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Infographies Loi Climat : le débat à l'Assemblée est-il "verrouillé" par la majorité ?

Selon les calculs de franceinfo, 25,7% des amendements déposés en commission par des députés de tous bords politiques ont été jugés irrecevables. Ce qui fait dire à certains opposants que le gouvernement a refusé de revoir à la hausse les ambitions écologiques du texte.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Climat et résilience débat, le 18 mars 2021, à Paris. (CAPTURE D'ECRAN / ASSEMBLEE NATIONALE)

"La plupart des amendements visaient à rehausser l'ambition climatique du texte, (...) mais beaucoup ont été jugés irrecevables", déplore Meike Fink, chargé de la transition climatique au sein du Réseau action climat. Lors d'une conférence de presse jeudi 25 mars, l'ensemble d'associations a fait le bilan (PDF) du passage de la loi Climat et résilience en commission spéciale. "Les débats étaient très verrouillés", décrit Meike Fink. Alors que le texte est discuté dans l'Hémicycle à partir du lundi 29 mars, franceinfo a analysé le sort des amendements déposés par les députés lors de l'examen du texte en commission spéciale.

LREM a déposé un tiers des amendements

Au total, tous groupes parlementaires confondus, quelque 5 392 amendements ont été déposés en commission spéciale. Dans le détail, La République en marche a proposé 1 828 amendements et Les Républicains 1 168. Lorsque l'on prend en compte les effectifs, les groupes qui ont déposé le plus d'amendements par député sont Libertés et territoires, Socialistes et apparentés et les députés non inscrits, parmi lesquels figurent 10 des ex-membres du groupe Ecologie Démocratie Solidarité.

Pour autant, difficile sur la base de ces seuls chiffres de conclure qu'un groupe s'est davantage impliqué qu'un autre dans l'examen de ce texte. "Il ne faut pas se voiler la face, déposer un amendement et le défendre n'est pas la même chose", tient à modérer Agathe Bounfour du Réseau action climat. "Et tous les partis n'ont pas toujours cherché à augmenter l'ambition du texte. Des amendements voulaient au contraire amenuiser les articles", ajoute Alma Dufour, chargée de campagne aux Amis de la Terre.

Un quart de ces propositions ont été jugées irrecevables

Avant de pouvoir être débattus par les députés, les amendements doivent passer un premier filtre : celui de la recevabilité. Lors de l'examen du projet de loi Climat en commission, 25,7% d'entre eux ont été jugés irrecevables, pour diverses raisons, parfois contestées par leurs auteurs. "Mon amendement soutenant l'énergie nucléaire est déclaré sans lien avec le projet de loi Climat, et donc irrecevable, regrette par exemple le député des Républicains Raphaël Schellenberger sur Twitter. Ainsi, aucun débat ne sera possible sur le rôle du nucléaire dans la préservation du climat."

L'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale énonce notamment que, "conformément à l'article 45 de la Constitution", tout amendement doit présenter "un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis". Une appréciation laissée au président de la commission, la députée LREM Laurence Maillart-Méhaignerie dans le cas de la loi Climat. Une partie des amendements (5,4%) ont aussi été jugés irrecevables sur la base d'un autre texte : l'article 40 de la Constitution, qui interdit aux parlementaires tout amendement qui causerait "une diminution des ressources publiques".

Cela laisse un goût amer à la députée Delphine Batho, ancienne ministre de l'Ecologie et désormais présidente de Génération écologie : "Considérer que [certains] amendements (...) sont des 'cavaliers législatifs', c'est-à-dire qu'ils sont hors sujet par rapport à l'objet du projet de loi, c'est... stupéfiant", a-t-elle dénoncé dans Paris Match.

"Le gouvernement et la majorité se cachent derrière le paravent de l'article 45 de la Constitution pour empêcher que des propositions de la Convention citoyenne soient soumises au débat."

Delphine Batho

dans "Paris Match"

Et l'élue de conclure : "Si, une fois que la proposition est portée dans le débat, le gouvernement et la majorité sont contre, qu'ils assument ! Mais là, le débat n'aura pas lieu."

Laurence Maillart-Méhaignerie se défend quant à elle d'avoir cherché à verrouiller le débat. "C'est un procès d'intention qui a été fait, assure-t-elle dans une interview aux Echos. C'est en outre une mauvaise interprétation (...) car l'article 45 de la Constitution ne vise évidemment pas à brider le droit d'amendement des députés. Il s'applique de la même manière à tous les textes de loi." 

C'est plus que pour d'autres textes de loi

La règle s'applique-t-elle à "tous les textes de loi" ? "25% d'amendements irrecevables, c'est plus que la moyenne sur ce mandat", rétorque Meike Fink. Selon nos calculs, depuis le début de la législature, tous textes confondus, 102 770 amendements ont été déposés en commission et 13 813 ont été jugés irrecevables. Soit 13,4%. Toutefois, "le contrôle [des 'cavaliers législatifs'] a été renforcé à compter de la dernière réforme du règlement de l'Assemblée nationale en 2019", fait valoir le Palais Bourbon. Le taux, depuis ce nouveau règlement, s'élève à 15,7%. 

A titre de comparaison, 9,7% des amendements déposés en commission lors de l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite ont été jugés irrecevables. Concernant la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, ce sont 8,3% des 3 972 amendements qui avaient été jugés irrecevables.

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