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Climat, biodiversité, pollution de l'air... Les actions en justice contre "l'inaction" de l'Etat se multiplient

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des manifestants pour "l'affaire du siècle", une action en justice contre l'Etat, le 16 mars 2019 à Lyon. (NICOLAS LIPONNE / NURPHOTO / AFP)

Ces dernières années, au moins cinq grandes actions en justice ont été lancées contre la politique environnementale du gouvernement. Franceinfo dresse la liste de ces contentieux.

Jamais deux sans trois. Après la pollution de l'air et le climat, l'Etat français a été à nouveau visé, jeudi 9 septembre, par une action en justice contre sa politique environnementale. Cette fois-ci, les ONG Notre affaire à tous et Pollinis lancent un recours préalable pour "carence fautive" visant à faire reconnaître le "manquement" de la France en matière de protection de la biodiversité. Si les actions en justice des ONG environnementales visant l'Etat − contre un projet d'infrastructure, une pratique de chasse, une pollution précise − ne sont pas une nouveauté, les plaintes plus générales contre la politique de la France en matière environnementale se sont multipliées ces dernières années.

"Nous avons vu, avec la loi Climat [critiquée par les ONG et le Haut Conseil pour le climat pour son manque d'ambition] que le quinquennat Macron est bloqué, nous n'arrivons pas à faire évoluer le droit", justifie sur franceinfo Chloé Gerbier, porte-parole de Notre affaire à tous. Attaquer l'Etat en justice, "c'est l'un de nos derniers recours, nous n'avons pas le choix".

Franceinfo dresse la liste des principales procédures en cours.

Sur le climat

"L'affaire du siècle." C'est l'action en justice la plus connue, portée par une pétition signée par 2,3 millions de personnes. Elle a été lancée à la fin 2018 par Notre affaire à tous et trois autres ONG (Greenpeace, Oxfam, Fondation Nicolas Hulot). Dans ce dossier, le tribunal de Paris a jugé, en février, que l'Etat était "responsable" de manquements dans la lutte contre le réchauffement. Il a cependant ordonné un délai pour étudier l'opportunité de réclamer des mesures supplémentaires à l'Etat. Une nouvelle audience sur ce point est prévue le 30 septembre, avec une décision sur ce point crucial attendue dans les semaines qui suivent.

Le recours de Grande-Synthe. En 2019, cette commune du Nord, dirigée à l'époque par l'écologiste Damien Carême, saisit le Conseil d'Etat. Elle reproche à la France de ne pas prendre de mesures suffisantes pour lutter contre le réchauffement climatique, réchauffement qui la menace directement puisque cette ville littorale est exposée à la montée des eaux. Le 1er juillet 2021, la justice lui donne raison et demande au gouvernement "de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre (...) afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs" de la France d'ici le 31 mars 2022. 

La plainte contre cinq ministres. Le 16 juin, l'eurodéputé Pierre Larrouturou et les militants Cyril Dion et Camille Etienne ont déposé plainte contre le Premier ministre, Jean Castex, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, ainsi que les ministres délégués aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, et au Logement, Emmanuelle Wargon. Ils leur reprochent de ne pas agir contre le changement climatique.

"Par leur inertie, par les décisions qu'ils ont prises de façon délibérée et répétée, les ministres chargés d'organiser et de financer la lutte contre le dérèglement climatique sont complices de ce 'crime de l'humanité contre la vie' dont parlait Jacques Chirac à Johannesburg", estime la plainte, en référence au discours de 2002 où l'ancien président avait lancé : "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs". Cette plainte a été déposée devant la Cour de justice de la République, la seule habilitée à juger les actes des membres du gouvernement.

Sur la biodiversité

L'affaire "Justice pour le vivant". Le 9 septembre, les ONG Notre affaire à tous et Pollinis ont lancé un recours préalable pour "carence fautive" visant à faire reconnaître le "manquement" de la France à ses engagements de protection de la nature, notamment en raison des "défaillances" du processus d'autorisation des pesticides qui participent à la destruction de la biodiversité. En cas de réponse non satisfaisante de l'Etat dans les deux mois, les requérants prévoient de se tourner vers la justice administrative. 

Cette nouvelle affaire a des bases juridiques différentes de celles sur le climat. La biodiversité ne fait en effet pas l'objet d'un objectif global chiffré, contrairement à la lutte contre le réchauffement basée sur un engagement de la France à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030. "Tout ce qui concerne la biodiversité est encore assez peu contraignant" et "peu opposable" en justice, note Chloé Gerbier, porte-parole de Notre affaire à tous. C'est pourquoi ils ont décidé de s'appuyer sur les pesticides. Car ces produits représentent "le facteur le plus évident, notable, significatif et celui sur lequel on pourrait avoir une influence immédiate" en les interdisant, analyse pour l'AFP Emmanuel Daoud, l'avocat des ONG. 

Sur la pollution de l'air

Le recours des Amis de la Terre. C'est la procédure la plus ancienne de notre liste. En 2015, l'ONG Les Amis de la Terre saisit le président de la République et le gouvernement pour demander le respect des seuils maximums de concentration des polluants dans l'air, fixés par une directive européenne. En 2017, le Conseil d'Etat demande au gouvernement de prendre des mesures pour se conformer à la directive européenne.

Constatant, en 2020, que cela n'était toujours pas le cas, il lui donne six mois pour agir, sous peine de se voir infliger une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. Le 4 août, cette sanction tombe, avec une première astreinte. "On peut espérer que l'État finisse vraiment par s'exécuter", salue Louis Cofflard, avocat des Amis de la Terre, sur franceinfo. Dans ce dossier, la France est aussi sous le coup d'une procédure devant la justice européenne.

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