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Présidentielle au Bénin : Patrice Talon prend goût au pouvoir et la démocratie s'en ressent

Le président béninois, qui avait promis de ne faire qu'un mandat, est de nouveau candidat à la présidentielle du 11 avril. L'opposition l'accuse de faire le ménage pour l'emporter. 

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
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Le président du Bénin, Patrice Talon, se présente à l'élection présidentielle pour un second mandat. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Des tirs de grenades lacrymogènes tentent de disperser des manifestants qui bloquent la route. La scène s'est déroulée le 8 avril 2021 à Savè, dans le centre du Bénin. Depuis plusieurs jours, elle se répète dans plusieurs villes du pays. Des groupes, répondant à l'appel de plusieurs figures de l'opposition, se forment ainsi pour protester contre la candidature de Patrice Talon à un nouveau mandat lors de la présidentielle du 11 avril. Poste de péage saccagé, véhicules incendiés, Savé a été le théâtre des débordements les plus violents. On compte désormais un mort.

Des incidents qui illustrent la dégradation de la situation politique du pays. Certains observateurs se demandant si cela ne marquait pas la fin de l'exemple démocratique du pays. Le Bénin semblait un modèle, notamment grâce à des instances qui garantissaient un contre-pouvoir démocratique. Fraîchement élu, le président Talon assurait même qu'il ne ferait qu'un seul mandat. Le non-respect de cette parole donnée a été, en partie, le catalyseur du mécontentement.

La fin d'un modèle ?

Car au fil des années, la gouvernance de Patrice Talon a pris un tour de plus en plus autoritaire. Ainsi, les principaux opposants sont en exil pour échapper à une justice qui semble très instrumentalisée. La fuite du pays d'Essowé Batamoussi, juge à la Cour de la répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), a fait l'effet d'une bombe. Il dénonce les pressions subies de la part du pouvoir, dans le but de monter des dossiers à charge contre les principaux opposants politiques. "Toutes les décisions que nous avons été amenés à prendre, l'ont été sous pression", affirme-t-il.

Une justice au service du pouvoir

La Criet, installée par le président Talon, a ainsi placé en détention le 5 mars dernier Reckya Madougou, une figure de l'opposition, pour "financement du terrorisme". Accusation assez singulière contre une femme qui a été ministre de la Justice de son pays. Sa candidature à l'élection présidentielle avait du reste déjà été recalée.

Un autre opposant, Sébastien Adjavon, qui vit désormais en exil en France, a été condamné en 2018 à vingt ans de prison pour trafic de cocaïne. Il a depuis écopé d'une peine de cinq ans de prison pour "faux, usage de faux et escroquerie". L'homme avait fini troisième à la présidentielle de 2016.

Léhady Soglo, ancien maire de Cotonou, a dû lui aussi s'exiler en France en 2017 pour échapper à une condamnation à dix ans de prison pour "abus de fonction", en l'occurrence des primes versées à des chefs de quartier.

Les parrainages, un système d'éviction

Visiblement, les sanctions judiciaires ne suffisaient pas pour faire le vide autour de Patrice Talon. La révision constitutionnelle de 2019 a instauré le parrainage pour se porter candidat. Il faut obtenir les signatures d'au moins 10% du total des députés et des maires, soit seize parrains, pour pouvoir être candidat. Mais les 159 élus (82 députés et 77 maires) que compte le pays appartiennent en majorité au camp du pouvoir. Il n'y a que six maires d'opposition au Bénin et aucun député. Difficile de trouver un parrain dans ces conditions, lorsqu'on n'est pas adoubé par le pouvoir. Reckya Madougou en a fait les frais, tout comme Joël Aivo, autre figure de l'opposition.

"Candidatures fantoches"

Pour entretenir la fable d'une élection démocratique, le pouvoir en place a "validé" deux candidats, les anciens députés Alassane Soumanou et Corentin Kohoué, qui vont pouvoir s'opposer au président candidat. Mais, quasiment inconnus du grand public, ils sont taxés de "candidatures fantoches" par la plupart des opposants béninois.

Affiche électorale du candidat d'opposition Corentin Kohoué dans une rue de Cotonou, la capitale du Bénin, le 6 avril 2021. (PIUS UTOMI EKPEI / AFP)

Pourtant, le ministre de la Communication et de la Poste et Porte-parole du gouvernement, Alain Orounla, considère pour sa part que l'opposition participe bel et bien au scrutin du 11 avril. "L'opposition est largement représentée par deux duos de candidats, c'est la preuve que nul n'est exclu de cette élection", a-t-il déclaré à la BBC.

Tous ces signaux inspirent beaucoup d'inquiétudes. Lors de son élection en 2016, Patrice Talon ne semblait pas remettre en cause un régime démocratique qui, depuis 25 ans, s'installait non sans mal dans le pays. A la veille de son second mandat, car il ne fait aucun doute qu'il l'emportera, l'homme a, selon de nombreux commentateurs, tombé le masque.

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