Chercheurs étrangers : le succès de l'appel de Macron "n'est pas nouveau, le CNRS en recrute pratiquement 25%"
Patrick Monfort, secrétaire général du syndicat de chercheurs FSU, a relativisé, vendredi sur franceinfo, à la suite de la réception de 150 dossiers de chercheurs étrangers depuis l'appel lancé par Emmanuel Macron aux spécialistes du climat du monde entier.
Après la décision de Donald Trump de retirer les États-Unis des accords de Paris sur le climat, Emmanuel Macron a lancé le 1er Juin son "Make our planet great again" avec un appel à projet aux chercheurs étrangers, notamment américains, de venir travailler en France, sur le climat. Depuis, cela suscite un vif intérêt. Selon la revue Nature, le CNRS a déjà reçu plus de 150 dossiers pour des séjours longs, alors que la clôture de la procédure est fixée à fin août. "La recherche française a toujours attiré des talents étrangers", a expliqué, vendredi 21 juillet sur franceinfo, Patrick Monfort, secrétaire général du syndicat national des chercheurs FSU.
franceinfo : Est-ce une bonne nouvelle que la recherche française attire des talents étrangers ?
Patrick Monfort : Oui, mais ce n’est pas nouveau. La recherche française a toujours attiré des talents étrangers. Le CNRS recrute pratiquement 25% de ses chercheurs à l’étranger. Cela se fait dans un contexte budgétaire très contraint, on vient d’apprendre que la recherche française pâtirait d’une annulation de 300 millions d’euros de crédit. Ce programme peut-il encore se faire, est-il viable dans ce contexte, je me pose la question. C’est là qu’il y a une grande contradiction.
Pourquoi êtes-vous pessimiste sur les possibilités de réalisation de ce programme ?
On annonce qu’on va faire venir des scientifiques de haut niveau en France pour continuer la recherche, car il y a des coupes aux États-Unis. Mais, nous-mêmes, nous sommes en train d’annoncer des coupes. Aujourd’hui, c’est plus d’1% du budget de la recherche qui est coupé. Les annonces pour l’an prochain ne sont pas très enthousiasmantes avec encore des baisses dans les budgets de tous les ministères. Où est donc la priorité concernant la recherche en France si d’un côté on fait appel à des scientifiques étrangers et que d’un autre côté, on coupe les fonds.
Le 17 juin, le ministère de l’Enseignement supérieur a indiqué que l’accueil d’une cinquantaine de chercheurs "sur une durée de cinq ans" coûterait 60 millions d'euros, dont la moitié serait financée par l'État. Trouvez-vous cela rassurant ou est-ce un effet d'annonce ?
Ces 30 millions d’euros représentent la masse salariale pour ces 50 chercheurs. Quand on fait le calcul, cela représente environ 120 000 euros brut de salaire par an. C'est moins qu’aux États-Unis et plus qu’un chercheur en France. Certes, on veut faire venir des étrangers, ce qui est très bien, mais on va un peu mieux les payer qu’un chercheur au CNRS et moins bien les payer que sur place aux États-Unis. Un chercheur de haut niveau aux États-Unis avec une position et un salaire confortable, même s’il a des réductions de budget dans son pays, les États fédéraux [américains] ont eux suffisamment pour alimenter la recherche.
Selon vous, il s’agit d’une opération de communication ? Ces chercheurs invités n’auront pas les moyens de travailler en France sur le long terme ?
S’ils ont les mêmes moyens que nous au CNRS, ils n’auront pas beaucoup de moyens. Je regrette que, dans ce type d’opération, on n’annonce pas aussi que l’on soutient et que l’on va augmenter les budgets de la recherche. En France, on n’est pas au niveau des ambitions. On devrait être à 1% du PIB par rapport aux investissements publics. Or, on est à peu près à 0,7. Si la France n’annonce pas une augmentation du budget qui a déjà été calculé, soit un milliard d’euros tous les ans sur 10 ans, ces chercheurs étrangers auront un peu plus d’argent que les Français, mais à côté de cela, il y a les autres qui n’en n’ont pas. Il ne faut pas oublier que l’on vit une grande précarité dans la recherche, avec près de 50 000 précaires. On ne résout pas non plus l’emploi scientifique.
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