Au Cameroun, l'opposant Maurice Kamto est devenu "l'homme à abattre"
Au total, huit infractions pèsent sur ses épaules parmi lesquelles "l’hostilité à la patrie" et "l’incitation à l’insurrection". Le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun a été placé en détention le 28 janvier 2019, suscitant une vague d’indignation dans le pays.
Maurice Kamto ne cesse de dénoncer "un hold-up électoral", depuis l’annonce des résultats de la présidentielle camerounaise du 7 octobre 2018. Il était arrivé deuxième derrière le président Paul Biya. L’opposant camerounais revendique toujours la victoire. Il est porté par une vague de militants qui affirment vouloir se battre à ses côtés "jusqu’à la fin et jusqu’au sang", s'il le faut.
Le pouvoir de Yaoundé face à un dilemme
L'opposant camerounais n'est pas seul à séjourner au cachot. Plusieurs dizaines de militants de son parti, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun, ont été arrêtés pour avoir manifesté sans autorisation, le 26 janvier 2019, à son appel. Maurice Kamto est devenu l'ennemi public numéro 1.
"Il y a longtemps que le Cameroun n’avait pas eu un opposant de cette envergure. Il a démissionné du gouvernement, fait rare au Cameroun. Cela a été vécu par le président Paul Biya comme une attitude de défiance personnelle", fait remarquer Hans de Marie Heungoup, chercheur à International Crisis Group. Le politologue souligne que le pouvoir camerounais se trouve aujourd’hui face à un dilemme. "Si le pouvoir garde Maurice Kamto longtemps, cela pourrait plonger le pays dans une conjoncture politique nocive, envenimer davantage les relations entre communautés et, à terme, pousser les radicaux de son parti à des actions violentes à Douala et Yaoundé."
Amnesty International a aussitôt demandé la libération du chef du Mouvement pour la renaissance du Cameroun et des militants "arrêtés pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique". Ils avaient répondu à l’appel de leur leader de manifester dans tout le pays contre la réélection de Paul Biya, 85 ans, dont 36 passés à la tête de l’Etat.
Dans la configuration politique camerounaise d'aujourd'hui, Maurice Kamto est un homme à abattre
Hans de Marie Heungoup, chercheur à International Crisis Groupà l'AFP
Pour le pouvoir de Yaoundé, l’opposant Maurice Kamto a "franchi la ligne rouge" en lançant des appels à l’insurrection et à des manifestations non autorisées. Des accusations loin d’impressionner les militants de l’opposition. Ils se disent prêts à descendre dans la rue pour aller faire libérer Maurice Kamto. Ils sont persuadés que le pouvoir cherche à décapiter son parti.
"Maurice Kamto a fait des émules prêts à prendre le relais"
Toute l’opposition camerounaise tire la sonnette d’alarme contre ce qu’elle considère comme les dérives du pouvoir. La présidente du parti d’opposition anglophone Cameroon People’s Party, Kah Walla, interpelle les autorités camerounaises."En prenant la décision de répondre par la force et la violence à des problèmes politiques, les dirigeants de ce régime illégitime renforcent en réalité la détermination de tous ceux et celles qui ont soif de justice et de changement", avertit l’opposante anglophone dans les colonnes du journal Le Monde.
Une inquiétude que partage Claude Assira, avocat au Barreau du Cameroun : "Combien de temps peut-on tenir en tentant de contenir un peuple qui, à tort ou à raison, exige de s’exprimer pacifiquement ?", s’interroge-t-il. Attention, on trouve dans toutes les villes du Cameroun d’autres opposants comme Maurice Kamto, prêts à prendre le relais, observe-t-il.
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