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La "nationalisation de Florange", une aubaine à gauche comme à droite

Pour l'aile gauche du PS, le Front de gauche mais aussi le FN, réclamer la nationalisation du site sidérurgique lorrain, c'est aussi une bonne opportunité politique. 

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le site de l'usine sidérurgique ArcelorMittal de Florange (Moselle), le 30 novembre 2012. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

FLORANGE - L'idée de nationaliser le site sidérurgique de Florange a beau faire bondir certains économistes, elle a trouvé un terreau favorable chez de nombreux responsables politiques français. Brandie par Arnaud Montebourg fin novembre, cette solution apparaît, à gauche comme à droite, comme une piste "à explorer", "nécessaire", voire "incontournable". Un avis qui est partagé par près de 6 Français sur 10. Le gouvernement a pourtant choisi de faire confiance à Mittal en repoussant cette option, offrant un point de rencontre inattendu à des formations politiques idéologiquement opposées.

Bâton de pèlerin de l'aile gauche du PS

Arnaud Montebourg est devenu leur héraut. Comme l'analyse Le Figaro, la frange la plus à gauche du PS soutient sans réserve l'option de nationalisation temporaire de Florange, voulue par le ministre du Redressement productif. Une tendance qui explique en partie pourquoi François Hollande a empêché le ministre de démissionner, samedi 1er décembre. L'Elysée n'a pas besoin d'une crise gouvernementale, et encore moins d'une rupture avec l'aile gauche du PS.

Mais cette rupture semble aujourd'hui entamée. C'est sans détour, et sans prendre de gants, que Marie-Noëlle Lienemann s'est dite "déçue". Invitée sur France Inter lundi 3 décembre, la sénatrice PS de Paris a défendu le cheval de bataille de la gauche du parti : "La nationalisation de Florange, c'était la seule stratégie possible pour reprendre pied dans la filière sidérurgique française." Même appel de la part du député de l'Essonne Jérôme Guedj, qui accuse Mittal d'avoir fait "un bras d'honneur à la France".

Jérôme Guedj : "Mittal fait un bras d'honneur à la France" (Francetv info / France 2)

Derrière cette critique du gouvernement se cache surtout une envie d'exister pour l'aile gauche du PS, qui a déjà montré les dents lors du vote du traité européen en octobre. Mais la fracture n'est pas encore d'actualité assure Thierry Mandon, porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée, dans Le Figaro : "Il n'y a pas deux lignes structurées mais deux appréciations pragmatiques d'une situation." D'autres membres de la majorité encouragent, eux, cette fronde qui couve : "Il faut parfois taper du poing sur la table ! Il y a une certaine forme de paresse chez les socialistes", tacle Sergio Coronado, député EE-LV des Français de l'étranger.

Le Front de gauche joue à domicile

Pour le PCF comme pour le Parti de gauche, l'idée d'une nationalisation correspond à un credo traditionnel, autour des thèmes de la sauvegarde de l'industrie, de la défense des ouvriers et de la lutte contre les "patrons voyous". Pas étonnant donc de voir Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste, défendre sans hésiter la nationalisation de Florange, comme le relaient Les Echos.

Même état d'esprit au Parti de gauche. Lakshmi Mittal y est surnommé "le diable de l'acier" à qui une nationalisation doit être "imposée". Jean-Luc Mélenchon s'attaque lui ouvertement au gouvernement, estimant que Jean-Marc Ayrault "n'est pas de taille". Après les désaccords sur le traité européen, sur le budget 2013 ou encore sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c'est une nouvelle preuve que le fossé entre le gouvernement et la gauche de la gauche se creuse inexorablement. 

Un terrain de chasse classique pour le FN

Pour le Front national également, l'idée de la nationalisation n'a rien de nouveau. En 2011, Marine Le Pen prônait une prise de contrôle par l'Etat du secteur énergétique, comme le détaillait Libération ; pendant la campagne présidentielle, ce sont les banques de dépôt qui étaient visées dans le projet de la candidate du FN. Le 26 novembre, la présidente du mouvement frontiste a ainsi applaudi la proposition d'Arnaud Montebourg. Vendredi 7 décembre sur Europe 1, Florian Philippot, vice-président du FN, est allé plus loin en proposant un transfert politique au ministre du Redressement productif : "Si Arnaud Montebourg est sincèrement protectionniste, il a toute sa place au Rassemblement bleu Marine."

Un positionnement classique lié à des thèmes électoralement porteurs pour le FN : le protectionnisme économique, la sortie de l'UE et la culture d'un "Etat fort". Près de Florange, comme le décrit Le Monde, Marine Le Pen avait tenu son premier grand meeting de campagne en décembre 2011. Le FN y avait obtenu presque 23% des voix au premier tour des législatives. Marine Le Pen ne perd pas de vue la source électorale que représentent ces zones industrielles frappées par les fermetures d'usines.

Une opportunité à saisir pour l'UMP

Le débat autour de la nationalisation de Florange tombe à pic pour l'UMP. Empêtrés dans la crise qui gronde au sein de leur parti, les responsables du mouvement tirent à boulets rouges sur le gouvernement. Certains rappellent au passage que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, avait fait le même choix pour Alstom en 2004. Parmi eux, Jacques Myard, député des Yvelines cité par BFMTV, venu au soutien d'Arnaud Montebourg.

Pour Henri Guaino, également député des Yvelines, le ministre a "tort sur la forme mais pas sur le fond", comme il le dit au journal Les Echos. Car plus que de la nationalisation ratée, on préfère parler du "marché de dupes" proposé par un Premier ministre "impuissant", comme le disent Laurent Wauquiez et Jean-François Copé.

Wauquiez et Copé sur l'accord signé sur Florange (Francetv info)

En évitant le sujet, l'UMP cherche d'abord à ne pas trop contredire ceux qui ont critiqué Arnaud Montebourg pour ses attaques contre Mittal. Il s'agit surtout de ne pas justifier une décision qui irait à l'encontre du principe de propriété. La souplesse idéologique a ses limites.

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