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Académie française : la planète des Immortels

L'écrivain Dany Laferrière, qui a reçu son épée le 26 mai 2015, fait entrer deux territoires francophones – Haïti et le Quebec – à l’Académie française. Il étoffe la longue liste de ceux qui ont ramené le monde dans le temple de la langue française. Géopolis vous emmène à la rencontre de quelques-uns.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'écrivain haïtien et québécois Dany Laferrière et son épée d'Immortel, le 26 mai 2015. Il fait son entrée officielle à l'Académie française le 28 mai 2015.  (CITIZENSIDE/AURÉLIEN MORISSARD)

«C'est une erreur, en littérature, de relier malgré lui un écrivain à son origine», dixit Dany Laferrière, rapporte l'AFP. L’homme de lettres haïtien, naturalisé canadien, est reçu officiellement le 28 mai 2015 à l’Académie française et l’institution atteste bien de la véracité de ses propos puisqu'elle accueille, depuis des années, des hommes et des femmes qui ont choisi le français comme langue d'expression, sans avoir parfois aucun lien avec la France. D'autant qu'être citoyen n'est pas un critère pour siéger sous la Coupole. 

Parmi ses 40 membres aujourd'hui, on trouve ainsi le poète François Cheng, Chinois naturalisé Français en 1971, et le Britannique Michel Edwards, devenu Français par son mariage, le biologiste luxembourgeois Jules Hoffman, l’écrivain et réalisateur belge François Weyergans. Ce dernier partage la même terre de naissance que Marguerite Yourcenar, la première femme à avoir été élue à l'Académie en 1980 (citoyenne américaine puis française). Née dans l'empire colonial français, une autre Immortelle fut citoyenne d'un autre pays : c'est en tant qu'Algérienne qu'Assia Djebar siégera à l'Académie. Elle sera le premier auteur nord-africain à intégrer l'institution. Le Libanais Amin Maalouf, qui recevra en séance solennelle Dany Laferrière, y représente pour sa part le Moyen-Orient.

Symboles

«L’élection de Léopold Sédar Senghor à l’Académie française, en 1983 (...), a marqué une date de très haute importance dans l’histoire de notre compagnie. Avec lui, ce n’était pas seulement l’agrégé de grammaire, l’ancien président de la République du Sénégal, le grand poète partout connu et reconnu (...) qui entrait sous la Coupole, c’était l’ensemble de ceux qui ont la langue française en partage, c’était la Francophonie tout entière. En révélant ainsi l’Académie française à elle-même, Léopold Sédar Senghor a accompli, en quelque sorte, le destin de notre langue commune, dont il est l’une des plus éclatantes figures», souligne l'Académie française. 

La réception de Dany Laferrière est un double écho à l'assertion. Non seulement l'auteur est le deuxième académicien noir à intégrer l'institution, mais encore il représente deux membres de l'espace francophone : Haïti et le Québec. Le romancier a vu le jour en 1953 à Port-au-Prince, en Haïti. Devenu journaliste, il a fui son pays pour Montréal en 1976 afin d'échapper au régime dictatorial de «Bébé Doc», alias Jean-Claude Duvalier. 


Le choix du français
Dany Laferrière a été élu le 12 décembre 2013 au fauteuil de Montesquieu (F2), qu'occupa Alexandre Dumas fils – un autre enfant de la Caraïbe –, et plus récemment de Hector BianciottiSon prédécesseur, argentin d’origine, avait opté pour le français après avoir écrit quelques ouvrages en espagnol. «En 1996, son élection à l'Académie française, où il est reçu le 23 janvier 1997, sera une consécration, moins de son œuvre, qui n'avait pas besoin de cette sorte de reconnaissance, que de son choix linguistique», écrivait René de Ceccatty dans Le Monde lors de sa disparition en  2012.

Dans son discours de réception, Hector Bianciotti avait rendu hommage à celui qui lui avait transmis la passion de la langue de Molière, Paul Valéry, homme de lettres français «envers qui (sa) dette est inépuisable puisque c'est pour lire son œuvre dans le texte (qu'il s'est engagé), à quinze ans, dans le délicat labyrinthe de la langue française». Avant lui, d'autres avaient fait le choix radical du français sans avoir au préalable un lien culturel, familial ou historique : le premier fut le poète José-Maria de Heredia, né à Cuba (élu en 1894). Henri Troyat (élu en 1959), qui avait vu le jour en Russie, s'inscrira dans la même démarche.

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