La campagne de Villepin, objet politique non identifié
Aucun meeting, peu de déplacements... Depuis sa déclaration de candidature, en décembre, la façon dont l'ancien Premier ministre porte son projet détonne. Il est l'invité du 20 heures de France 2, ce soir.
Difficile de qualifier la campagne de Dominique de Villepin depuis l’annonce de sa candidature, le dimanche 11 décembre 2011. Bien présent dans les médias, le télégénique ex-Premier ministre n’a pas franchement multiplié les déplacements de terrain. Et il n'a organisé aucun meeting. Piliers de sa stratégie, ses comités locaux se sentent abandonnés. Retour sur une drôle de campagne.
Une déclaration qui surprend jusqu’à son propre camp
Jusqu'en décembre dernier, ses proches et les cadres de son mouvement, République solidaire, laissaient entendre qu’il ne serait pas candidat. Des sondages qui ne dépassent jamais 2% d’intentions de vote, des soutiens rares, une course aux parrainages compliquée et des moyens limités... Qu’à cela ne tienne, Dominique de Villepin annonce qu’il se lance dans la course à l’Elysée au 20 heures de TF1. "Il faudra voir en mars prochain où il est dans les sondages", indique d’emblée Marc Bernier, le secrétaire général du parti.
Une organisation chaotique
Qui dit candidat dit QG. Dominique de Villepin installe le sien dans la précipitation, un mois après sa déclaration. Coup de chance, c'est pile le jour où la note française est dégradée par l’agence de notation Standard & Poor’s. Conviées, les caméras ne s'attardent pas sur l'organisation du QG, et relaient largement le discours de Dominique de Villepin, qui entend ne pas laisser la France être"humiliée par la loi des marchés qui impose de plus en plus d'austérité".
Parce qu’il est bon client entre déclarations grandiloquentes et attaques contre Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin fait alors le tour des émissions politiques. "Ah ça, il les aura toutes faites, sauf le 20 heures de France 2", s’enorgueillit un membre de son équipe juste avant que son champion ne soit l'invité du journal de la chaîne publique.
Pour le reste, l’ancien Premier ministre a chargé des responsables fédéraux d’aller chercher des sympathisants et de manifester "par [leur] engagement au quotidien la vérité que la politique peut encore changer les choses". Finalement, ils n’ont pas de feuilles de route et les contacts avec le QG de Paris sont difficiles. Ils se sentent laissés à l’abandon, voire "bernés". Le responsable fédéral d’Indre-et-Loire a même claqué la porte mi-mars et s’est confié à France Info.
Dernier couac, le téléphone coupé à 24 heures du dépôt définitif des parrainages d'élus comme le raconte l'Express.fr. Sur son compte twitter le staff de campagne appelle les volontaires à venir au QG avec leurs portables.
Un message à contre-courant
Il faut dire que le message de Dominique de Villepin est difficile à porter en campagne électorale. "Il plaide pour le rassemblement et l’union nationale de toutes les forces", explique un de ses conseillers politiques, alors même que "les partis pèsent de toutes leurs forces" dans une présidentielle.
Le deuxième axe ? Une réforme en profondeur des institutions, "un sursaut de la même ampleur qu’en 1944". Compliqué quand, à l’inverse, "une campagne, c’est une mesure promise à chaque catégorie d'électeurs".
Dernier défi : plaider pour "une ouverture sur le monde et l’Europe", alors que la tendance est "à être en vase clos et sous cloche, comme si seule la France existait", regrette-t-il.
Une stratégie qui snobe les classiques du genre
Excepté le Salon de l’agriculture, à Paris, où il s’est rendu le 12 mars 2012, l’ex-Premier ministre a soigneusement évité les étapes clés de la campagne. Il n'est apparu dans aucun meeting, par exemple. Alors que, pour tous les candidats, les réunions publiques sont devenues des moments incontournables, Dominique de Villepin n’en organise pas une seule. "C’est une question de moyens ! rétorque Jean-Pierre Grand, président de République solidaire, qui se désole : Il a un programme, une expérience et c’est un homme d’Etat, il ne lui manque que l’argent et les signatures !"
Le candidat Villepin s’est aussi économisé en déplacements. Une douzaine en trois mois, loin derrière les voyages tous azimuts des candidats PS et UMP, mais aussi de ceux de "petits" prétendants à l’Elysée, comme Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), dont l’agenda est surchargé. "A l’inverse de tous ceux qui couraient au chevet des usines qui ferment, on a voulu privilégier ce qui marche, les PME dynamiques, la fabrication française de qualité", explique-t-on au QG.
Des interventions imprévisibles
Du coup, Dominique de Villepin va d'une ferme bio dans l'Aisne à des ateliers d'artisanat d'exception à Périgueux et à Dijon, mais le candidat a l'air de flotter parmi les Français qu'il rencontre. Quand il ne reste pas debout sous la pluie "parce qu'on ne pouvait accéder nulle part", se "souvient bien" un membre de son équipe, faisant référence à un déplacement à Pont-Sainte-Maxence (Oise) sur le thème de la sécurité.
"Lui n'a rien à perdre, expliquait au journal Le Monde Jean-Michel Jardry, responsable de la Dordogne, tout en reconnaissant que "la démarche est originale, (...) un peu extraterrestre." C'est pourquoi, à quelques heures de l'interview de Dominique de Villepin dans le JT de France 2, ce jeudi soir, son QG est sens dessus-dessous pour compter les parrainages, alors que personne ne sait bien s'il jettera l'éponge ou continuera coûte que coûte, comme il ne cesse de le répéter.
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