115 du particulier, un mur Facebook pour ceux qui n'ont pas de toit
Le réseau d'entraide lancé le 4 février compte déjà plus de 1000 membres. Il référence, partout en France, des personnes qui proposent un hébergement aux sans-abri.
Etes-vous prêt à accueillir une personne sans-abri chez vous ? Avec la vague de froid intense qui s'est propagée sur toute la France, les centres d'hébergement d'urgence sont saturés alors que leurs capacités d'accueil ont été augmentées à la demande du gouvernement. Résultat, des personnes dorment dehors en dépit des températures sibériennes. Et c'est sans compter celles qui refusent de se rendre dans les centres d'hébergement. Face à ce constat, des Français ont constitué un réseau d'entraide, baptisé le 115 du particulier. Lancé sur Facebook le 4 février, il compte déjà plus de 1 200 membres, mercredi 8 février.
Qui a initié le mouvement ?
Deux personnes sont à l'origine du réseau :
• Cedric Lebert, qui se présente comme artiste-peintre et céramiste. C'est un "père au foyer" de 41 ans. Pendant quinze ans, il a alterné entre rue, squats, communautés hippies et même monastère bénédictin. Il vit aujourd'hui dans une petite ferme, près du Mans (Sarthe).
• Brann du Senon a 51 ans. Il vit près de Nemours, en Seine-et-Marne, dans une caravane dans les bois. Il a passé un an dans la rue.
Les deux hommes ne se connaissaient pas jusqu'ici. Ils se sont rencontrés sur Facebook autour d'un groupe sur "Les anciens de la rue", créé par Cedric Lebert. Ils sont partis d'une remarque "toute bête" : "pourquoi n'ya-t-il pas de particuliers volontaires dans les fichiers du Samu social ?" , explique-t-il à FTVi. Désormais "sept à huit personnes" s'occupent du 115 du particulier.
Que fait le réseau ?
"Le 115 du particulier n'a pas la prétention de se substituer aux travailleurs sociaux, ni même aux associations, mais de proposer et de réfléchir à 'un coup de main' supplémentaire", explique-t-il sur sa page.
La principale mission que s'est donnée le 115 est de trouver temporairement un toit pour ceux qui n'en ont pas. Il dresse ainsi une liste des propositions d'hébergement. On en comptait plus de quarante dans toute la France, mercredi.
"PAS D'ARGENT ! Que du concret ! Ainsi, pas de doute sur la destination des dons !" , c'est le mot d'ordre. En plus des propositions d'hébergements, le "115 des particuliers" recherche des lieux où prendre une douche, mais également des couvertures, des vêtements, de la nourriture. La liste répertorie par exemple une personne à Poussan, dans l'Hérault, qui ne propose pas de lit, mais des douches et des repas.
Comment fonctionne-t-il ?
• Mise en relation
Les personnes dans le besoin voient les annonces de celles qui offrent leur aide. Mais les coordonnées des personnes qui proposent un hébergement n'apparaissent pas. Si les demandeurs sont intéressés, ils appellent un administrateur qui prend contact avec un hébergeant et, éventuellement, les met en relation.
• "On jauge qui peut loger qui"
"Dans la rue, certains individus sont plus marqués que d'autres, raconte Cédric Lebert. Bien sûr, nous n'amenons pas des personnes qui ont besoin d'une importante aide chez des personnes qui ne seraient pas capables de les accueillir. On jauge qui peut loger qui."
• Candidatures spontanées
Sur "le mur" du groupe, elles affluent : "Nous pouvons accueillir une personne à Lacroix Falgarde dans le 31", signale Audrey. "Logement dispo avec 2 chambres. Je ne l'occupe que très peu donc 3 à 4 personnes peuvent y cohabiter ensemble.... (dans le 69520 )", détaille Marie. Maryline, elle, habite à "Asnières-sur-Seine [Hauts-de-Seine], à proximité du métro Gabriel-Péri". Elle propose de loger une femme même si, visiblement, elle ne vit pas dans un immense appartement : "Pas de lit mais sac de couchage avec matelas et oreiller intégré pour couchage dans ma cuisine."
Quels sont ses résultats ?
Concrètement, le 115 du particulier n'a placé qu'une seule personne mercredi, chez Brann du Senon, l'un des cofondateurs. "Ça a très vite pris. On a eu beaucoup d'offres, mais très peu de demandes, ce qui est normal puisque les gens de la rue ne savaient pas qu'on existait, explique Cédric Lebert. C'est pour cette raison qu'on met le paquet sur la communication depuis quelques jours."
Interrogé sur la façon dont les sans-abri vont se connecter à Facebook pour regarder les annonces, il répond que ce n'est pas un problème. Selon lui, les personnes qui vivent dans la rue ont des téléphones très perfectionnés (qui permettent d'aller sur internet) car c'est leur seul moyen d'être joignable.
La Fondation Abbé Pierre salue le geste, mais n'y voit pas une solution durable
"On ne peut que se réjouir de la solidarité au sein de la population, déclare à FTVi Sylvie Guichard, directrice des missions sociales de la Fondation. Mais on ne peut pas se reposer sur des solutions individuelles pour régler le problème du logement en France, ajoute-t-elle. Cet élan formidable des particuliers doit relever de la solidarité nationale."
Elle souligne que "travailleur social, c'est un métier". "On ne peut pas demander à tout un chacun d'avoir ces compétences et ce savoir-faire." D'autant plus que la prise en charge de personnes qui sont sans-abri doit s'inscrire dans un dispositif d'accompagnement qui implique différents acteurs et services.
De son côté, le secrétariat d'Etat au Logement n'était pas en mesure de répondre aux questions de FTVi mercredi en milieu d'après-midi.
Cédric Lebert, lui, ne voit pas le 115 du particulier comme une structure temporaire. "J'espère qu'il va durer longtemps, tant qu'il y aura des besoins. Mais pour l'instant, les choses ne font que se mettre en place."
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