50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Saúl, un agriculteur péruvien, milite pour sauver les glaciers
Ils n'ont pas fait Mai 68. Cinquante ans plus tard, ils vont faire 2018. Chaque jeudi, franceinfo met en avant un combat, un visage, une voix. Au Pérou, Saúl Luciano Lliuya tente de sauver la cordillère des Andes en s'attaquant à la multinationale RWE.
C’est une rencontre au sommet du monde. Dans l'impressionnant massif montagneux des Andes, baptisé la cordillère blanche, au nord-est du Pérou. C'est ici que l'on trouve Saúl Luciano Lliuya. Cet agriculteur de 37 ans veut contraindre une multinationale allemande, RWE, de payer les dégâts causés par le changement climatique dans cette région, notamment la fonte des glaciers. "Mon combat est pour les montagnes", dit-il.
Saúl vit avec sa femme et ses deux enfants à Huaraz, 3 000 m d'altitude, tout près de la vallée de Llaca, dans le parc national du Huascaran. Il y est né et y a grandi. Il a donc été confronté dès son plus jeune âge aux conséquences du réchauffement climatique. "Je me rappelle quand j’étais gamin, les montagnes comme le mont Churup en face de mon village, avaient des grands glaciers, raconte-t-il au volant de son 4×4. Au fur et à mesure, en grandissant, j’ai les ai vus diminuer."
Je me suis rendu compte que, dans le futur, les glaciers des Andes allaient complètement disparaître. Cela m’a horrifié.
Saúl Luciano Lliuyaà franceinfo
Nous arrivons au cœur de la cordillère blanche, à 4 400 m d’altitude. L’oxygène commence à manquer. L'endroit est très symbolique du combat de Saúl. C’est ici que l’un des glaciers est en train de mourir, de fondre et de disparaître. "Avec le réchauffement climatique, un lac s’est formé, montre l'agriculteur qui est aussi guide de haute montagne. Comme on peut le voir, le glacier diminue peu à peu. Et en même temps, le lac s’agrandit."
Croisade contre une multinationale
Ce nouveau lac, comme de nombreux autres dans la région, pourrait un jour déborder et provoquer un "tsunami de montagne". Cette catastrophe naturelle menace de nombreux villages dont Huaraz. Alors, en 2015, avec l’aide de l’ONG allemande Germanwatch, Saúl décide d'attaquer la multinationale allemande RWE. Celle-ci est considérée comme l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre de la planète.
"Ce qu’on demande à l’entreprise allemande, c’est qu’elle reconnaisse sa responsabilité par rapport aux dégâts écologiques qu’elle cause, indique l'agriculteur. Cela correspond pour nous à 17 000 euros. Clairement, c’est très symbolique, mais de toutes façons il fallait agir."
Tout ce qu’on fait, c’est chatouiller une grande entreprise. Sans doute qu’elle ne va pas beaucoup le sentir.
Saúl Luciano Lliuyaà franceinfo
En novembre 2017, la justice allemande a estimé que la plainte de Saúl était recevable et ordonné des expertises sur la pollution causée par RWE. "On a fait en sorte que cet argent, si on gagne, aille directement aux autorités, précise-t-il. Ce sera alors à elles de faire bon usage de cette somme. Ce serait là aussi une démarche symbolique."
Ce serait aussi un premier pas vers une justice climatique mondiale, obligeant les pays pollueurs du Nord à dédommager les pays du Sud et une multinationale géante allemande à s’incliner devant un petit agriculteur péruvien.
Retrouvez la série "Sous les pavés 2018, les nouveaux combats" sur franceinfo et franceinfo.fr
Libertés individuelles, droits des femmes, lutte contre les discriminations, rejet de toute forme d’exclusion, protection de l’enfance... Cinquante ans après Mai 68, le plus important mouvement de contestation politique, sociale et culturelle de l’histoire récente française, franceinfo donne la parole, chaque jeudi, à celles et ceux qui portent les nouveaux combats de l'émancipation et des libertés.
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