"Je suis un ressuscité" : les survivants de l'hôtel rasé par une avalanche en Italie racontent leur séjour forcé sous la neige
Ils ont tenu dans l'obscurité totale et dans le froid, en buvant de la neige fondue. Onze personnes, dont quatre enfants, ont été sorties vivantes des décombres. Douze autres sont mortes et 17 sont toujours portées disparues.
"J'ai senti le vent et entendu un bruit sourd et très fort d'arbres qui se cassent, de troncs qui roulent. Puis l'hôtel s'est écroulé, abattu par une énorme vague de neige et de morceaux de la montagne." Giampiero Parete, 38 ans, fait partie des deux premiers survivants retrouvés, après l'avalanche qui a rasé l'hôtel Rigopiano, mercredi 18 janvier, dans la région italienne des Abruzzes, à l'est de Rome.
Ce père de famille, sorti chercher des médicaments dans sa voiture pour sa femme, souffrant d'une migraine, a attendu les secours avec un employé de l'hôtel dans l'unique voiture épargnée par la coulée de neige. Les deux compagnons d'infortune passent une longue nuit dans le véhicule, le chauffage allumé, avant de pouvoir redescendre en traîneau jeudi, en état d'hypothermie.
Vingt-quatre heures plus tard, sa femme Adriana et son fils Gianfilippo sont sortis des décombres. Ils ont survécu grâce à une poche d'air. Sur les images de leur sauvetage (ci-dessus), on peut voir la mère alerter les secouristes pour signaler la présence de sa fille Ludovica. Celle-ci sera extraite, saine et sauve, quelques heures après. La famille de Giampiero Parete est miraculée.
"J'ai cru à un tremblement de terre"
Six jours après la catastrophe, les secouristes poursuivent leur travail : dans la nuit de lundi à mardi 24 janvier, six nouveaux corps ont été arrachés à la neige et aux débris, portant le bilan à 12 morts et 17 disparus. Au total, onze personnes, dont quatre enfants, ont été retrouvées vivantes. Ils racontent comment ils ont tenu dans le froid, dans la neige, dans le noir et sous la menace de nouvelles avalanches.
"Ça a été comme une bombe", explique Vincenzo Forti au Huffington Post (en italien). "J'étais assis sur le canapé. Les colonnes ont glissé et l'ont coupé en deux. C'est ce qui nous a sauvés", explique-t-il. Avec sa compagne et d'autres clients de l'hôtel, accompagnés de leurs enfants, ils se trouvent dans le hall, autour de la cheminée et du billard de l'hôtel. "Tout vibrait tellement fort, que j’ai pensé qu’il s’agissait d’un tremblement de terre, pas d’une avalanche", ajoute sa compagne, Giorgia Galassi, citée par La Tribune de Genève.
"Je me suis retrouvé sans chaussure, poursuit Vincenzo Forti. Je portais des leggings que m'avait prêtés ma copine. En l'espace d'un instant, on s'est retrouvés à trois dans un mètre carré." Le couple se trouve dans une poche d'air avec un autre homme, Giampaolo Matrone, blessé au bras. "On n’entendait aucun bruit venant de dehors. On a continué à sucer de la neige, mais on n’avait rien à manger, les forces et l’espoir commençaient à s’en aller", raconte Giorgia.
On était comme enfermés dans une boîte, sans conscience du temps qui passe.
Giorgia Galassidans "La Tribune de Genève"
"Je n'arrivais même pas à me tenir debout"
Certains prient, d'autres encouragent ceux qu'ils devinent coincés non loin d'eux... Et ils finissent par entendre les secours après une longue attente et de fausses alertes, la structure dévastée de l'hôtel ne cessant d'émettre des craquements.
Alors on a commencé à frapper au plafond tout ce qu’on pouvait. Les secouristes ont commencé à appeler. J’ai hurlé: 'Je suis Giorgia, je suis vivante.' C’est la chose la plus belle que je n’aie jamais dite.
Giorgia Galassidans "La Tribune de Genève"
Non loin de Giorgia, Vincenzo et Giampaolo, se trouvent trois enfants. Ludovica, Eduardo et Samuel, âgés de six à neuf ans, sont confinés, près du billard, dans un espace épargné par la coulée de neige. Ils ont survécu pendant près de 48 heures grâce à des bouteilles d'eau et des portions individuelles de Nutella. Par chance, les trois enfants peuvent aussi échanger avec Adriana, la mère de Ludovica, coincée juste à côté, dans un minuscule espace. Dans les moments les plus difficiles, la mère, dont la voix filtre malgré la neige, parvient à rassurer sa fille.
Si Ludovica a pu embrasser sa famille à l'hôpital, les parents d'Eduardo ont été retrouvés morts et ceux de Samuel sont toujours portés disparus. Francesca Bronzi est, elle aussi, sans nouvelles de son petit ami. Claustrophobe, elle a survécu dans un "trou étroit" : "Je n’arrivais même pas à me tenir debout." Avant que sa batterie ne rende l'âme, elle se sert de son portable comme lampe de poche. Mais "le pire, cela a été la soif, je n’ai pas arrêté de me mouiller les lèvres avec de la neige sale", dit-elle. Vivants et en relative bonne santé, les survivants n'en reviennent toujours pas. A l'image de Giampiero Parete qui ne cesse de répéter : "Je suis un ressuscité."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.