: Récit Du fiasco de Jakarta à la rédemption de Paris, la renaissance expresse des "cailleras" de l'équipe de France de basket
Lorsqu'on a touché le fond du trou, on ne peut que chercher à remonter. C'est sans doute le point où étaient arrivés les Bleus il y a tout juste un an, en Indonésie. Dans la fournaise humide de Jakarta, ils avaient suffoqué, éliminés après deux petits matchs du Mondial alors qu'ils avaient annoncé ne viser "rien d'autre que l'or", selon Rudy Gobert. Une humiliation face au Canada, une déroute face à la Lettonie, et ils étaient déjà de retour à l'aéroport.
A ce moment-là, le risque d'implosion était grand. "La Fédération doit demander, à sa direction technique nationale et au staff, les raisons de cet échec", annonçait depuis l'Indonésie le président de la FFBB, Jean-Pierre Siutat. Boris Diaw, manageur des Bleus, enchaînait : "Aucune décision n'a été prise sur personne, Vincent Collet y compris. On peut tous être remis en question. A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas." Vincent Collet, en poste depuis 2009, est resté. Les cadres, que sont Nicolas Batum et Nando de Colo, ont poussé jusqu'aux Jeux, orgueilleux de ne pas quitter ce maillot bleu comme ça.
Wembanyama fait oublier Embiid
Et puis, un petit nouveau a tout chamboulé. Ce petit tutoie tout de même presque les 2,30 mètres, et s'appelle Victor Wembanyama. Dans un marasme où Joël Embiid n'a finalement pas voulu mettre le pied, lui a mis la tête. Une tête bien faite, froide et lucide, qui a revitalisé ces Bleus dans lesquels plus personne ne semblait croire.
Une fois la saison NBA terminée, lui et les autres se sont retrouvés en stage à l'Insep, pour l'opération rachat aux Jeux. Envers le basket français, le public, mais surtout envers eux-mêmes. "On a une opportunité incroyable et on compte être à l'heure de l’événement. On veut tout utiliser et l’échec de l’année dernière est un élément important", soulignait le sélectionneur Vincent Collet début juin.
Quatre défaites pour finir la préparation et les doutes sont revenus comme un coup de fouet. L'entrée en matière aux Jeux face au Brésil, sérieuse mais sans grand relief, n'a pas rassuré grand monde.
Strazel évite le pire aux Bleus
Puis le Japon. L'adversaire le plus abordable s'est révélé être terriblement coriace, et ce n'est que par un Ave Maria de Matthew Strazel que les Bleus s'en sont sorti. "C'est le miracle de Matthew contre le Japon qui nous amène ici. On a eu de la chance quand même, ça s’est joué à un tir", rembobinait Nicolas Batum jeudi, après la demi-finale.
Miraculés, les Bleus étaient qualifiés, mais sans aucune marge. Mouchés dans les grandes largeurs par l'Allemagne, ils empruntaient dangereusement la pente descendante. C'est alors que la bascule est intervenue. Nicolas Batum a haussé le ton, en capitaine, pour secouer tout le monde. "Il ne vaut mieux pas que je le partage ici...", disait-il au soir de la défaite.
L'échange dans les médias entre Evan Fournier et son coach a attisé une possible tension qui n'en a jamais été une. Et puis, Vincent Collet a tout changé. Il a cassé les "statuts", et envoyé ses deux stars Rudy Gobert et Evan Fournier sur le banc pour commencer les matchs de la phase finale. "On a été pourris, mais on est là quand même. On est encore vivants, on a encore une chance. Autant la jouer à fond", disait Batum. Et tout a changé, tout a "cliqué", comme eux le disent.
Une bascule décisive avant les quarts
On leur prédisait l'enfer en quart face au Canada ? Ils ont écarté avec autorité (82-73) ceux qui les avaient humiliés au Mondial. Avec en prime un Evan Fournier décisif. "Tout ce qu'on a traversé ces dernières semaines nous a permis d'être l'équipe qu'on a été aujourd'hui. Quand l'adversité est venue, on ne s'est pas séparés, on n'a jamais perdu confiance", insistait Gobert. "On n'est pas la même équipe", résumait Fournier.
L'Allemagne, championne du monde en titre, semblait une marche encore plus haute en demi-finale. Même sanction (73-69). Les leaders dans le dur, ce sont les lieutenants qui ont pris le relais, Isaïa Cordinier et Guerschon Yabusele. "On sait qu'il n'y a pas grand monde qui croyait en nous, de par la préparation, de par les phases de poules. Mais nous, on avait confiance en nous. On s'est dit les choses. On s'est donné une direction. Et aujourd'hui, ça porte ses fruits", se félicitait Cordinier. "On s'est trouvés au meilleur des moments", soulignait Frank Ntilikina.
Oubliée l'équipe hésitante et résignée de Jakarta. Celle de Paris a un cœur immense, et se bat avec lui avant de se battre avec ses jambes. Le cœur des "cailleras", surnom autoproclamé pour marquer leur dureté et leur volonté de ne jamais renoncer.
En finale, la montagne américaine a été infranchissable. Pourtant, ces Bleus ont tutoyé le sommet, ont manqué de le gravir d'un rien. "On n’était pas loin, et ça fait chier !", déplorait Andrew Albicy samedi, après la défaite 98-87 en finale.
Mais l'heure n'était pas aux lamentations. Ce groupe revient de très loin, et est sorti avec les honneurs de l'enfer que certains lui prédisaient à domicile. "Qui aurait pu penser, il y a sept jours, qu'on serait là, à jouer contre cette équipe en finale ?, relevait Nicolas Batum après l'ultime rencontre. J'ai vécu le tournoi le plus fou et bizarre auquel j'ai participé avec cette équipe."
Collet, Batum et De Colo partent avec les honneurs
A la croisée des chemins, avec les départs de Vincent Collet, Nicolas Batum et Nando de Colo, cette équipe va devoir se réinventer. Mais elle a réussi son pari, métamorphosée en un an. "Ça ne se voyait pas forcément au début, mais l'état d'esprit n'avait rien à voir avec celui de l'année dernière", affirme Vincent Collet.
Cette prochaine génération sera incarnée par Matthew Strazel, Bilal Coulibaly ou Isaïa Cordinier. Mais surtout par Victor Wembanyama. A 20 ans, il a réalisé son meilleur match en bleu en finale des JO. Avec lui, l'avenir des Tricolores ne peut pas s'annoncer morose. "Aujourd'hui, c'est sûr que ce n'est pas ce que je voulais. Mais dans 20 ans, ça fera bien sûr un CV. Ça me fait mal de voir un autre drapeau au-dessus du nôtre. C'est l'image que je vais garder pour les quatre prochaines années", a conclu la nouvelle coqueluche de la sélection française. Rendez-vous à Los Angeles en 2028.
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