"Il n'y a plus rien à faire sur l'île" : à Saint-Martin, les professionnels du tourisme font une croix sur la saison après l'ouragan Irma
Les vacances de Noël marquent habituellement le début de la haute saison touristique à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Mais les deux îles sont encore marquées par le passage de l'ouragan Irma. À Saint-Martin, les professionels du tourisme rénoncent à la saison.
Les débuts des vacances de Noël coïncide traditionnellement avec celui de la haute saison touristique à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Malheureusement, les deux îles des Antilles portent encore les stigmates du passage de l'ouragan Irma, il y a trois mois et demi. Il avait fait 11 morts et causé près de 2 milliards d'euros de dégâts. À Saint-Martin, les hôteliers et restaurateurs se sont résignés à faire une croix sur la saison touristique. Pourtant, le secteur fait vivre beaucoup de monde sur place.
Ruines, amats de béton, morceaux de toits
La plage d'Orient Bay n'a plus grand chose à voir avec les images des cartes postales qui sont toujours en vente dans la petite épicerie du bord de mer. Le sable blanc est jonché de débris, des morceaux de bois colorés arrachés des maisons. "On fait le déblaiement. Partout où on nous appelle, on y va", explique Jojo, un employé municipal. Il repart avec son camion plein à ras bord de gravats et de débris. Ici, l'eau a atteint deux mètres de hauteur.
#SaintMartin deux mois après Irma... Sentiment très étrange que de revenir ici. Des choses ont changé, d’autres non. pic.twitter.com/wyIQluceeh
— Matthieu Mondoloni (@M_Mondoloni) 1 novembre 2017
Flav', le plagiste, fait défiler les photos de la catastrophe sur son téléphone. "Il reste des ruines, des amats de béton, un morceau de toit par ici, un morceau de toit par là. Ici, il y avait sept gros restaurants. Le plus gros, ça devait être le Waikiki beach avec quelque chose comme 800 chaises. Il y avait des commerçants, d'autres restaurants, d'autres bars, des crêperies. (...) Ça drainait du monde."
De six à dix-huit mois pour la reconstruction
À Saint-Martin, l'économie repose à 90% sur le tourisme. Mais, aujourd'hui, il ne reste quasiment rien des hôtels. Leur reconstruction prendra de six à dix-huit mois selon les prévisions. De quoi plomber sérieusement le secteur dans les prochains mois : "Tous les touristes viennent à Orient Bay. C'est LE spot. Ça s'appelle le petit Saint-Tropez des Antilles, ce n'est pas pour rien ! (...) C'était la plus belle plage, qui était équipée pour recevoir du monde, où les restaurants marchaient bien", se désespère Gillou, d'un bar tabac presse souvenirs jeux de plage.
C'était de l'argent qui rentrait pour tout le monde. Novembre, décembre, janvier et février, pour nous, c'est le maximum. C'est là qu'on engrenge de la trésorerie pour la basse saison. (...) On est très mal barrés.
Gillou, propriétaire d'un tabac presse à Orient bayà franceinfo
Pour les fêtes, Gillou va retourner en métropole. Pour la première fois depuis son installation à Saint-Martin, sa boutique va rester fermée pendant les vacances de Noël. Car sur les plages, aucune serviette, aucun touriste à l'horizon. "Quel touriste va venir ici ? C'est impossible, tous les hôtels sont par terre. Les restaurants, n'en parlons pas. Il n'y a plus rien à faire sur l'île actuellement. À mon avis, il faudra au minimum trois ans pour qu'on s'en remette."
Relancer son activité pour ne pas se morfondre
À 200 mètres de la plage, sur la petite place recouverte de sable, Valéry, le gérant du restaurant Le P'tit Bistrot, a décidé de faire de la résistance. Il a rouvert son restaurant quelques semaines après le passage de l'ouragan. "On a deux choix : soit on s'en va et on perd tout, soit on se bouge et on ne va pas rester à se morfondre à la maison", explique-t-il. Pour sa part, il a choisi de se bouger. "On a nettoyé, on a racheté tout ce qu'il fallait, refait toute l'électricité, la plomberie et les peintures."
Au-delà de relancer son activité économique, cette réouverture permet à tout le monde de s'occuper. "Mine de rien, il n'y a pas grand chose à faire le soir donc, quoi qu'il en soit, les clients qui viennent là nous disent 'merci d'être ouvert'. Ça permet de voir du monde, manger au restaurant, écouter de la musique et boire un petit verre après manger. Ça a donné du baume au coeur à tout le monde."
Une aubaine pour les autres îles des Antilles
De son côté, Ali Laggoune, agent de voyages depuis 30 ans à Saint-Martin, explique que le passage de l'ouragan Irma l'a anéanti. Après la catastrophe, tous ses clients ont annulé leur séjour et les prochains touristes avec lesquels il travaille n'ont pas prévu de venir à Saint-Martin avant 2019. La perspective est lointaine mais Ali est prêt à patienter le temps qu'il faudra.
La pire des choses qui pourrait nous arriver serait de rassurer faussement la clientèle en leur disant que nous sommes prêts lorsque nous ne le sommes pas
Ali Laggoune, agent de voyages à Saint-Martin depuis 30 ansà franceinfo
Il préfère attendre le bon moment pour faire revenir les touristes afin de pouvoir pérenniser la fréquentation. "Sur les réseaux sociaux, tout se sait, tout se dit et nous ne voudrions pas qu'il y ait des clients mécontents qui commencent à dire au monde entier que l'île n'est pas prête. Ça constituerait un problème pour l'avenir." Mais il y a urgence à reconstruire et à accueillir à nouveau des touristes sur l'île car, en attendant, les autres destinations des Antilles sont en train de profiter de ce marché au détriment des professionnels du tourisme de Saint-Martin.
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