La mort de Yasser Arafat va-t-elle être expliquée ?
La justice cherche à déterminer si le leader palestinien, mort en 2004, a été empoisonné.
PROCHE-ORIENT – Un nouveau pas a été franchi dans l'enquête sur la mort de Yasser Arafat. Son corps a été exhumé mardi 27 novembre à Ramallah (Cisjordanie) afin de permettre d'effectuer des prélèvements, qui ont été remis à des scientifiques. Il a ensuite été remis dans sa tombe, qui a été refermée. La justice cherche à déterminer si le leader palestinien a été empoisonné au polonium, huit ans après sa mort à l'hôpital militaire Percy de Clamart, près de Paris.
D'où viennent les soupçons d'empoisonnement ?
Tout est parti de la diffusion en juillet dernier d'un documentaire sur Al-Jazeera (en anglais), dans lequel l'Institut de radiophysique de Lausanne (Suisse) affirmait avoir découvert "une quantité anormale de polonium" sur les affaires portées par le leader palestinien au moment de sa mort. Ces effets, parmi lesquels sa brosse à dents et ses sous-vêtements, avaient été remis en 2004 à la veuve d'Arafat, Souha, par l'hôpital Percy. Le polonium est une substance hautement radioactive, qui aurait servi entre autres à empoisonner l'opposant russe Alexandre Litvinenko en 2006. Après la diffusion du documentaire, Souha Arafat a porté plainte contre X pour "assassinat" à Nanterre, avec constitution de partie civile.
Objet de nombreuses rumeurs – des Palestiniens soupçonnant notamment Israël d'avoir assassiné leur dirigeant –, la mort de Yasser Arafat n'a jamais été clairement expliquée. Il s'est éteint le 11 novembre 2004 à l'hôpital Percy, où il avait été transféré avec l'accord d'Israël après avoir été isolé par l'armée israélienne dans son QG de Ramallah. Son état s'était rapidement dégradé, sans que les médecins ne puissent l'expliquer. Aucune autopsie n'avait été réalisée à l'époque.
Pourquoi une exhumation ?
A la suite de la diffusion du documentaire, les scientifiques suisses ont expliqué que leur découverte nécessitait des examens sur des échantillons plus larges. Pour cela, une seule solution : effectuer des prélèvements sur la dépouille d'Arafat. L'Autorité palestinienne a d'emblée donné son accord, réclamant que toute la lumière soit faite sur la mort du leader palestinien. Sa veuve a elle aussi donné son feu vert.
Pourquoi un tel délai entre la mort d'Arafat et la plainte ?
Interrogée sur les huit ans écoulés entre le décès de son mari et son action en justice, Souha Arafat s'est justifiée dans un entretien accordé en juillet au Figaro : "L'élément clé, l'enquête d'Al-Jazeera, qui a révélé des doses anormalement élevées de polonium sur les vêtements d'Arafat, m'a incitée à chercher toute la vérité sur la mort de mon mari." Elle a aussi expliqué pourquoi elle n'avait pas réclamé d'autopsie au moment de son décès : "Tout est allé très vite. Les polémiques, également, commençaient. Je ne voulais pas en ajouter une autre."
Comment se sont déroulés les examens ?
Selon une source palestinienne, seul un médecin palestinien a été autorisé à toucher la dépouille et effectuer les prélèvements, remis ensuite aux experts russes, suisses et français pour analyses. Trois juges français, saisis de l'enquête pour assassinat, étaient présents. Les dirigeants palestiniens doivent tenir une conférence de presse en fin de journée.
Les analyses permettront-elles d'expliquer la mort d'Arafat ?
Les conclusions ne sont pas pour tout de suite. Selon des experts, les analyses prendront plusieurs semaines. Et même si des traces de polonium sont découvertes dans les prélèvements, il ne sera pas facile de prouver qu'il a été administré par voie humaine, selon un responsable de l'Institut français pour la protection radiologique et la sûreté nucléaire (IRSN).
Si jamais les prélèvements réalisés sur la dépouille du leader palestinien venaient à confirmer la thèse d'un empoisonnement, les dirigeants palestiniens saisiront la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré un responsable palestinien, Taoufiq Tiraoui, peu après l'ouverture de la tombe.
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