Cet article date de plus de douze ans.

Le plan Vigipirate écarlate activé, Toulouse vit dans la "psychose"

Le quadruple meurtre de lundi a entraîné le déclenchement du dispositif de sécurité à son plus haut degré. FTVi a recueilli des témoignages d'habitants, qui décrivent une peur palpable.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dans le métro toulousain, mardi 20 mars 2012. (PASCAL PAVANI / AFP)

Ecarlate. La couleur du plan Vigipirate, déployé lundi 19 mars en Midi-Pyrénées et étendu à l'Aude et au Lot-et-Garonne, signifie "alerte maximale". A Toulouse, où le tireur au scooter a sévi lundi devant un collège juif, les habitants remarquent surtout l'omniprésence de la police dans le centre-ville. Et décrivent une atmosphère lourde. 

"Il y a toujours eu pas mal de policiers dans le centre-ville, là ils sont nettement plus nombreux et visibles, surtout devant la gare", raconte Agnès, 33 ans, animatrice à la MJC de Balma, dans la banlieue de Toulouse. Sur le trajet, "ça roule bien, ce n'est pas pire que d'habitude". D'autres automobilistes ont même été surpris de pouvoir parcourir les quelque 50 kilomètres qui relient Toulouse à Montauban sans croiser de policiers au péage, contrairement à d'habitude.

Toulouse à l'heure de Vigipirate écarlate, pour la 1ère fois ( FRANCE 3 )

En revanche, devant les établissements scolaires, l'ambiance a changé. Policiers en armes et gilets pare-balles ont remplacé les ados qui avaient l'habitude de traîner devant les grilles du bahut. Eux n'ont plus le droit de traîner en groupe, même le temps d'une pause cigarette. Les sorties scolaires et extrascolaires ont été interdites pour la journée. "Pour la suite, nous attendons les consignes, au jour le jour", raconte Agnès, qui a reçu un e-mail de recommandations de la Direction départementale de la cohésion sociale.

Les parents quant à eux, trouvent des informations sur les panneaux d'affichage des écoles, comme le montre la photo tweetée par Jérôme Fernandez, le capitaine de l'équipe de France de handball. Identification, fermeture de l'enceinte, annulation des récréations... Les mesures y sont égrainées. "Veuillez sortir de l'enceinte le plus rapidement possible", précise la circulaire aux parents qui accompagnent leurs enfants le matin.

"Partout, on ne parle que de ça"

A la sortie des cours, désormais, de nombreux élèves s'engouffrent dans les voitures de leurs parents inquiets, comme le raconte Florian*, professeur dans un lycée technique. "Il n'y a pas de policiers devant mon lycée, cela fait peur aux élèves d'origine étrangère, qui se sentent visés", étant donné le caractère raciste des meurtres perpétrés dans la région depuis huit jours. Florian a aussi remarqué l'absentéisme des élèves et a appris que certains collègues avaient dû "interrompre leurs cours pour discuter avec les élèves" de la tuerie de la veille.

Car "partout, on ne parle que de ça", racontent tous les Toulousains contactés par FTVi. "Les collègues, les patients, tout le monde est obsédé et se pose des questions", constate Marie, interne en psychiatrie. "Lundi après-midi, le personnel s'est demandé s'il maintenait l'atelier sport. Finalement, ils ont eu le gymnase municipal pour eux tout seuls. Les autres ne sont pas venus."

En scooter, "je fais peur aux gens"

La "psychose" se propage. Marie le reconnaît : "Moi-même, quand j'entends un deux-roues arriver derrière moi, je me retourne automatiquement". "Plein de gens ont cherché le modèle du deux-roues du tueur, pour pouvoir le reconnaître", ajoute-t-elle. Julien, 32 ans, circule sur un scooter noir. Et même si le sien est nettement plus petit que celui du tueur, "je fais peur aux gens, on me dévisage, des piétons s’arrêtent même sur mon chemin", raconte-t-il.

Après la douleur, l'angoisse a donc pris le relais. Agnès a dû "rassurer un ado qui avait peur de rentrer à pied chez lui, alors qu'il vit à deux minutes de son collège", et depuis lundi après-midi, toutes sortes de rumeurs circulent. "J'ai entendu parler d'un enlèvement, d'un autre meurtre, mais je n'en ai trouvé aucune trace dans la presse", raconte l'animatrice, qui tente de garder la raison. "Je ne veux pas devenir paranoïaque, mais les appels de la famille qui vit loin, les images diffusées à la télé et les hélicoptères au-dessus de nos têtes ne m'aident pas", analyse-t-elle.

"Le problème, c'est le manque de moyens, décrit Michèle*, salariée d'une université toulousaine, sur un campus de 30 000 étudiants, le service de sécurité ne peut pas contrôler tout le monde en permanence." De plus, l'ambiance est déjà "lourde et plombante", dit-elle, avant d'ajouter que "pour la première fois", à cause de la violence grandissante des meurtres, elle a eu "peur dans le métro, car on se dit que le tueur peut très bien s'en prendre à une foule". Mais cette tension ne l'a pas empêchée de se rendre à un concert en dehors de Toulouse lundi soir, où les services de sécurité étaient déployés et le parking interdit.

* Les prénoms ont été changés

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.