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À Notre-Dame-des-Landes, le vote des zadistes balance entre l'abstention, Hamon et Mélenchon

À moins de deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle, franceinfo est retourné à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), où perdure la lutte contre l'aéroport. Comment cette présidentielle est-elle vécue par les zadistes ? Iront-ils voter ? Qu'en pensent les voisins agacés ?

Article rédigé par Benjamin Illy, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
A Notre-Dame-des-Landes, le panneau d'entrée de la commune est tagué "ZAD". (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

À moins de deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle, franceinfo donne la parole aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) pour parler de la campagne. Plus d'une centaines d'opposants font vivre les 1 650 hectares de la Zone à défendre (ZAD) où perdure l'une des plus vieilles luttes de France. Le combat contre le projet d'aéroport est toujours d'actualité. Pour l'heure la situation est figée, pas d'évacuation en vue, au moins jusqu'à ce qu'un nouveau locataire s'installe à l'Élysée et que le dossier soit de nouveau arbitré.

Pour qui votent les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ? Le reportage de Benjamin Illy pour franceinfo.

À la boulangerie de Vigneux-de-Bretagne, petite commune qui borde la ZAD, une cliente repart avec une baguette moulée sous le bras. Sait-elle pour qui voter les 23 avril et et 7 mai prochains ?  "Non, même pas", reconnaît-elle. "Je vais voter blanc, personne ne me plaît", indique une autre cliente. Quant à Héloïse, la boulangère, elle est plutôt préoccupée par le voisinage des zadistes : "Qu'ils arrêtent leur bordel !", lance-t-elle au micro de franceinfo.

Fillon, le vote de protestation des voisins excédés

Dans la rue, deux villageoises sont en grande discussion. L'une d'elles affirme que, l'an dernier, des zadistes ont cambriolé la serre de son amie. Celle-ci confirme,"oui", on lui a volé des salades. De là à avoir la preuve que ce sont les zadistes..."On a des forts doutes", dit-elle. 

Les zadistes ? Ils ne votent même pas, tous des fils à papa, je ne les aime pas !

Un habitant de Vigneux-de-Bretagne

à franceinfo

Juliette*, une sexagénaire, nous emmène chez elle. Elle est tendue. Sa maison a été vandalisée à plusieurs reprises ces dernières années. Elle est située à deux pas de la ZAD, au coeur des champs, près d'un étang, un petit paradis devenu "le bagne à Tataouine", lâche Guy, son mari qui descend à peine de son tracteur. A l'intérieur, effectivement, il y a des vitres brisées et des tags sur les murs : "Vendu", "ZAD dans ta gueule", "bâtard" ou encore "pas à vendre bientôt à nous". Le couple a déjà déposé 15 à 20 plaintes. Ils affirment que cela fait cinq ans que cela dure.

Du coup, leur vote à la présidentielle sera pour François Fillon, fermement opposé à la ZAD et fervent partisan de l'aéroport. "C'est un vote de protestation !", confie Guy. "Je préfère les avions aux zadistes", conclut Juliette.

La maison vandalisée de Juliette et Guy, en avril 2017. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

À un kilomètre de là, il y a la Vacherie, un hangar agricole reconverti en lieu de réunion des zadistes. Selon les plans de Vinci, une piste du futur aéroport devrait passer juste ici, sur la propriété de Sylvain Fresneau, éleveur laitier exproprié sur plus d'une centaine d'hectares et qui se dit "sous la menace d'expulsion". Sylvain Fresneau est un opposant historique à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes."On n'est pas à vendre, renchérit-t-il. Nous sommes désobéissants au sens noble du terme, mais toujours citoyen. Je vais aller voter, j'ai toujours voté et je dis à ceux qui n'y vont pas, 'vous avez tort parce qu'après il ne faut pas se plaindre'.'"

