Afghanistan : "Depuis plus de deux mois et demi, nos salaires n'ont pas été versés", raconte un fonctionnaire
Les talibans se retrouvent dorénavant face à la lourde tâche de faire redémarrer un pays à l’arrêt. Pour cela, ils ont besoin des fonctionnaires qui, pour la plupart, étaient leurs ennemis il y a deux mois encore.
C'est dans un jardin public à Kaboul, transformé en camp de réfugiés d'un côté et en terrain de cricket de l'autre, que deux fonctionnaires acceptent de raconter leur quotidien sous la férule talibane, discrètement... Sabur travaille toujours au ministère de la Culture. Son quotidien n'a pas changé depuis l'arrivée des talibans, sauf pour ce qui est de certains de ses collègues. "Les talibans nous ont dit que les femmes travaillant dans notre département ne devaient venir que le dimanche, et seulement pour signer une feuille de présence. Je crois comprendre qu'ils vont faire un immeuble séparé pour les femmes." Mais cette ségrégation n'est pas le principal problème de Sabur.
"Depuis plus de deux mois et demi, nos salaires n'ont pas été versés. La dernière fois, c'était au début de l'été durant la période de l'ancien président Ashraf Ghani."
Sabur, fonctionnaire afghanfranceinfo
Jabbar a quant à lui perçu son salaire normalement, et ce alors même qu'il émarge dans une administration qui n'était autre que l'ennemi juré des talibans : la NDS, les Services de renseignement afghans. "Je travaille dans un département très sensible de la sécurité... Et officiellement, je suis toujours en fonction mais je ne vais pas au bureau. Je n'y ai été que deux fois, pour voir ! Notre activité est en sommeil."
Des agents des services de renseignement dans l'attente
Selon Jabbar, 70% des agents de la NDS sont restés en Afghanistan et attendent avec inquiétude de savoir comment ils vont être traités. Ils ne sont que quelques-uns comme Jabbar à avoir osé repasser les portes d'une administration qui est aujourd'hui complètement tenue par les talibans. "Ils ont été très aimables, amicaux même. C'est vrai, l'activité des services n'a pas repris mais en tout cas, ils n'étaient pas agressifs".
Jabbar serait tout à fait disposé à retravailler dans un service de renseignement, contrôlé par ses anciens ennemis. "Bien sûr, si on me le demande, je suis prêt à reprendre mon activité. Ce n'est pas se mettre au service d'une cause. Dans mon métier on n'est pas au service de quelqu'un, on est au service du pays." Un pays dont les talibans ont hérité mais qu'il va falloir faire tourner, en commençant par payer les salaires du demi-million de fonctionnaires que compte l'Afghanistan.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.