Quelle a été l'influence du réchauffement climatique sur le cyclone Chido, qui a ravagé Mayotte ?
Un tel phénomène n'avait pas été observé dans l'archipel depuis 1934. Le cyclone Chido a durement frappé Mayotte, samedi 14 décembre, détruisant sur son passage des milliers d'habitations et mettant à mal le système de santé et la chaîne d'alimentation du département français.
Quatre jours après la catastrophe, et alors que le bilan humain s'annonce particulièrement lourd, franceinfo fait le point sur ce que l'on sait du lien entre ce phénomène météorologique extrême et le réchauffement climatique.
Des températures élevées de l'océan Indien
Invité sur le plateau de Mayotte La 1ère au lendemain du passage du cyclone, le préfet François-Xavier Bieuville a expliqué s'attendre à "des centaines" voire potentiellement "des milliers" de morts sur le territoire. L'intensité du cyclone, bien qu'importante, n'est pourtant pas exceptionnelle pour la région qui voit passer "trois systèmes d’intensité équivalente à celle de Chido en moyenne chaque saison", explique dans les colonnes du Monde Céline Jauffret, responsable de Météo-France pour la zone océan Indien.
Pour comprendre l'ampleur de ce bilan, il faut se pencher sur la trajectoire du cyclone, peu courante dans la région : Chido est passé au nord de l'île de Madagascar sans la frapper. "Un cas de figure rare, étant donné la configuration de la zone : la plupart des cyclones qui viennent de l’Est atterrissent directement sur Madagascar, qui freine leur progression ", explique au Figaro François Bonnardot, responsable du service prévisions à Météo-France Réunion.
L'œil du cyclone, soit la zone la plus dévastatrice de l'ouragan, a donc frappé directement et de plein fouet la région de Petite-Terre ainsi que les régions nord et centre de Grande-Terre, principale île de Mayotte. Des rafales jusqu'à 226 km/h ont été enregistrées dans la commune de Pamandzi, retrace Météo-France. Or, le territoire est rendu particulièrement vulnérable aux conditions météorologiques par ses nombreuses habitations de tôle.
Dans cette catastrophe, le réchauffement climatique semble avoir joué un rôle important en amont. Et pour cause, les eaux de surface avoisinaient les 30°C dans cette zone de l'ouest de l'océan Indien, soit près de 1,5 °C de plus que les normales. Cette température anormalement élevée a pu fournir de l'énergie à Chido, et donc augmenter sa puissance. "Les températures élevées de la mer, qui ont alimenté la formation et l’intensification rapide de Chido, ont été multipliées par 50 en raison du changement climatique", corrobore l'Imperial College de Londres dans son étude rapide publiée mardi.
Selon ce même premier travail des chercheurs britanniques, le réchauffement climatique a également intensifié d'environ 11 km/heure les vents du cyclone, le faisant passer de catégorie 3 à la catégorie 4 lorsqu’il a frappé Mayotte. "Si l’atmosphère n’avait pas été surchargée d’émissions de carbone, [le cyclone] aurait été un événement de catégorie 3", d'après Ralf Toumi, directeur de l’Institut Grantham à l’Imperial College, cité dans l'étude rapide. Les scientifiques britanniques rapportent enfin avoir constaté que les tempêtes de catégorie 4 frappant Mayotte sont devenues plus probables en comparaison à l’époque préindustrielle.
Des premières constatations à consolider
Le réseau de chercheurs européens ClimaMeter a par ailleurs tenté de comprendre l'impact du réchauffement climatique dans la catastrophe de samedi. Dans une première étude d’attribution rapide publiée lundi, les scientifiques expliquent que les données historiques disponibles dans la zone ne sont pas assez complètes pour dresser des conclusions, du fait de la rareté d'un tel phénomène sur l’archipel.
Les premières constatations des scientifiques de l’Imperial College devront donc encore être consolidées dans les semaines à venir. "Il faudra attendre d'avoir des études de modélisation pour déterminer l'influence du changement climatique sur Chido", abonde le climatologue Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS, sur le réseau social Bluesky.
L'avenir n'est en tout cas pas réjouissant pour le département français. L'activité cyclonique dans cette zone pourrait, dans les prochaines années, être encore modifiée sous l'influence d'un climat qui se réchauffe, d'après les différentes projections des scientifiques. "Il faut s'attendre à des vents de surface plus forts, des risques de submersions plus importants (…). On s'attend aussi à des précipitations plus intenses dans les événements cycloniques", déroule auprès de nos confrères de Réunion La 1ère Marie-Dominique Leroux, responsable de la division études et climatologie de Météo-France pour l'océan Indien.
A l'échelle mondiale, le scénario est tout aussi sombre. Même si le nombre de cyclones tropicaux n'augmente pas, "le changement climatique accroît la survenue de tempêtes plus intenses et plus destructrices", selon le réseau de scientifiques du World Weather Attribution.
Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre s'est réchauffée de 1,1°C. Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, consommatrices d'énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, inédit par sa rapidité, menace l'avenir de nos sociétés et la biodiversité. Mais des solutions – énergies renouvelables, sobriété, diminution de la consommation de viande – existent. Découvrez nos réponses à vos questions sur la crise climatique.
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