Météo : comment renforcer la prévention face aux inondations ?
Malgré les alertes, la maire de Morlaix juge que le risque d'inondations a été "sous-estimé". Explications et solutions.
Morlaix ne sort pas les pieds de l'eau, à l'instar d'autres villes bretonnes. Après la tempête Dirk de la fin de l'année 2013, deux dépressions, Petra et Qumaira, se sont abattues sur la côte Ouest, avec leur flot de précipitations. A tel point que l'Ille-et-Vilaine, le Morbihan et la Loire-Atlantique restent en vigilance orange pour des risques de crues, lundi 10 février, après un week-end en rouge.
Mais la prévention a-t-elle été suffisante ? Non, répond Agnès Le Brun, la maire UMP de Morlaix (Finistère), dans Le Parisien. Comme après le passage de Dirk, l'élue juge que le risque d'inondations a été "sous-estimé".
Quelles sont les mesures mises en œuvre pour avertir les communes ? Sont-elles assez efficaces ? Que faudrait-il faire pour les renforcer ? Eléments de réponse.
Des systèmes d'alerte parfois inefficaces
Pour prévenir la population, les communes se reposent sur les vigilances émises par Météo France et le dispositif Vigicrues, créé en 2006. Le système, copiloté par le prévisionniste et le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (Schapi), permet d'anticiper les risques de crues.
C'est sur cette base que le préfet peut décider de lancer l'alerte auprès des mairies, lesquelles peuvent alors mettre en œuvre leur plan communal de sauvegarde. A Morlaix, "le protocole d'intervention est très précis", note Agnès Le Brun. "Suivant la gravité de l'événement attendu, plus de 500 habitants (...) reçoivent des messages d'alerte par SMS ou e-mail", détaille encore l'élue.
Mais si "le dispositif d'alerte actuel (...) fonctionne plutôt bien", "on peut encore l'améliorer", concède Pierre-Yves Collombat, sénateur PS du Var, dans L'Humanité. Le système a en effet connu quelques ratés, comme lors de la tempête Dirk en décembre 2013. Le site Vigicrues avait sous-estimé le risque d'inondations dans le Finistère. La vigilance rouge "crues" n'avait été déclenchée que tardivement, perturbant l'organisation de la prévention.
Les pistes à explorer
Des améliorations générales. La prévention des risques passe d'abord par des progrès à réaliser sur les dispositifs déjà existants. Il faut ainsi améliorer les "modèles de prévisions pour les crues soudaines", à savoir "celles qui se manifestent en deux à six heures", admet André Bachoc, directeur du Schapi dans Le Monde.
Une veille spécifique dans certaines régions. Ces améliorations sont d'autant plus nécessaires dans les régions les plus exposées. La Bretagne, qui a essuyé trois tempêtes depuis fin décembre, a ainsi besoin d'une meilleure prise en compte "des phénomènes hydrauliques, des marées, dans les estuaires marins", qui constituent une des composantes des crues impressionnantes relevées ces derniers temps. Selon André Bachoc, la région devrait "être équipée début 2015" d'un dispositif adéquat pour en tenir compte.
Une "taxe inondations" au niveau national. Depuis plusieurs années, la maire de Morlaix réclame l'obtention d'un programme d'action de prévention contre les inondations (PAPI), jamais mis en place. Dans Le Parisien, Agnès Le Brun déplore qu'aucune mesure à long terme n'ait été prise depuis 2004 afin d'éviter les crues. Et ce, même si des pistes avaient été évoquées, comme "l'installation (...) de 15 bassins de rétention".
Face à cette situation, le gouvernement a présenté une loi, votée en décembre 2013. Sa mesure phare ? La création d'une "taxe inondations" pour "la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations", gérée par les collectivités. Celles-ci pourront ainsi augmenter les impôts locaux jusqu'à 40 euros par habitant afin de financer l'entretien des cours d'eau et des littoraux. Ce ne sera pas avant 2016 : Le Figaro rapporte que la mesure a été repoussée, en raison du débat actuel sur la fiscalité.
De la végétation pour se protéger. Remettre l'environnement au cœur du problème pourrait aussi jouer un rôle positif dans la prévention des risques. C'est ce que pense le géographe Jacques Lescoat, dans Le Parisien. "On a transformé des milliers d'hectares d'espaces naturels ou agricoles en lotissements et en zones d'activités", déplore le géographe, citant le chiffre de 180 000 km de haies et talus supprimés depuis les années 1970 en Bretagne. Par conséquent, "les champs, désormais recouverts de béton, ne jouent plus leur rôle d’éponge en cas d’inondation". Le spécialiste réclame donc de "replanter des haies et casser les reins à l’urbanisation étalée" afin de se protéger au mieux de la montée des eaux.
Ne pas oublier le risque
Pourquoi se laisse-t-on parfois surprendre par les inondations ? Parce qu'on les oublie. "À chaque inondation, on redécouvre l’Amérique", résume Pierre-Yves Collombat dans l'Humanité. C'est le cas dans le Var, où les inondations sont fréquentes, comme en Bretagne. Au total, un Français sur quatre est exposé à ce risque de crues.
"On comprend la surprise des habitants, mais pour les experts du risque d'inondations, cela n'en est pas une, [car] ces inondations interviennent sur des territoires connus comme étant inondables. La France est une terre inondable", rappelle Stéphanie Bidault, directrice du Centre européen de prévention du risque d'inondation (Cepri), dans Ouest France. Or, passés les événements, "les gens oublient pour se reconstruire".
Comment garder la menace bien présente ? Pour Erwan Balanant, conseiller municipal à Quimperlé (Finistère), il faut travailler "sur la culture du risque". Il propose ainsi de multiplier les exercices d'évacuation et d'anticipation afin de mieux se prémunir lorsque l'eau monte.
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