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"La mer agit comme un réservoir de fraîcheur" : face aux épisodes de canicule, la Bretagne va-t-elle devenir un refuge climatique ?

Article rédigé par Vincent Daniel - propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des spectateurs de la parade des vieux gréements, entre Brest et Douarnenez (Finistère), le 19 juillet 2016. (MAXPPP)

Toute la France souffre des températures élevées, à une exception près : la Bretagne, qui fait figure d'îlot de fraîcheur. Cette situation perdurera-t-elle malgré le changement climatique ? Franceinfo a posé la question à un expert de Météo-France.

Un eldorado, un havre de fraîcheur, un refuge... Relativement épargnée par la canicule qui accable la France et alors que les températures battent des records sur l'ensemble de l'Hexagone, la Bretagne offre un air frais et une atmosphère respirable. D'ordinaire raillée pour sa météo réputée pluvieuse ("En Bretagne, il ne pleut que sur les cons", répond le proverbe breton), la région fait des envieux, notamment sur les réseaux sociaux. Le Gorafi, célèbre site parodique, y est même allé de sa contribution : "La Bretagne ferme sa frontière face à l'arrivée massive de réfugiés climatiques."

Alors que les climatologues prédisent des vagues de chaleur plus intenses et plus fréquentes, franceinfo s'est demandé si la Bretagne n'allait pas réellement devenir une terre de refuge climatique. Nous avons interrogé Franck Baraer, responsable du service études climatiques de Météo-France à Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-et-Vilaine). 

Franceinfo : pourquoi la Bretagne est-elle épargnée par cet épisode de canicule ?

Franck Baraer : La France subit actuellement des remontées d'air saharien, c'est-à-dire chaud et très sec, propulsé par un flux de sud. Ces vents de sud sont générés par une dépression qui est au large de l'Espagne, dans l'Atlantique. La Bretagne est donc la région la plus proche du centre dépressionnaire. Cette dépression a permis des remontées de nuages orageux lundi et mardi, qui ont empêché le soleil de briller sur la région et les températures de monter au-delà de 20 °C à 23 °C. Nous avons même connu des précipitations assez soutenues par moment.

Toutefois, à partir de mercredi, des vents d'est ont ramené de l'air très chaud qui stagnait depuis quelques jours sur le centre de la France. On a donc basculé d'une situation où les températures étaient plutôt fraîches à un moment où elles sont très chaudes. A Rennes, les 30 °C ont été dépassés mercredi après-midi et l'Ille-et-Vilaine a été placée en vigilance orange à la canicule.

Mais le reste de la Bretagne (Morbihan, Finistère, Côtes-d'Armor) se distingue encore par sa fraîcheur...

Pour qu'il fasse très chaud dans notre région, il faut vraiment qu'il y ait des conditions très particulières. La Bretagne est entourée d'eau, il suffit donc d'un peu d'air venu de la mer pour rafraîchir. Dès qu'il y a une petite composante du vent qui vient de la mer, que ce soit du nord, d'ouest ou du sud-ouest, on a un air maritime qui ne peut pas se réchauffer beaucoup. 

La mer agit comme un réservoir de fraîcheur en permanence, une sorte de climatiseur géant.

Franck Baraer, climatologue à Météo-France

à franceinfo

Si on prend l'exemple du Finistère, il est très rare qu'à Brest on dépasse les 30 °C alors qu'à Rennes, dans les terres, c'est beaucoup plus fréquent. Et on peut dire qu'il y a "deux Bretagnes" en termes de climat. Une Bretagne Sud, bordée par une eau qui atteint assez souvent 19 à 20 °C l'été. Cela donne des températures très agréables sur la côte sud de la Bretagne, notamment à Vannes, Lorient ou près de Quimper. La Bretagne Nord a, elle, une mer qui dépasse rarement 16 à 17 °C, notamment au nord du Finistère, donc ces régions seront toujours beaucoup plus fraîches que les autres. Par ailleurs, en hiver, on risque moins d'atteindre des pics de froid puisque si la mer joue un rôle rafraîchissant en été, elle sert d'adoucissant l'hiver car elle descend rarement sous les 10 °C. 

La Bretagne conservera-t-elle sa fraîcheur avec le changement climatique ?

Les simulations climatiques dont nous disposons à horizon 2050 ou 2100, selon divers scénarios d'émissions de gaz à effet de serre, montrent un réchauffement moyen en France qui pourrait aller de 2 à 4 °C. 

La Bretagne connaîtra certes plus de fortes chaleurs que par le passé, mais elles seront toujours tempérées par la proximité de la mer. L'effet de réchauffement devrait y être moins suffoquant que dans d'autres régions continentales françaises.

Franck Baraer

à franceinfo

On peut donc imaginer que la Bretagne constitue un refuge climatique pour celles et ceux qui fuieraient les trop fortes chaleurs...

La région pourra servir de refuge à des vacanciers qui préfèrent l'air tonique et breton à de très fortes chaleurs dans le sud de la France. Dès aujourd'hui, nous avons des prévisions météo fiables à une semaine : dès qu'on voit poindre le risque de canicule dans les bulletins, il est donc possible de prendre le train et de venir respirer l'air pur et frais du nord de la Bretagne.

Après, si la Bretagne devient effectivement un refuge climatique, d'autres problèmes pourront se poser. Une surpopulation estivale dans certaines zones pourrait entraîner des pénuries d'eau. Malgré le climat arrosé, il y a parfois des périodes de sécheresse qui entraînent des problèmes de distribution. Tout dépendra de l'ampleur de ces nouvelles populations. Si cela reste limité, il n'y a pas de problèmes. Mais si c'est conséquent, il faut imaginer les conséquences sur l'énergie, les transports, le coût de la vie...

Peut-on dire pour autant que la région est à l'abri des risques liés au réchauffement climatique ?

Si nous sommes plutôt à l'abri des très fortes chaleurs, nous avons d'autres inconvénients météorologiques. Le risque de tempête est assez prégnant : il n'y en a pas tout le temps mais elles peuvent être assez violentes. Et quand ces tempêtes frappent en période de grandes marées, avec des marées hautes, cette conjonction peut représenter un risque de subversion marine dans certaines régions. C'est déjà arrivé dans le passé, notamment en 1987. Et cela restera prégnant dans le futur, d'autant plus que le niveau moyen des mers devrait s'élever donc les impacts sur certaines côtes bretonnes vont être plus importants à l'avenir. 

Par ailleurs, il faut distinguer deux types de côtes en Bretagne. Les côtes rocheuses ou granitiques, sur lesquelles il n'y a aucun souci puisqu'elles se situent à quelques dizaines de mètres au dessus du niveau de la mer, même par très fortes marées. C'est le cas de la pointe du Raz, de l'île d'Ouessant ou encore de Plouha, dans les Côtes-d'Armor. Mais il y a aussi des zones sensibles, comme la baie du Mont-Saint-Michel, des portions du sud Finistère, du côté du Morbihan ou de Lorient : là, nous avons des zones très basses avec des cordons dunaires fragiles qui peuvent être submergés si l'on a une forte tempête et un niveau moyen des mers plus élevé.

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