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Canicule et personnes âgées : "Le manque de professionnels se traduit par des morts"

Pour le président de l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), il faut plus de personnel pour s'occuper des seniors.

Article rédigé par franceinfo
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En période de canicule, il est conseillé de boire de l'eau régulièrement. (BONNIERE PASCAL / MAXPPP)

Alors que le thermomètre devrait dépasser les 40°C par endroits en France dans les prochains jours, Pascal Champvert, président de l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), s'inquiète samedi 22 juin du manque de personnel pour s'occuper des personnes âgées pendant cette vague de chaleur. "Le manque de professionnels se traduit par des morts quand il y a des risques de canicule, c'est inacceptable", estime-t-il sur franceinfo.

franceinfo : Tous les établissements sont-ils en mesure de faire face à cette vague exceptionnelle de chaleur ?

Pascal Champvert : Absolument pas. Nous sommes dans une situation extrêmement tendue dans l'ensemble du secteur de l'aide aux personnes âgées. Ce qui a progressé depuis la canicule de 2003, c'est la compréhension de la part des Français que la chaleur peut tuer. Donc si nous nous trouvions dans la même situation qu'en 2003, nous n'aurions pas 15 000 morts. Mais pour autant, nous aurions quand même des milliers de morts, et c'est parfaitement inacceptable. Les pouvoirs publics disent qu'ils diffusent de l'information, qu'ils préviennent, et qu'après, les professionnels devront mettre les bouchées doubles. Mais ils ne peuvent pas mettre les bouchées doubles, parce qu'ils les mettent déjà au quotidien. C'est ça qui est très dangereux pour l'ensemble des personnes âgées de notre pays.

Au-delà des moyens humains, qu'est-ce qui a évolué depuis 2003 ? Quels sont les équipements en climatiseurs, en brumisateurs ?

Tout ça est utile, ça évitera des milliers de morts. Mais depuis 15 ans il aurait fallu faire autre chose : une fois qu'on prévient et qu'on dit aux Français de faire le maximum, il faut aussi faire en sorte qu'on ait suffisamment de professionnels dans les établissements, dans les services à domicile pour passer du temps auprès des personnes âgées. Il faut des hommes et des femmes pour les accompagner. La France est en retard à ce niveau-là, ce qui fait qu'on ne s'occupe pas bien au quotidien des personnes âgées, dans les maisons de retraite et dans les services à domicile. Quand on est en période de tension, quand il y a des risques de canicule ou de grippe, ça se traduit par des morts, et ça c'est inacceptable.

On ne peut pas embaucher des gens que pour la période de canicule. C'est un travail sur toute l'année ?

Bien sûr. Ce n'est jamais inutile de recruter une ou deux personnes en plus quand il y a des risques de canicule, mais ce n'est pas ça qu'il faut faire. Il faut sortir de cette situation permanente de crise à chaque fois qu'il fait un peu chaud ou à chaque fois qu'il y a la grippe. Il faut faire en sorte de rattraper notre retard profondément et définitivement. Nous avons fait grève l'an dernier avec l'ensemble des organisations syndicales. À la suite de ça, le président de la République a lancé un grand débat sur la question de l'aide aux personnes âgées, il a missionné un haut-fonctionnaire qui a fait la synthèse de tous les échanges entre les familles, les professionnels, les experts, les médecins, les directeurs, les salariés… Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut plus de professionnels pour accompagner les personnes quand elles sont âgées, à domicile ou en établissement.

A-t-on les moyens économiques en France de mettre en place autant de personnels ?

Bien sûr qu'on a les moyens ! Nous demandons la création de deux postes dans chaque établissement et dans chaque service à domicile, dans l'immédiat, pour commencer à rattraper le retard. Ça coûte 1,5 milliard d'euros. Les surcoûts de l'EPR de Flamanville, c'est 11 milliards d'euros. Donc 1,5 milliard, on peut le trouver. Nous en avons les moyens, mais surtout, les pouvoirs publics en ont l'obligation. Je ne voudrais pas qu'on revive une deuxième situation du sang contaminé, où on savait, où on n'a pas fait et il y a eu des morts.

Pour les personnels qui accompagnent les personnes âgées, quelles sont les actions à mener pour les aider à passer cet épisode de chaleur ?

Il faut écouter les messages de prévention de l'État parce qu'ils sont utiles, ne pas sortir aux heures chaudes de la journée, faire des siestes, boire suffisamment d'eau même si on n'a pas soif, essayer d'aller dans des pièces climatisées, aller dans des grandes surfaces, dans des lieux de culte frais, dans des cinémas… Tout ça est extrêmement utile, parce que cela permettra d'éviter des décès, mais au-delà de ces conseils, ce qu'il faut, c'est que le gouvernement agisse. Emmanuel Macron n'est pas responsable de 30 ans de retard, mais il est responsable des solutions à apporter aujourd'hui. Bien sûr que la question de la solidarité avec nos voisins, nos personnes âgées dans nos familles, est importante, mais ça, les Français le font. Chaque Français aime ses vieux, c'est globalement la France, et trop souvent l'État français, qui n'a pas aimé ses vieux.

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