Non, les fortes températures de mars ne présagent pas une canicule pour cet été
Il est impossible de prévoir une canicule plusieurs mois à l'avance.
Il serait peut-être sage de patienter, avant d'envisager de fuir la France en juillet et août prochains pour chercher à tout prix de l'air. A l'heure où beaucoup choisissent les dates de leurs congés estivaux, CNews Matin n'a pas hésité à annoncer, jeudi 6 avril, l'existence d'un "risque" statistique pour qu'une "grosse canicule" touche la France "cet été". Pourtant, les températures douces du mois de mars 2017 ne laissent aucunement présager l'arrivée d'une canicule cet été, selon Météo France.
Pour justifier sa prévision castastrophiste, CNews Matin s'est appuyé sur des données de La Chaîne Météo. "Le mois de mars est généralement considéré par les météorologues comme un mois indicateur assez fiable pour annoncer les tendances climatiques à venir sur trois mois", affirme ainsi le journal gratuit.
Mais Météo France, contacté par franceinfo, n'est pas de cet avis. S'il est vrai que l'institut a publié sur son site des prévisions saisonnières pour les mois d'avril, mai et juin, rien ne peut être conclu à l'heure actuelle sur les températures et les précipitations de l'été prochain, c'est-à-dire après le 21 juin, affirme l'institut.
"Scientifiquement, ça n'a aucune valeur"
"On ne peut rien conclure, explique Frédéric Nathan, prévisionniste à Météo France. Statistiquement, la météo de l'été n'a aucune corrélation avec le mois de mars". Selon lui, les tendances de la saison, qui seront publiées par Météo France fin juin, "ne pourront de toute façon pas signifier l'arrivée d'une canicule, car il s'agit d'une tendance sur trois mois". Bref, il est impossible de prévoir à l'avance une canicule.
Mais peut-on quand même déterminer la météo de l'été prochain ? Reprenons les prévisions faites par La Chaîne Météo, reprises par CNews : y sont comparés le mois de mars 2017 avec mars 1957, 1976, et 2003, l'année de la grande canicule qui avait fait plus de 70 000 morts en Europe. Elles affirment que "d'étonnantes similitudes" peuvent être observées et justifieraient la comparaison. "De nombreux contre-exemples existent", conteste le spécialiste de Météo France contacté par franceinfo.
Certes, le mois de mars 1957 était aussi chaud que celui de 2017, mais en 1957, juillet et août ont été particulièrement froids. On peut aussi citer 1948, où l'été a été encore plus froid, alors que le mois de mars avait été particulièrement chaud.
Frédéric Nathanà franceinfo
Autre argument avancé par La Chaîne Météo, "la configuration météorologique de ces mois de mars précurseurs d'été caniculaire" qui correspondrait à "un anticyclone durablement ancré au niveau des îles britanniques et de la mer du Nord, apportant un flux sec et continental sur l'Europe de l'Ouest, alors que l'air froid s'écoule sur la Russie". Là encore, pas de quoi émouvoir Frédéric Nathan : "Ce qui joue d'abord, c'est la position des centres d'action, c'est-à-dire des anticyclones et des dépressions. Or ils sont très difficiles à prévoir. Au-delà de huit ou neuf jours, on n'a pas toutes les informations", continue-t-il.
Une polémique récurrente
"Déjà en 2013, on nous annonçait un été mauvais et ça n'a pas marché, rappelle le prévisionniste. On avait fait des dizaines d'interviews pour expliquer que les prévisions à long terme étaient compliquées". Au journal Les Echos, il déclarait ainsi en juin 2013 : "Il est donc impossible de prédire avec certitude l'été qui se profile. [...] Les possibilités restent ouvertes, il faut observer l'évolution dans les semaines à venir", affirmait-il, à quelques jours du début de l'été.
Ces prévisions peu solides ne sont pas sans rappeler les prévisions d'été d'Albert Simon, autrefois chargé de la météo d'Europe 1, et celles de Jean Breton, l'ancien "monsieur météo" de RTL.
Reçu sur le plateau de Patrick Poivre d'Arvor le 10 juillet 1978, Albert Simon affirmait ainsi : "Je l'avais dit depuis le 1er janvier, que l'été n'allait pas être beau. [...] Au mois d'août, il y aura un temps bien meilleur qu'au mois de juillet [...] avec des températures qui pourraient atteindre 35 à 36 degrés dans le centre de la France". L'homme de radio prédisait alors les températures pour le mois qui suivait. "Ça, c'était dans les années 1970, relève Frédéric Nathan. Aujourd'hui, on sait que la prévision à long terme est un leurre. C'est fait pour faire du buzz".
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