGOT / RADIO FRANCE)

"Cet incident était prévisible", a affirmé jeudi 3 juin sur franceinfo Christophe Prudhomme, médecin au Samu 93 et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, alors qu'une panne géante des numéros des services d'urgence a touché la France mercredi soir et dans la nuit de mercredi à jeudi. 

>> Département par département, la liste des numéros d'urgence alternatifs sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé

"L'Etat n'a pas pris ses responsabilités", dénonce-t-il encore, alors que les numéros d'urgence fonctionnent à nouveau jeudi matin selon l'opérateur Orange.

franceinfo : Pouvez-vous nous confirmer que tout est rentré dans l'ordre ce matin ?

Christophe Prudhomme : A priori, en Ile-de-France, le problème semble réglé. Mais quand un appel n'arrive pas, nous n'avons pas l'information, donc il faut attendre la matinée pour voir si, effectivement, tout fonctionne. L'incident est survenu au moment où nous avons le plus d'appels, c'est catastrophique. Ça commence à monter à partir de 16, 17 heures, et nous avons le pic d'appels entre 21 heures et 23 heures, c'est une période critique. Il faudra qu'on fasse le bilan, parce que pour un certain nombre de patients, il y a sûrement eu ce qu'on appelle une perte de chance, c'est-à-dire un retard à l'intervention en cas de détresse vitale. Ce sont des morts évitables, malheureusement. Parce que quand vous n'arrivez pas à joindre le 15, quand quelqu'un s'écroule brutalement devant vous, fait un arrêt cardiaque, chaque minute compte, et chercher le bon numéro parce que vous n'arrivez pas à joindre le 15, le 18, que ça ne répond pas, au-delà de l'angoisse, c'est une perte de chance pour le patient.

Comment avez-vous géré les premières heures de panne ?

On a essayé de faire au mieux. Malheureusement, nous étions assez impuissants. Ce qui domine aujourd'hui chez nous, c'est une grande colère, parce que cet incident était prévisible. Depuis de nombreuses années, nous insistons sur le fait qu'avec la multiplication des opérateurs, la libéralisation des télécommunications, nos systèmes ne sont pas sécurisés. D'autre part, ils ne sont pas dimensionnés à la hauteur de ce qu'on souhaite. En 2015, lors des attentats, les standards avaient été saturés. On nous avait promis des améliorations qui n'ont pas été mises en œuvre. Lors de la première vague de l'épidémie du coronavirus, en 2020, la ministre de la Santé de l'époque, Agnès Buzyn, a incité l'ensemble de la population à appeler le 15. Moi, j'étais de garde ce jour-là. A 20 heures, elle passe au journal télévisé, à 22 heures, notre standard explose. On a un système qui n'est absolument pas sécurisé. On a libéralisé les télécoms, nous n'avons plus d'opérateurs d'État unique, et on n'a absolument pas géré le fait qu'en cas d'incident, il nous fallait un système de secours. Ce système de secours n'existe pas aujourd'hui, donc il va falloir investir. Il y a un sous-investissement dans les services publics essentiels que sont le 15, le 18 et le 17.

Une panne de cette ampleur était-elle prévisible ?

Oui, elle était prévisible. Je le répète depuis des années. J'ai vécu la période de France Télécom, des PTT, d'un opérateur public unique. C'était notre interlocuteur, nous pouvions discuter avec lui de la sécurisation de notre système. Aujourd'hui, nous avons plusieurs opérateurs, quatre grands opérateurs, c'est très compliqué pour nous. Et l'Etat n'a pas pris ses responsabilités et n'a pas imposé à ces opérateurs des investissements pour assurer la sécurité des secours de la population. Aujourd'hui, le système téléphonique est piloté par informatique. On sait que l'informatique nous apporte de grands bénéfices, mais que ce sont des systèmes fragiles et qu'il faut absolument, pour des missions qui sont des missions essentielles pour la population, s'assurer d'une sécurisation du système. Et pour cela, il faut des investissements lourds. Mais entre l'Etat qui nous demande des économies et des opérateurs téléphoniques qui ne pensent qu'à gagner les parts de marché, on ne sécurise pas les numéros essentiels pour la sécurité de la population. Et ça, c'est scandaleux.

[Christophe Prudhomme est tête de liste LFI-PCF aux élections régionales en Seine-Saint-Denis]

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