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Nouvelle Constitution en Côte d’Ivoire: Ouattara en appelle au peuple

Le président Alassane Ouattara persiste et signe. Le projet de nouvelle Constitution ivoirienne ira au bout. Le peuple est invité à voter par référendum le 30 octobre 2016 pour trancher la polémique qui oppose Ouattara à ses adversaires politiques. Ils critiquent une dérive «monarchique du pouvoir» et menacent de descendre dans la rue.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le comité d’experts chargé de la rédaction de la nouvelle Constitution a remis son projet au président Alassane Ouattara (à gauche sur la photo), au cours d’une cérémonie le 24 septembre 2016 à Abidjan. (Photo AFP/Issouf Sanogo)

Il y a une semaine, un collectif de 15 ONG ivoiriennes et internationales avait appelé au report du référendum sur la nouvelle Constitution ivoirienne, estimant «qu’une importante proportion de la population est peu informée du projet et de ses motivations».
 
Cet appel est resté lettre morte. Le groupe d’experts chargé de rédiger le texte vient de remettre au chef de l’Etat ivoirien le projet de la nouvelle Constitution.
 
L’une des principales innovations concerne la création d’un poste de vice-président élu au suffrage universel direct, en même temps que le président de la République.
 
«En cas de vacance du pouvoir, le vice-président garantit la continuité de l’Etat d’une part et le respect du calendrier électoral d’autre part», a expliqué Alassane Ouattara. Pour l’opposition ivoirienne, il s’agit, ni plus ni moins, de préparer le terrain au futur successeur du chef de l’Etat qu’il choisira le moment venu.
 
«La Côte d’Ivoire danse sur un volcan»
Le Front populaire ivoirien, le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, a été le premier à réagir en appelant à des manifestations de rue dès la fin du mois de septembre pour faire échec à ce projet du président Ouattara.
 
«C’est un autre mandat présidentiel qu’il veut s’octroyer. Parce que, qui dit nouvelle Constitution, dit troisième République. Soyons donc vigilants pour s’opposer à cette mascarade», a aussitôt dénoncé Abou Drahamane Sangaré, fidèle ami et compagnon de lutte de Laurent Gbagbo. Pour lui, «la Côte d’Ivoire n’est plus sur des braises, elle danse sur un volcan».

Fin juin, 23 partis d’opposition, dont le Front Populaire Ivoirien, ont adopté une déclaration commune refusant le référendum constitutionnel. Ils critiquent une dérive monarchique du pouvoir.
 
«Nous considérons que le projet du chef de l’Etat est porteur de graves divisions et qu’il contribuera à créer, dans les semaines et mois à venir, de fortes tensions dans ce pays. Nous ne souhaitons pas que cette Constitution, au lieu d’être une Constitution nationale, soit en fait le testament du chef de l’Etat», a martelé Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien.
 
L’opposition ivoirienne a réclamé, en vain, la convocation d’une assemblée constituante. Elle critique d’autres dispositions annoncées par Alassane Ouattara comme la création d’un Sénat et d’une Chambre des rois dans une période de vaches maigres pour le budget de l’Etat.

Le président du FPI, Pascal Affi N’Guessan, le 25 octobre 2015 à Abidjan. Le chef de l’opposition ivoirienne menace d’appeler à des manifestations pacifiques à Abidjan si Alassane Ouattara ne recule pas. (Photo AFP/Sia Kambou)

Suppression de l'article 35, assimilé à l'ivoirité
La réforme constitutionnelle qui fait polémique est venue remettre à jour la question de «l’ivoirité». Le nouveau texte devrait supprimer l’article 35 qui a fait débat dans le pays.
 
L’article 35 de la loi fondamentale votée en 2000 stipule qu’un candidat à la présidentielle «doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d’origine». Cet article avait été à l’origine de la mise à l’écart d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle d’octobre 2000. Il est considéré comme l’élément déclencheur des différentes crises qui ont secoué le pays.
 
«Si nous voulons tourner définitivement la page de notre passé, il nous faut en tirer des leçons, il nous faut écrire de nouvelles pages de notre histoire», explique Alassane Ouattara.
 
Quant à la création d’un poste de vice-président élu au suffrage universel présentée par l’opposition comme une «dérive monarchique d’Alassane Ouattara en vue de choisir son successeur», le pouvoir estime qu’il s’agit tout simplement d’un procès d’intention fait au chef de l’Etat.
 
«Avoir un vice-président, ce n’est pas mauvais. Ça se passe aux Etats-Unis, pourquoi pas en Côte d’Ivoire?»interroge Joel N’guessan, porte parole du RDR (parti au pouvoir). Et d’ajouter: «Au Ghana, ils ont un vice-président. Au Nigeria, ils ont un vice-président. Alors vraiment, je trouve que les arguments aujourd’hui avancés par l’opposition sont puérils. C’est de l’opposition pour faire de l’opposition.»
 
Les détracteurs d’Alassane Ouattara lui prêtent aussi l’intention de vouloir supprimer la limite d’âge d’éligibilité pour se maintenir au pouvoir. Des accusations balayées par son entourage.
 
«Quand un président est travailleur, après dix ans, il n’a plus rien à prouver. Le président a dit ne pas être intéressé par un troisième mandat et il insiste toujours là-dessus», assure Cissé Bacongo, ancien ministre et membre du comité d’experts qui a rédigé la nouvelle Constitution.
 
Le chef de l’opposition ivoirienne, Pascal Affi N’guessan, a prévenu : «Si jusqu’à fin septembre, il n’y a pas de solution à nos préoccupations, nous descendrons dans la rue jusqu’à ce que Ouattara recule.»
 
Le nouveau texte sera examiné par le conseil des ministres jeudi 28 septembre, puis présenté au Parlement le 5 octobre, a annoncé Alassane Ouattara. Il demandera ensuite aux Ivoiriens de se prononcer par référendum le 30 octobre.

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