Etat de sécheresse déclaré sur une grande partie de la Tamise : "Le climat est en train de changer", en Angleterre aussi
C’est un symbole fort de la sécheresse de l’été, qui n’épargne pas nos voisins britanniques : la source de la Tamise est à sec. Près de Bristol, à 150 km à l’ouest de Londres, l’origine habituelle du fleuve a provisoirement disparu.
Pas un semblant de flaque, pas le moindre filet d’eau au pied du panneau qui indique pourtant bien que la Tamise jaillit ici. "C’est étonnamment décevant ! C’est complètement sec", constate Richard, qui a choisi pour sa retraite de marcher tout au long des 350 km du plus célèbre fleuve britannique. Mais cela commence mal : "Il n’y a pas d’eau du tout…"
Le retraité doit se contenter d’un petit tas de pierres. "On voit surtout des cailloux, mais la Tamise existe, elle est sous le sol", explique néanmoins Gwen Mainwaring. La Franco-Britannique travaille pour l’ONG The Rivers Trust. "Normalement, ici on trouve un petit écoulement. Maintenant, il faut aller assez loin, 10 km en aval avant de trouver de l’eau. C’est ça qui est exceptionnel."
"On a des risques que la source s’assèche en hiver. Et ça c’est sans précédent"
Gwen Mainwaring, membre de l'ONG The Rivers Trustà franceinfo
Quelques gouttes sont bien tombées ces derniers jours, mais pas de quoi reverdir cette campagne anglaise complètement jaunie par un été d’une sécheresse inédite depuis 40 ans. Les feuilles grillées annoncent l’automne en plein mois d’août note Alisdair Naulls, membre lui aussi du Rivers Trust : "On devrait entendre les oiseaux faire leur vie, il devrait y en avoir beaucoup plus. Ces 10 à 15 km de la Tamise qui sont à sec, habituellement c’est une grande artère verte, comme un couloir de vie, peuplé de nombreuses espèces ! Donc évidemment, ça a un impact."
La nécessaire restauration des zones humides
"Pour recharger cette source, il ne faut pas juste qu’il pleuve pendant deux semaines, ajoute Gwen. Le rechargement va se faire avec des sols qui sont autour qui vont capter l’eau, la retenir. Puis, l'eau va couler dans les eaux souterraines, pour ensuite remonter. Mais c’est un cycle qui prend des décennies, voire des centaines d’années."
Gwen pousuit : "Regardez ce qui s’est passé cette semaine à Londres : dans la rue, les gens ont eu de l’eau jusqu’aux chevilles, du fait des inondations soudaines et de cette sécheresse. Dans un milieu urbain, le sol n'a aucune capacité à capter cette eau." En attendant, sur les bords de la Tamise, Nicole, un guide à la main, quitte la source bredouille. "On doit trouver une solution. La planète se réchauffe, rapidement et je suis inquiète pour mes enfants", glisse-t-elle.
Comment agir ?
"Il faut être honnête, on ne peut pas revenir en arrière", il faut "en priorité restaurer les zones humides, pointent Gwen et Alisdair, faire évoluer les pratiques agricoles et industrielles". "Le climat en Angleterre est en train de changer. Par exemple, l'Est est une grande région agricole, mais c'est aussi désormais une région très sèche. Or, on continue de voir des agriculteurs utiliser des pratiques qui ne sont plus adaptées. Et ça, ça sape ses réserves d'eau, maintenant en période de sécheresse, ces agriculteurs sont obligés d'irriguer encore plus, parce qu'il n'y a pas assez d'eau dans leur sol."
"Il faut aussi mieux utiliser notre eau potable. Aujourd’hui, 20% de l'eau potable est gâchée en Angleterre : trois milliards de litres d’eau sont gaspillés chaque jour."
Gwen Mainwaring, membre de l'ONG The Rivers Trustà franceinfo
Les deux experts n'ont aucune certitude sur le fait que la source rejaillisse un jour à l'endroit où le fleuve naissait jusque-là. En ce mois d'août 2022, les randonneurs doivent marcher deux heures supplémentaires vers l’est pour pouvoir enfin mettre les pieds dans la Tamise.
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