Le bulletin qu'il glissera dans l'urne sera pour Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Hamon, il hésite encore mais ces deux candidats veulent arrêter le projet d'aéroport. Aucune hésitation en revanche sur l'ambiance de la campagne : "C'est un gros déballage de sac de pus qui sent pas bon", affirme l'éleveur.

Sylvain Fresneau, éleveur laitier et opposant historique à Notre-Dame-des-Landes, en avril 2017. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Dans le village de Notre-Dames-des-Landes, il y a le petit local de l'Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Acipa). À l'entrée, le symbole anarchiste s'efface. "On l'assume pas celui-là, il nous énerve", ironise Julien Durand. À 71 ans, le doyen des opposants se présente comme un "citoyen engagé" dans un travail de conservation de la terre et contre le gaspillage de l'argent public. Quant à la présidentielle, lui aussi hésite entre le candidat de La France insoumise et celui du Parti socialiste. "Demain on vote pour un président de la République qui engagera l'avenir pour les enfants et les petits-enfants, explique-t-il, donc il faut conserver la planète, respecter l'humain et avoir une société plus juste avec une répartition des richesses."

Dans la ZAD, pas besoin de voter pour se sentir citoyen

Direction la ZAD à présent. Difficile de se repérer, tous les panneaux de signalisation sont tagués. Après quelques détours par de petites routes on aperçoit les Fosses noires, un écrin de verdure et une vieille bâtisse occupée par plusieurs zadistes, des enfants, un brasseur et un mécanicien. Un homme, qui dit s'appeler Camille mais ce n'est pas son prénom, les zadistes préfèrent l'anonymat, accepte de répondre à notre question sur son vote à la présidentielle. "Je vais pas me déplacer", reconnaît ce jeune homme qui vit sur la ZAD depuis cinq ans. "Je conchie tous les gens qui disent que Le Pen au deuxième tour c'est de la faute des abstentionnistes, ce sera la faute de tous les gens qui auront voté pour elle au premier tour", affirme-t-il, ajoutant que, la politique, il en fait tous les jours

"Je suis en lutte tous les jours, dit-il, je n'ai pas besoin d'aller voter pour me sentir citoyen". Et quand on lui rappelle que si François Fillon ou Marine Le Pen sont élus, il y a un risque d'évacuation de la ZAD, il rétorque, "Mais alors quoi ? Il faudrait voter la gauche contre la droite alors que la première opération d'expulsion a été faite par Hollande (l'opération "César" en 2012)."

Les politiques ici, ils n'ont pas de place. Dans ma vie, ils n'ont plus de place, plus aucune.

Camille, une zadiste

à franceinfo

À quelques centaines de mètres de là, nous rencontrons Camille. Là, c'est une jeune femme de "bientôt 30 ans" et, elle non plus, ne donne pas son vrai prénom. Elle vit à La Grée, une ferme "avec pas mal de personnes qui ont des problèmes d'addiction, des problèmes psy, on est pas mal des écorchés de la vie de dehors", explique-t-elle. Ici, elle a son petit coin. En ce moment, elle fait pousser de l'ail sous une serre. Camille ne votera pas non plus à la présidentielle : "J'ai brûlé ma carte d'électeur en arrivant ici, symboliquement, raconte-t-elle. Ça m'a fait hyper du bien."

Dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en avril 2017. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Dans le passé, Camille a voté François Bayrou : "Je vais me faire lyncher ici si les gens apprennent que j'ai voté ça, confie la jeune zadiste dans un sourire, j'étais toute jeune, je me disais wahou ! c'est chouette quelqu'un qui parle autant d'éducation." Mais la désillusion est arrivée très vite : "On capte que c'est tout le temps le même blabla, la même supercherie. Cela ne change jamais, on passe de droite à gauche et, en fait, ce sont toujours les mêmes". Et si Marine Le Pen gagne, elle avoue qu'elle aura, "sans doute une petite pensée émeutière". Elle qui se réveille tous les matins avec le chant des oiseaux, elle est loin, très loin, du bruit de la campagne présidentielle.

* le prénom a été changé

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