Ouragan Irma : à Saint-Martin, les autorités sanitaires veillent au grain face aux risques d'épidémies
Après le passage d'Irma, il y a une dizaine de jours, les autorités françaises sont mobilisées pour éviter la propagation des maladies sur l'île française de Saint-Martin. Elles se disent vigilantes mais pas inquiètes.
Après le passage de l'ouragan Irma, le risque d’épidémie est-il maîtrisé à Saint-Martin ? "Oui, il y a des risques d'épidémies", a reconnu la ministre des Outre-mer Annick Girardin, qui a passé près d'une semaine sur place après l'ouragan. "Il y a une problématique existante sur la question de l'eau contaminée, la question des déchets, la question de l'hygiène tout simplement", a-t-elle souligné. Sur place, les autorités se disent vigilantes sur le sujet mais pas inquiètes. Il n'y a pas eu d’alerte sérieuse pour le moment mais les services de santé sont mobilisés pour faire de la veille sanitaire et de la prévention.
Des poubelles sur le trottoir depuis dix jours
Quartier-d'Orléans est une des zones les plus pauvres de Saint-Martin et une des plus touchées par le passage de l'ouragan Irma. Des amas de tôle, des branches et des détritus jonchent les bas-côtés. Devant une petite maison encore debout, Florence tue le temps pendant que son fils Florian s’amuse avec un chien. "Les poubelles sont sur le trottoir, depuis le temps qu'elles sont là ils ne les ont même pas encore ramassés !", s'indigne-t-elle.
Les enfants vont tomber malade. Je vois que mon fils a beaucoup de petits boutons et avant il n'avait jamais ça
Florence, habitante de Quartier-d'Orléansà franceinfo
Florence attribue ces petits boutons à des piqûres de moustiques. Dans la petite cour de leur maison, un seau est rempli d’eau. Elle est utilisée pour les toilettes parce qu'il n'y a toujours pas d'eau courante. Roger, le grand-père, veille à ce qu’elle ne stagne pas trop longtemps. "Là, ce n'est pas gênant parce qu'il a plu ce matin mais si vous laissez un seau trois ou quatre jours, il y aura un souci", explique-t-il. Cela permettrait en effet aux larves de moustique de se développer.
Pas de médicaments dans les pharmacies
Si pour l'instant aucune épidémie n'a été signalée, le développement des maladies pourrait s'avérer problématique puisque les pharmacies sont confrontées à la pénurie. L'officine de Pascal Bessey, par exemple, a été victime des pillages juste après le passage d'Irma, comme trois autres dans l'île. "Ils ont cassé une des fenêtres qui donne sur le parking et ils sont entrés", explique ce pharmacien de Quartier-d'Orléans. Il peut difficilement travailler : "Hier, quatre personnes, des enfants et des adultes, sont venues pour des vomissements, des problèmes de diarrhées ou autres. Il me restait deux ou trois boîtes d'anti-vomitifs donc je les ai données. Et pour la diarrhée je n'avais qu'une boîte, c'est tout."
Pascal Bessey n'est toutefois pas débordé. En période d’épidémie de gastro-entérite, le pharmacien reçoit une trentaine de visites quotidiennes. La situation est tout aussi calme dans le cabinet de Michel Benedetti, médecin généraliste à Marigot, la principale ville de l’île. Derrière un tas de gravats, son cabinet endommagé par l’ouragan vient de rouvrir : "Hier, je n'ai vu personne et ce matin j'ai vu deux personnes. Mais ce ne sont pas des choses graves, ce sont plutôt des renouvellements d'ordonnances, des choses comme ça."
Pas de pic de pathologie pour l'instant
Pour le moment, les consultations n’ont repris que dans environ un tiers des 24 cabinets de l’île. Ceux qui les tiennent ont été sensibilisés au risque d’épidémie. "On a fait une réunion dans le cabinet avec les médecins envoyés par le gouvernement et des fiches d'information ont été distribuées pour remonter le type d'épidémie qu'il peut y avoir : choléra, leptospirose, troubles digestifs et autres..., raconte Jean-François Bartoli, président de l'association des médecins de Saint-Martin. Pour le moment, il n'y a aucune information qui remonte, il n'y a pas de pic de pathologie."
Les informations recueillies par les médecins lors de consultation pour de possibles épidémies sont ensuite transmises à deux épidémiologistes spécialement dépêchés sur place. Ils n'ont pour l'instant eu affaire qu'à quelques cas de gastro-entérites et deux morsures de rats sans conséquence. "Avant le passage de l'ouragan, il n'y avait pas de maladies vectorielles en cours donc il y a peu de probabilité qu'il y en ait une dans la semaine qui arrive", assure le docteur Eric Fontanille, de l’Agence régionale de santé. Il décrit une situation maîtrisée : "Au niveau des moustiques, qui peuvent servir de vecteurs de maladies, ce sont de bons moustiques qui sont actuellement présents, ils ne transmettent pas forcément la dengue ou le chikungunya. En ce qui concerne la dératisation, le principal problème c'est plutôt le nettoyage des zones de stockage. Pour cela, des produits raticides ont été envoyés de Martinique et de Guadeloupe."
Un véhicule pour pulvériser de l'anti-moustique
Des produits et des équipes sont également envoyés en renfort pour lutter contre la prolifération des moustiques. Elles sont chapeautées par Didier Roux, responsable santé-environnement à l’Agence régionale de santé. "Il y a actuellement une quinzaine de personnes qui sont mobilisées sur le problème des moustiques en faisant des pulvérisations. La population a pu voir ce véhicule équipé d'un gyrophare avec ce nuage de produit qui est pulvérisé derrière." Ce véhicule ne circule que dans les rues mais, d'après Didier Roux, "la pulvérisation va concerner les habitations puisque la pulvérisation est assez large". Il assure cependant que le produit est inoffensif pour la population.
La population est d'ailleurs appelée à la vigilance, notamment via des messages à la radio : utiliser de l’eau en bouteille pour le brossage des dents, la toilette des nourrissons et la cuisine, se laver le plus possible ou encore éliminer les eaux stagnantes qui sont de potentiels nids à moustique. Il a aussi fallu s’occuper des cadavres d’animaux laissés par l’ouragan. "Il y a eu très peu d'animaux morts qui ont été retrouvés, seulement quelques bovins quelques chiens", raconte Michel Vély, le chef du service vétérinaire de l'île de Saint-Martin. Ces animaux sont enterrés très rapidement.
L'urgence, c'est de pouvoir enfouir ces animaux morts parce qu'il y a des gens qui peuvent être intéressés pour récupérer la viande qui peut être vectrice d'infections.
Michel Vély, chef du service vétérinaire de Saint-Martinà franceinfo
Ce qui permettra d'apaiser la situation sanitaire, c’est le retour de l’eau potable au robinet. Mais cela va prendre encore du temps. Selon la préfecture de Saint-Martin, l'usine de désalinisation d'eau de mer acheminée sur l'île devrait fonctionner d'ici samedi 23 septembre environ. Jusqu’à nouvel ordre, les bains de mer pour se débarbouiller sont également vivement déconseillés puisque les stations d’épuration y ont déversées leurs eaux sales.
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