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Issad Rebrab, première fortune industrielle d'Algérie, est en prison

C’est le patron le plus important du pays. L’homme, dont la puissance s’étend des deux côtés de la Méditerranée, est propriétaire, entre autres, du groupe d’électroménager Fagor-Brandt. Issad Rebrab est en prison, accusé de fuites de capitaux, d’importations illégales et de surfacturation. Dernier épisode de la guerre du pouvoir en Algérie.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Issad Rebrab photographié le 8 mai 2016 à Alger. (RYAD KRAMDI / AFP)

"L’inculpation spectaculaire de Rebrab sème le doute et l’inquiétude", titre TSA. Selon le site internet, "c’est un opposant déclaré à Bouteflika qui est écroué, à la surprise générale".

Surprise car d’autres capitaines d’industrie, a priori proches du clan Bouteflika, sont également dans le viseur de la justice. Ainsi Ali Haddad, ex-président du FCE (le Medef algérien), est arrêté dans la nuit du 30 au 31 mars 2019, alors qu’il tente de quitter le pays. Le roi du BTP algérien est le premier à tomber, mais la justice algérienne s’intéressait fortement à lui de longue date, même si l’homme croyait pouvoir y échapper. En juillet 2018 déjà, on le disait très menacé. Il n’aura pas résisté longtemps à la fin du clan Bouteflika dont il était un ardent défenseur.


La famille Kouninef est aussi inquiétée. C’est un empire allant de l’agroalimentaire au génie civil pétrolier. Quatre des frères de ce clan ont été arrêtés en même temps que Rebrab. Sur les soupçons de détournements de fonds publics qui pèsent sur eux, le quotidien Liberté n’est pas tendre. Rappelons que le journal est la propriété d’Issad Rebrab, qui est également le principal concurrent de la famille Kouninef.

Une famille Kouninef dont Liberté évoque "des relations plus qu’étroites avec Saïd Bouteflika, le frère du président déchu". "Des financements bancaires colossaux dont ils ont bénéficié ces dernières années, souvent pour des projets aux coûts très probablement surévalués", les mettraient en tête de liste des personnalités ciblées dans l’opération "mains propres" réclamée par le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, insiste Liberté.

Opération "mains propres"

Et à propos d’opération mains propres, le site TSA s’interroge sur ce mouvement très actif de la justice, sur des faits connus pourtant de longue date. "Rien ne justifie une telle précipitation des appareils de sécurité et de justice. Les dossiers de corruption sont connus et leurs acteurs aussi", explique TSA. "Derrière ces affaires se cachent visiblement un début de dérive des nouveaux maîtres du pouvoir. Une dérive qui risque de s’étendre à d’autres acteurs", n’hésite pas à écrire le site.

La défense de Rebrab s’organise. Outre son journal, les salariés du groupe sont aussi appelés à manifester pour réclamer la libération de leur patron. Les 18 000 emplois que représente le groupe pèsent lourd. Et bien sûr, les partisans de Rebrab en jouent.


Sur les réseaux sociaux, et en particulier Twitter, les sympathisants d’Issad Rebrab sont les plus nombreux, prompts à blanchir l’homme d’affaires de toutes les accusations. Comme le patron de Cevital a pris fait et cause pour la rue, réclamant lui aussi un changement politique, il fait figure de héros chez certains. Pour beaucoup, cela peut même expliquer son arrestation.

Quelques-uns, tout de même, sont en proie au doute, selon le vieux principe qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Il est vrai qu’Issad Rebrab apparaît en bonne place dans les Panama papers via un compte en Suisse alimenté par des opérations d’import-export. Et c’est grâce à des situations de monopole (fer à béton, sucre, huile) que Cevital, créé en 1998, a rapidement grandi.

Selon un observateur de l’économie algérienne, dans un système aussi fermé et clanique, le succès ne peut pas se faire seul. Le Monde parle de "ceux qui, au sein du pouvoir, lui ont donné d’indispensables coups de pouce". Visiblement, ceux-là n’ont plus la puissance suffisante pour le protéger, ou ne sont plus en capacité de le faire. Dans un de ses derniers tweets avant sa mise en détention, Issad Rebrad se place en victime. "Notre groupe est à l’instar du peuple, une victime du système et de sa mafia économique." Pour l’heure, le système a gagné.

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