Cet article date de plus de deux ans.

Environnement : quatre questions sur la sécheresse hivernale qui a touché l'Hexagone

L'été n'a pas le monopole des sécheresses. Cet hiver, de faibles précipitations accentuent la vulnérabilité de certaines régions, qui affronteront le printemps et l'été avec des nappes phréatiques trop basses, notamment en cas de canicule. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
 Le niveau du Clain, à Poitiers (Vienne), en baisse en raison de la sécheresse, le 22 mars 2022.  (MAXPPP)

Enfin ! Après plusieurs semaines de douceur (voire d'un soleil éclatant) sur une grande partie de l'Hexagone et de la Corse, la pluie a fait son retour, mercredi 30 mars, notamment dans le quart sud-est du pays, avant de se répandre sur une France brutalement rafraîchie. Averses, ondées, voire neige... Les précipitations sont les bienvenues dans certaines régions menacées par la sécheresse, à l'issue d'un hiver particulièrement doux et sec. La situation est même parfois inquiétante. Explications. 

1Quelles régions ont été touchées par la sécheresse cet hiver ?

Selon le site Propluvia, "la sécheresse survient lorsque la quantité de pluie est nettement inférieure aux normales saisonnières, et cela, sur une assez longue période." Or, l'hiver qui s'achève a été particulièrement doux et sec dans plusieurs régions. "Globalement, à l'échelle de la France, la situation n'est pas inquiétante, mais certains territoires sont plus touchés par la sécheresse que d'autres", explique Simon Mittelberger, climatologue à Météo France. Cet hiver, les régions les plus touchées sont la Provence-Alpes-Côte d'Azur et le Grand Est, ainsi que le nord de la Nouvelle Aquitaine, mais avec de grandes disparités d'un département à l'autre, constate-t-il. Pour l'instant, seuls deux d'entre eux ont été placés en vigilance par les services préfectoraux, au premier niveau d'une échelle qui en compte quatre : le Var et l'Ain.

D'autres sont passés tout près de la catastrophe, sauvés par de récentes chutes de pluie : "Dans le Languedoc-Roussillon, un épisode de pluie très intense entre le 11 et le 13 mars a permis de contrebalancer un important déficit de précipitations en janvier et février", explique le climatologue. Enfin, dans le Bas-Rhin, il faut remonter aux années 1960 pour constater une pluviométrie aussi faible sur la période entre septembre et mars, note France Bleu. "On a atteint des records avec des sols extrêmement secs sur le Grand Est et plus précisément sur l'Alsace, mais la situation est à nuancer, car on ne connaît pas les effets de la pluie tombée ces derniers jours", poursuit Simon Mittelberger.

Enfin, cette faible pluviométrie a aussi été observée près de Dijon (Côte-d'Or), tandis que dans l'Indre, "on est déjà dans une situation critique", remarquait le 26 mars le directeur départemental des territoires dans La Nouvelle République, pointant les effets de cette faible pluviométrie au moment traditionnellement le plus pluvieux de l'année.  

2Quelles sont les conséquences ? 

L'absence de pluie et la chaleur, alors que le sol et la végétation sont très secs, augmentent logiquement le risque d'incendie, y compris à la fin de l'hiver et au printemps. Le week-end des 25 et 26 mars, des incendies ce sont d'ailleurs déclarés dans les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône, "mais aussi dans des départements au nord de la Loire qui ne posent habituellement pas problème depuis plusieurs années : le Maine-et-Loire et la Charente-Maritime, avec une trentaine d'hectares ce week-end encore", a mis en garde, lundi, le colonel Sylvain Besson, directeur départemental adjoint des pompiers de l'Hérault. Mais la sécheresse en hiver peut aussi avoir des répercussions à plus long terme. 

Car les mois d'hiver et le début du printemps permettent d'ordinaire de recharger en eau les nappes phréatiques. "Au-delà d'avril, l'eau de pluie est essentiellement absorbée par les plantes, en pleine croissance, ou s'évapore à cause de la chaleur" avant d'atteindre la nappe, rappelle Propluvia. Résultat : les pluies qui surviennent en ce moment ne vont pas forcément permettre de reconstituer les nappes basses, explique Violaine Bault, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières, un établissement public. "Cela dépend du type de sol. (...) Théoriquement, les chutes de pluie actuelles auront un faible impact sur la recharge des nappes phréatiques, en tout cas bien plus faible que si elles s'étaient produites en hiver, détaille-t-elle. Avril, ça commence à être tardif." 

3Pourquoi le niveau des nappes phréatiques est-il crucial ?

Parce que c'est là que l'on puise l'eau que l'on consomme et que l'on utilise à la fois dans l'industrie et l'agriculture. En cas de canicule, les agriculteurs des régions concernées ne pourraient par exemple pas puiser dans ces réserves pour irriguer leurs cultures. "Si toutes ces masses d'eau, qui sont censées tenir jusqu'à l'été, sont défaillantes dès mars, ça pose problème", a prévenu l'hydrologue Emma Haziza, invitée de franceinfo le 28 mars. "Si on s'oriente vers un été plus chaud et plus sec, ce qui semble être le cas, on risque d'avoir à nouveau une sécheresse historique."

"Des nappes basses, cela signifie moins d'eau pour alimenter les cours d'eau. La faune, la flore qui sont associées à ces zones humides risquent alors de souffrir", poursuit Violaine Bault. La sécheresse de 2019 a ainsi fait disparaître la truite fario de certains cours d'eau creusois, rapportait France Bleu l'année suivante.

De plus, "en France, une grande partie de l'eau potable et de l'eau utilisée pour l'agriculture et l'industrie est prélevée dans les nappes. Quand elles sont basses, on se retrouve avec des pompes dénoyées : c'est-à-dire qu'il y a de l'eau dans la nappe, mais les puits ne sont pas assez profonds pour l'atteindre", résume Violaine Bault. Et si manquer d'eau potable reste "assez exceptionnel", l'hydrologue rappelle les difficultés rencontrées en 2019 par la ville de Guéret (Creuse). 

4Le réchauffement climatique va-t-il compliquer les choses ?

Dans le deuxième volet de leur rapport, les scientifiques du Giec dressent un constat sans appel : en Europe du Sud, dans laquelle se trouvent de nombreuses régions françaises, plus d'un tiers de la population risque de manquer d'eau à partir de 2 °C de réchauffement. A partir de 3 °C, ce risque double et touchera le reste de l'Hexagone. Des "pertes économiques importantes dans les secteurs dépendant de l'eau et de l'énergie peuvent se produire", prévient le rapport, ajoutant que l'irrigation sera de plus en plus limitée par la disponibilité réduite en eau, entraînant d'importantes pertes agricoles.

Pour l'instant, "on n'observe pas globalement une baisse des précipitations en moyenne annuelle, mais une plus forte disparité avec des épisodes de pluie moins nombreux, mais plus intenses", détaille Simon Mittelberger. Un changement de régime qui ne présage rien de bon, confirme Violaine Bault : "Il faut qu'il pleuve en automne et en hiver pour recharger les nappes phréatiques, mais, pour que le sol absorbe cette eau, la pluie doit être légère, continue. Les pluies violentes ne laissent pas le temps au sol de tout absorber et l'eau ruisselle. Or, on s'attend à voir des périodes de sécheresse plus longues, donc des sols plus secs qui absorbent mal." Au risque de voir – cruelle ironie – la sécheresse faire place aux inondations.

Consultez lamétéo
avec
voir les prévisions

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.