Jean-Marc Ayrault, un Premier ministre à l'autorité affaiblie ?
Des ministres qui court-circuitent Matignon, des députés qui refusent de voter le traité européen, puis qui déposent un amendement contraire au souhait de Jean-Marc Ayrault… Le Premier ministre tient-il sa majorité ? Décryptage.
POLITIQUE – Cinq mois après son arrivée à Matignon, Jean-Marc Ayrault n'a toujours pas réussi véritablement à endosser l'habit de chef du gouvernement. Le constat est dur, mais se révèle peu ou prou unanime. Après un début de quinquennat marqué par plusieurs accrochages entre ses ministres, le Premier d'entre eux a bien tenté de reprendre la main au retour de ses vacances, notamment en multipliant les déplacements sur le terrain et les passages dans les médias. Mais rien ne semble y faire.
En septembre, Jean-Marc Ayrault a eu beau remuer ciel et terre pour que les députés socialistes votent d'un seul homme le traité budgétaire européen, pas moins de 29 ont refusé de s'exécuter, mardi 9 octobre, suscitant de nouveaux doutes sur l'autorité du chef de la majorité. Et trois jours plus tard, vendredi 12 octobre, voilà que Bruno Le Roux, le patron de ces mêmes députés PS, prend l'exact contre-pied de Jean-Marc Ayrault sur la procréation médicalement assistée pour les couples d'homosexuelles. Alors que le Premier ministre souhaite dissocier cette question de celle du mariage des couples de même sexe, Bruno Le Roux prévient lui, vendredi 12 octobre, que le groupe PS à l'Assemblée va déposer un amendement pour lier les deux volets. Recevant au passage le soutien de la ministre déléguée de la Famille, Dominique Bertinotti, visiblement peu soucieuse d'aller, elle aussi, à l'encontre de Jean-Marc Ayrault.
Sans parler de ces autres ministres qui ont visiblement pris l'habitude de s'adresser directement à François Hollande, court-circuitant Jean-Marc Ayrault sur de nombreux sujets. Ce que reconnaît l'Elysée dans les colonnes du Figaro (article payant), vendredi 12 octobre. "Ceux qui se livrent à ce petit jeu-là sont vraiment des abrutis", fulmine le député parisien Christophe Caresche, qui assure cependant que "l'autorité de Jean-Marc Ayrault n'est pas à remettre en cause". "Au sujet de la procréation pour les couples homos, le groupe socialiste peut très bien avoir ses propres propositions, et aller plus loin que le gouvernement. C'est parfaitement son droit !", insiste-t-il.
"Trouver nos marques, après dix ans dans l'opposition"
Premier vice-président du groupe, son collègue Philippe Martin reconnaît toutefois que l'image donnée par ces députés peut tout de même perturber : "Nous traversons une petite crise d'adolescence, de maturité. Cela faisait dix ans que nous étions dans l'opposition, alors aujourd'hui, il nous faut trouver les bons réglages. Le groupe PS à l'Assemblée ne doit pas être simplement un spectateur de la politique gouvernementale, sans aller non plus à rebours de l'exécutif. Nous n'avons peut-être pas encore trouvé la bonne distance." Une réunion des députés PS est d'ailleurs prévue à ce sujet mardi 16 octobre à l'Assemblée.
Député-maire de Lens (Pas-de-Calais), Guy Delcourt approuve les propos de Philippe Martin et balaye les critiques à l'égard du prétendu manque d'autorité de Jean-Marc Ayrault : "Il sait écouter, dialoguer, et trancher. Sinon, il ne serait jamais resté quinze ans à la tête des députés socialistes."
Toujours est-il que ces difficultés ne vont pas forcément contribuer à améliorer la popularité du Premier ministre auprès des Français. "Ce manque d'autorité perçu par les observateur les plus aguerris n'est pas le principal sentiment qui ressort de nos études d'opinion. Mais on constate quand même que comme François Hollande, Jean-Marc Ayrault souffre d'une certaine confusion qui règne parfois au sein de la majorité lorsque des mesures sont annoncées", décrypte le sondeur Emmanuel Rivière, de l'institut TNS Sofres. Une confusion que Jean-Marc Ayrault a intérêt à lever rapidement, s'il ne veut pas plonger dans les prochains jours sous la barre symbolique des 40% de confiance.
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