Les nouvelles formes d'actions des militants écologistes sont une réponse "à l'apathie des gouvernements", analyse un expert en stratégie militante
À l'approche de l'ouverture de la COP27 en Egypte ce dimanche, les défenseurs du climat multiplient les opérations choc pour interpeller les décideurs. Des actions "déroutantes" mais utiles au débat public, estime Nicolas Haeringer, directeur de campagne pour 350.org.
Aux Pays-Bas, plusieurs centaines d'activistes du climat ont été arrêtés à l'aéroport international de Schiphol samedi 5 novembre, après avoir franchi des clôtures et occupé une aire de stationnement pour jets privés. À la veille du lancement de la COP27 en Egypte, ils ont ainsi voulu dénoncer l'impact du secteur aérien sur l'environnement. Ces dernières semaines en Europe, les actions écologistes contre des bâtiments ou des oeuvres dans les musées se sont multipliées. Elles sont "le signe d'une peur croissante face à l'apathie des gouvernements", estime sur franceinfo Nicolas Haeringer, directeur de campagne pour 350.org, une plateforme internationale militant notamment pour le développement des énergies renouvelables.
franceinfo : Est-ce qu'on assiste à un nouveau mode d'action de la part des militants écologistes ?
Nicolas Haeringer : On a deux choses qui se combinent. On a effectivement des nouveaux modes d'action avec des actions coup de poing qui tranchent un peu avec les actions habituelles du mouvement climat : interrompre un match de rugby, asperger de soupe un Van Gogh, interrompre Roland-Garros ou le Tour de France, cela n'avait jamais été fait. Et la deuxième chose qui se combine à cela, c'est une vague de mobilisation, puisque tout cela s'inscrit dans trois semaines à un mois de mobilisations assez intenses dans les musées. Just Stop Oil a aussi bloqué des ponts à Londres. Il y a ces blocages à l'aéroport de Schiphol. Il y a des climatologues en Allemagne qui se sont introduits dans la succursale d'un fabricant de voitures et qui se sont glués à des voitures pour protester contre l'industrie automobile. Donc au cours des dernières semaines on a un renouvellement des répertoires et une vague de mobilisation assez intense.
Est-ce que vous soutenez les actions chocs comme on les a vues dans les musées ?
Oui. Mais il y a plusieurs choses. La première, c'est d'essayer de comprendre d'où ça vient. Cela ne vient pas de nulle part. Ce n'est pas quelque chose de cynique.
Ce ne sont pas des actions qui sont faites uniquement pour faire du clic sur les réseaux sociaux. C'est d'abord le signe d'une peur croissante face à l'apathie des gouvernements.
Nicolas Haeringerà franceinfo
Face à l'apathie des gouvernements, je crois que c'est important de soutenir des militantes et des militants qui essayent des choses différentes, qui, parfois, sont déroutantes. Moi-même, je suis un peu interpellé par certaines de ces actions. Il y a certaines de ces actions auxquelles je n'aurais pas pris part, non pas parce qu'elles sont trop dangereuses, mais pas parce qu'elles me semblent un peu éloignées de leurs objectifs. Le Van Gogh, par exemple, ou bloquer un match de rugby ou bloquer le périphérique parisien, ce ne sont pas des choses qui me semblent immédiatement audibles et compréhensibles. Mais le fait que je sois percuté en tant que militant par cette nouvelle génération me semble extrêmement intéressant.
Est-ce que ces actions ne risquent pas justement d'être contre-productives ?
Je ne sais pas trop parce que cela dépend quel est le critère. Moi, j'ai l'impression que depuis 15 jours, pour la première fois, on débat un peu sur nos termes à nous les militants. C'est la première fois que dans des médias assez grand public, on débat de stratégie et de tactique.
Jusqu'à présent, les discussions avaient lieu sur la réalité du réchauffement climatique, sur ses causes et sur ses conséquences, mais pas sur les manières dont la société civile pouvait ou devait s'organiser pour faire pression sur les gouvernements. Pour la première fois, on a un débat là-dessus.
Haeringerà franceinfo
Cela veut dire que les prémices de ce débat, c'est que l'on reconnaît que l'inaction des gouvernements pose problème et qu'il faut trouver de nouvelles manières de les pousser à agir. Ce n'est pas forcément vain. Ce n'est pas forcément inutile. Et je pense que cela aura des effets à long terme que l'on ne voit pas forcément maintenant.
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