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Note libyenne sur la campagne de Sarkozy : le feuilleton entre sur le terrain judiciaire

Une enquête préliminaire a été ouverte pour "faux et usage de faux" et "publication de fausses nouvelles" après la plainte du chef de l'Etat contre le site Mediapart.

Article rédigé par franceinfo
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L'ancien dictateur lybien, Mouammar Kadhafi, et le président français, Nicolas Sarkozy, le 10 décembre 2007 à l'Elysée. (PATRICK HERTZOG / POOL)

Mediapart avait annoncé, samedi 28 avril, la publication d'un document "explosif". Lundi, le boom a bel et bien eu lieu et les déflagrations continuent de secouer le monde politique pour finalement aboutir à l'ouverture d'une enquête préliminaire après une plainte du président Sarkozy contre Mediapart.

Cette enquête préliminaire a été ouverte pour "faux et usage de faux" et "publication de fausses nouvelles". La plainte vise le site Mediapart, son directeur de la publication, Edwy Plenel, ainsi que les deux journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske, qui ont signé samedi l'article en cause.

Dans cette note libyenne présentée comme officielle par le site d'informations et datée de 2006, il est indiqué que le régime Kadhafi aurait donné son accord au déblocage d'une somme de 50 millions d'euros pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Retour en trois actes sur un feuilleton naissant.

Acte 1 : une enquête de plusieurs mois 

La publication samedi par Mediapart du document intervient à l'issue d'une enquête de dix mois. Sur le site, plusieurs articles étayent l'hypothèse d'un financement libyen de la campagne de 2007 du candidat UMP : les journalistes expliquent avoir soulevé, "au détour de l’enquête sur l’affaire Karachi", "celle du financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy par la Libye de Mouammar Kadhafi", écrit Mediapart.

• Le 12 mars, le site avait effectivement publié une enquête (lien pour abonnés), laquelle affirmait que l'intermédiaire en armement Ziad Takieddine aurait mis en place, dès 2005, les "modalités de financement" de la campagne par le régime libyen. Invité le soir même de l'émission "Parole de candidat" sur TF1, Nicolas Sarkozy avait jugé "grotesques" ces accusations. "Si [il] avait financé ma campagne en 2007, franchement, je n'aurais pas été très reconnaissant", avait-il ironisé, faisant allusion au soutien de  la France aux opérations de l'Otan qui ont permis la chute du régime libyen. 

• A ce moment-là, ce n'est pas la première fois que les médias se font l'écho de telles accusations. Un an plus tôt, en mars 2011, le guide libyen et son fils, Seif Al-Islam, avaient déjà menacé le pouvoir français lors d'un entretien à la chaîne Euronews, deux jours avant l’intervention militaire occidentale en Libye : "Il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale, disait le fils Kadhafi, aujourd'hui emprisonné dans son pays et accusé de crime contre l'humanité par la Cour pénale internationale. C'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler."

Acte 2 : une note, une "preuve", "un faux", une polémique

• C'est en fait l'effondrement du régime qui aurait permis au document, présenté comme "une preuve" par Mediapart, de refaire surface."Depuis plusieurs mois, nous avons entrepris des recherches pour retrouver des dépositaires d’archives du régime déchu", ont indiqué les auteurs de la dernière enquête en date. Ils écrivent avoir rencontré "plusieurs représentants de factions libyennes, dont certaines avaient conservé des documents et d’autres s’en étaient emparés, en marge des affrontements armés."

Toujours dans son article, Mediapart assure que "selon des connaisseurs du régime libyen", la note "est conforme, jusque dans son style, aux habitudes bureaucratiques du régime." Son authenticité est par ailleurs défendue dimanche par l'homme d'affaire Ziad Takieddine qui persiste et signe dans Libération (lien pour abonnés). Cependant, Moussa Koussa, l’ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye et signataire de la note, a qualifié de "faux" le document en question. De son côté, Bachir Saleh, ex-dignitaire libyen proche du colonel Kadhafi, recherché par Interpol pour fraude, a démenti avoir été le destinataire de ce texte. 

Pour Fabrice Arfi, journaliste co-auteur de l'enquête, ce démenti n'a "aucune valeur", écrit-il sur Twitter. "Recherché par Interpol, Saleh est protégé par la France, comme l'a raconté Le Canard enchaîné", poursuit-il. Nouveau rebondissement lundi : François Fillon indique qu'il n'existe "aucune trace" d'un mandat d'Interpol contre Bachir Saleh. Problème : l'AFP a authentifié les photos de la fiche de ce dernier sur le site d'Interpol. Il y est présenté sous le nom Bachir al-Shrkawi.

• Pour Nicolas Sarkozy et son entourage politique, il ne fait aucun doute que le document est "un montage", une note bidonnée, dit-il, destinée à le déstabiliser dans l'entre-deux-tours de la campagne présidentielle. Dimanche, le président candidat avait dénoncé une "infamie" issue d'une "officine au service de la gauche".

Sarkozy dénonce "une infamie" de Mediapart (Francetv info)

Acte 3 : des suites judiciaires et politiques

Dans leur enquête publiée samedi, les journalistes ont appelé de leur vœux l'ouverture d'"investigations officielles, qu’elles soient judiciaires, policières ou parlementaires, sur cet épisode sombre et occulte des relations franco-libyennes". Mais c'est un autre procès qui pourrait s'ouvrir. Nicolas Sarkozy l'a affirmé lundi matin : il a l'intention de porter plainte contre le site d'information "avant la fin" de la campagne, qui s'achève vendredi à minuit, sans en indiquer le motif. "C'était un document faux. Mediapart est une officine, monsieur Plenel [directeur du site], c'est le bidonnage à chaque fois", a lancé Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy porte plainte contre Mediapart (Francetv info )

• En guise de réponse, le site d'investigation a publié (lien pour abonnés) un article indiquant qu'"avec le soutien de ses lecteurs, Mediapart fera face sereinement à ce procès intenté" par le président candidat qu'ils accusent de "détestation de la liberté de la presse et de la profession de journaliste". L'édito fait notamment référence à l'affaire Bettencourt. Cette dernière, révélée par le site, a abouti à plusieurs mises en examen, rappelle Fabrice Arfi, co-auteur de l'article sur la note.

 

• Au PS, la porte-parole de François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem, a estimé que "les faits révélés" sont "suffisamment graves" pour que "Nicolas Sarkozy en réponde" devant la justice. Pour l'ancienne magistrate et ex-candidate écologiste à la présidentielle, Eva Joly, il s'agit d'une "affaire d'Etat". Cependant, le candidat, François Hollande s'est voulu mesuré lundi matin : "Si c'est un faux, eh bien, le site sera condamné. Si ce n'était pas un faux, à ce moment-là, il y aurait des explications à fournir", a dit le candidat PS à l'Elysée, niant tout lien entre lui et Mediapart.

• Finalement, la nouvelle tombe dans la soirée de lundi. Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire contre le site d'information et ses journalistes pour "faux et usage de faux" et "publication de fausses nouvelles".

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