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Mélenchon, le candidat qui monte, qui monte...

Après avoir franchi la barre des 10% dans les sondages, le leader du Front de gauche organise une grande manifestation, ce dimanche à Paris. Voici ce que sa progression change pour lui et pour les autres.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
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Jean-Luc Mélenchon à Clermont-Ferrand, le 14 mars 2012. (THIERRY ZOCCOLAN / AFP PHOTO)

Jean-Luc Mélenchon est un candidat heureux. A un peu plus de trente jours du premier tour, sa cote ne cesse de grimper dans les sondages. Lui qui oscillait entre 5 et 7% avant l'hiver attaque le printemps avec 10 à 11% d'intentions de vote au premier tour. Montpellier, Rouen, Clermont-Ferrand... Ses meetings attirent à chaque fois plusieurs milliers de personnes. Et les Français pourraient le "catapulter bien au-delà de là", s'enthousiasme-t-il.

Une "vague rouge" dont il espère en tout cas montrer l'ampleur, dimanche 18 mars, lors d'un grand défilé entre les places de la Nation et de la Bastille, à Paris, qui s'achèvera par un meeting auquel pourraient participer, selon le Front de gauche, de 25 000 à 40 000 personnes. "Nous donnerons le coup d'envoi et la forme de notre campagne pour donner à voir l'insurrection civique que nous appelons de nos voeux", prévient-il.

Que change le fait d'avoir franchi cette barre symbolique des 10% d'intentions de vote ? Beaucoup de choses, pour lui comme pour ses concurrents. Explications. 

• Il donne un nouveau statut au Front de gauche

Certes, l'élection n'est pas encore jouée, et beaucoup de choses peuvent encore évoluer d'ici au 22 avril. Mais Jean-Luc Mélenchon a d'ores et déjà réussi à donner un nouveau souffle à la gauche de la gauche. Le faible score de Robert Hue en 2002 (3,37%) et surtout le naufrage de Marie-George Buffet en 2007 (1,93%) semblent déjà être de mauvais souvenirs pour le Parti communiste français. L'actuel secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, rêve que son parti devienne "la troisième force" politique du pays.

Avant cela, il faudra dépasser le MoDem de François Bayrou (crédité aujourd'hui de 13% à 15% des intentions de vote dans les sondages) et surtout le Front national de Marine Le Pen (15% à 17%). Mais le statut de "deuxième force" de gauche semble acquis. Europe Ecologie-Les Verts, qui avait obtenu 16,3% aux élections européennes de 2009 quand le Front de gauche recueillait 6% des voix, stagne aujourd'hui entre 1 et 2% des intentions de vote.

De gauche à droite, Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent, à la Fête de l'Humanité, en septembre 2011. (FRANCOIS LAFITE / MAXPPP)

Principale conséquence : si Jean-Luc Mélenchon obtient un score à deux chiffres au soir du 22 avril, le Parti communiste sera évidemment en position favorable pour les négociations d'entre-deux-tours avec le PS si François Hollande est qualifié pour le second tour. "Mélenchon va être un caillou dans la chaussure de Hollande, pronostique le politologue Rémi Lefebvre. Même s'il n'y a que très peu de chances pour qu'un accord global de gouvernance soit trouvé, des ministres communistes entreront au gouvernement si Hollande est élu." Et plus le score de Jean-Luc Mélenchon sera élevé, plus leur nombre sera important.

Au PCF, on ne veut cependant pas aller trop vite en besogne, estimant qu'un score élevé aux législatives de juin pourrait donner encore plus de poids. "C'est la logique d'attendre que soient dessinés les rapports de force de la majorité parlementaire", prévient Pierre Laurent.

Ses idées sont reprises par d'autres candidats

Ce qui change à plus court terme pour Jean-Luc Mélenchon, c'est de se voir pris avec un peu plus de considération qu'auparavant par ses concurrents. "On est en train de gagner la bataille idéologique !", se délecte-t-il en voyant François Hollande proposer une taxation à 75% des revenus supérieurs à un million d'euros par an, et Nicolas Sarkozy s'engager à faire payer les exilés fiscaux. 

"Nos idées sont désormais au centre du débat et des solutions quand il s'agit (…) d'organiser le partage des richesses", insiste Mélenchon. Et c'est bien là son objectif : plus les intentions de vote en sa faveur seront élevées, plus le candidat socialiste devra en tenir compte dans la campagne ; plus son score au premier tour sera élevé, plus François Hollande, s'il est élu, devra en tenir compte durant son quinquennat. "Un tel score [à deux chiffres] nous donnera la force de bousculer la situation à gauche", résume Pierre Laurent.

• Les médias s'intéressent davantage à lui 

Ce score, justement, peut-il être encore plus important que ce que les sondages prédisent aujourd'hui ? "Une telle progression sondagière s'accompagne forcément d'une attention particulière, notamment des médias, souligne Emmanuel Rivière, directeur du département opinion de l'institut TNS-Sofres.

Mais sa marge de progression semble désormais "assez limitée", aux yeux d'Emmanuel Rivière. "Il n'a pas tant pris des intentions de vote à Marine Le Pen qu'à Eva Joly, Philippe Poutou, Nathalie Arthaud et François Hollande. Aujourd'hui, sa marge de progression est plutôt du côté du candidat socialiste. Mais il est confronté au problème suivant : s'il fait baisser François Hollande, les électeurs socialistes redouteront un effet 21 avril, et reviendront finalement à leur choix initial pour ne pas prendre un tel risque." 

Quant à l'électorat de Marine Le Pen, "il est assez différent" de celui de Jean-Luc Mélenchon, relève Emmanuel Rivière. "Il n'a pas de réserves de voix de ce côté-là, abonde Jérôme Sainte-Marie, de l'institut CSA. La principale raison du vote FN, c'est l'immigration. Or, sur cette question, Jean-Luc Mélenchon a des positions à l'opposé de celles de Marine Le Pen. C'est un empêcheur de transfert." 

Moralité : l'horizon de Jean-Luc Mélenchon n'est pas tant d'amplifier ce score à deux chiffres que de le consolider d'ici au premier tour.

• Son budget de campagne devient plus conséquent

Dernier changement principal pour le Front de gauche : les finances. Selon Marie-Pierre Oprandi, trésorière de la campagne, la progression de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages et la perspective d'un score à deux chiffres ont fait croître le budget prévisionnel.

Car face à l'affluence dans les meetings, des salles plus grandes (et donc plus chères) ont dû être réservées, et les tracts ont dû être imprimés à des tirages plus importants. Un livret de quatre pages sera bientôt tiré à 15 millions d'exemplaires. Bilan : le budget total, initialement évalué 2,2 millions d'euros, devrait finalement tourner autour de 3 millions. Loin des 8 millions d'euros que l'Etat propose de rembourser aux candidats dépassant les 5% de voix au premier tour. Les emprunts souscrits jusqu'à présent par le PCF (600 000 euros), le Parti de gauche (500 000 euros) et la Gauche unitaire (100 000 euros), les principales composantes du Front de gauche, seront donc remboursés sans problème. 

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