Algérie : l'instance du dialogue de sortie de crise tente de sortir de l’impasse
Contesté par les manifestants dans la rue, boudé par les personnalités invitées à le rejoindre, le panel chargé de mener le dialogue de sortie de crise en Algérie connaît lui-même une crise de légitimité.
L’Instance nationale de dialogue et de médiation, chargée depuis le 25 juillet 2019 par le pouvoir algérien de mener des consultations pour définir les modalités de la prochaine présidentielle, est déjà menacée d’effondrement. Constitué de six personnes – deux proches de l’ancien président Bouteflika, un économiste, une professeure de droit public, un syndicaliste et un universitaire –, le panel de médiation a vu sa légitimité contestée dès le lendemain, lors du 23e vendredi de manifestation.
"Nous refusons le dialogue avec le gang au pouvoir"
Aux côtés de slogans tels "Le peuple veut l’indépendance" ou "Y'en a marre des généraux", une pancarte brandie par un manifestant affirmait : "Nous refusons le dialogue avec le gang au pouvoir."
Pour les jeunes du Hirak, le mouvement de contestation déclenché le 22 février, les six membres du panel "ne nous représentent pas. (...) Ils cherchent des postes." Ils reprochent par exemple à Karim Younes d'affirmer vouloir mener le dialogue avec le peuple alors qu’il était ministre de Bouteflika "quand les manifestations contre le pouvoir ont été réprimées dans le sang en Kabylie".
En l’absence de légitimité et de popularité, le panel s’est adjoint un septième membre : Mohamed Yacine Boukhnifer, issu du Hirak, mais qui, selon l’AFP, est largement inconnu n’ayant pas émergé comme une figure emblématique de la contestation.
Appel à des personnalités pour étoffer la légitimité
Sous le feu des critiques, l’Instance de médiation a appelé 23 personnalités supplémentaires à rejoindre ses rangs dont plusieurs qui accompagnent le Hirak. Quatre des plus susceptibles de légitimer l'instance aux yeux de la contestation – les avocats Mustapha Bouchachi et Mokrane Aït Larbi ainsi que les anciennes combattantes de la Guerre d'indépendance (1954-1962) Djamila Bouhired et Drifa Ben M'hidi – ont décliné l'invitation le 29 juillet.
Pour Drifa Ben M’hidi, le dialogue doit être mené par les jeunes du Hirak. Maître Bouchachi estime que les garanties que le pouvoir respecte les décisions de l’Instance sont absentes. Quant à maître Aït Larbi, il a fait savoir qu’il ne participerait à aucun dialogue rejeté par la contestation et dont "les règles sont dictées par le pouvoir". Djamila Bouhireb, citée par le journaliste Aït Larbi sur son compte Facebook, refuse pour sa part de participer à une quelconque instance comprenant des cadres de vingt ans de présidence Bouteflika.
L’ancien chef de la Diplomatie algérienne Ahmed Taleb Ibrahimi, pressenti lui aussi, a posé plusieurs conditions à une éventuelle participation.
Personnalité respectée, l'ex-Premier ministre Mouloud Hamrouche (1989-1991), artisan de nombreuses réformes démocratiques et sollicité à plusieurs reprises pour aider à la sortie de crise, a lui aussi écarté, dans un communiqué à l'agence de presse officielle APS, toute participation à une quelconque instance. Il invite même le pouvoir à répondre au Hirak "pour éviter le chaos".
Enfin, patron d'un syndicat de personnel de la Santé publique, Lyes Merabet a également fait part de son refus au site d'information TSA Arabi, estimant les conditions du dialogue "pas réunies".
Un échec "très probable"
"Sans avoir à se réjouir, ça a tout l’air d’un flop", estime désormais le politologue Mohamed Hennad, interrogé par le site TSA. Considérant que l'opération a été montée dans l’improvisation et l’impréparation, il n’exclut pas un échec du panel. Selon lui, le pouvoir ne voit dans ce dialogue que le préparation d’une élection présidentielle "incontestée et incontestable". Alors que pour le panel, l’élection ne saurait être que le couronnement de leur mission. Le politologue y voit un malentendu entre le pouvoir et le panel. "Je pense que tôt ou tard, il y aura une confrontation puis divorce", a-t-il prédit.
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