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Affaire Rokia Traoré : le feuilleton judiciaire se poursuit

L'artiste malienne est en conflit avec son ex-compagnon à propos de la garde de leur enfant.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
La chanteuse malienne Rokia Traoré, le 24 mai 2015, lors de la clôture du Festival de Cannes.  (VALERY HACHE / AFP)

La chanteuse Rokia Traoré ne pourra plus faire appel en Belgique dans l’affaire qui l’oppose au père belge de son enfant à propos de sa garde. Cette possibilité vient de lui être refusée par la Cour d'appel de Bruxelles par une décision du 30 mars 2020, rendue publique le 4 mai. Son "droit à l’appel" lui a été enlevé en raison de son absence au procès, explique à franceinfo Afrique son avocat Me Kenneth Feliho. Elle n'a pas pu se présenter à l’audience à laquelle elle se rendait, quand elle a été arrêtée en France le 10 mars.

"Déchue de son droit d'appel" en Belgique

Les juges belges ont considéré dans leur décision, précise Me Kenneth Feliho, que "si ma cliente n’était pas là, c’était de son propre fait parce qu’elle aurait dû ramener l’enfant d’abord pour éviter l’émission d’un mandat d’arrêt européen. Si elle a été arrêtée le matin (de l'audience, NDLR), c’est sa propre faute. On ne peut donc pas considérer que c’est une circonstance exceptionnelle. Pour cette raison-là, elle a été déchue de son droit d’appel."

Rokia Traoré est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen lancé par la Belgique pour "enlèvement, séquestration et prise d'otage" de sa fille de cinq ans, parce qu'elle ne l'a pas remise à son père, que l'artiste accuse d'attouchements sexuels. Un jugement en Belgique, rendu en 2019, l'y contraint pourtant. Il stipule notamment que la fillette "(doit) rester principalement chez son père", indique une tribune publiée le 20 mars 2020 dans Libération par Valérie Schippers, Sven Mary et Frank Berton, les avocats de Jan Goosens, l’ex-compagnon de Rokia Traoré.

Ils y expliquent également pourquoi la chanteuse avait été arrêtée en mars à Paris, tout en rappelant qu'elle l'avait déjà été fin novembre 2019. "La justice française lui (avait alors) accordé une durée de deux mois pour résoudre tous les problèmes en Belgique. Le 22 janvier 2020, le juge d’instruction belge lui a accordé un mois supplémentaire à condition qu’elle se présente en Belgique avec sa fille. Cette condition, acceptée par Mme Traoré, a de nouveau été violée. C’est exactement pour cette raison-là que Mme Traoré s’est retrouvée en prison la semaine dernière."

Quant aux attouchements sexuels, les avocats de Jan Goosens indiquent dans leur tribune que "l'accusation, que (leur) client avait niée fermement dès le départ, a été classée".

Une décision en faveur de Rokia Traoré au Mali

Cependant, plusieurs autres plaintes ont été déposées en France et au Mali où Rokia Traoré a obtenu la garde de sa fille. Les avocats de Jan Goosens objectent que c'est "une ordonnance temporaire"  et "que la procédure au Mali n'a été entamée qu'après les jugements des tribunaux belges et après l'émission du mandat d'arrêt". 

"Comment la France et la Belgique ne peuvent pas tenir compte d’un jugement rendu par les autorités maliennes ?", interroge pour sa part Kenneth Feliho, selon qui la justice malienne est compétente, conformément aux règles en vigueur, pour statuer sur cette question, puisqu'il a été démontré que l'enfant réside dans ce pays.

Et d'ajouter : pour les personnes "qui sont non-belges et d’origine étrangère à la Belgique, qu’elle soit homme ou femme, lorsqu’elles sont en couple (…), il y a une catégorisation structurelle qui fait que l’enfant est remis systématiquement au conjoint belge. Mais (dans cette affaire), c’est d’autant plus marqué (que Jan Goosens) appartient à une famille importante (…). C’est un célèbre dramaturge qui a été pendant longtemps directeur du Théâtre royal de Bruxelles. Ce n’est pas rien. C’est un poids dans la culture belge, c’est un poids dans la bourgeoisie belge. C’est quelqu’un qui compte."

Un mandat d'arrêt européen contesté en France

Aujourd'hui, la défense de l'artiste malienne dit "ne pas être étonnée" par la dernière décision en date de la justice belge et elle compte "se pourvoir en cassation comme ici (en France)". Rokia Traoré y a été libérée sous contrôle judiciaire "sans caution et sans bracelet", affirme son avocat, depuis le 25 mars 2020. "Elle est libre. La France ne peut donc pas exécuter le transfèrement vers la Belgique pour l’instant", poursuit-ilSur le territoire français, la chanteuse malienne s’attelle à contester le mandat d’arrêt européen qui comprend "pas mal d’incohérences", selon Kenneth Feliho

"On ne peut pas transformer du jour au lendemain une non-représentation d’enfant en enlèvement, séquestration et prise d’otage (…) Ces incriminations pénales ont été cochées par le juge belge pour faire rentrer la non-représentation d’enfant dans les critères pour émettre le mandat d’arrêt européen. La non-représentation d’enfant n’est pas en principe une infraction qui permet de le faire. Il y a une torsion délibérée du droit qui est préjudiciable." Un recours en cassation a été déposé sur cette base le 27 mars. La cour a normalement 40 jours pour y répondre. Un délai prorogé d’au moins 15 jours en raison du Covid-19, indique la défense de l’artiste. "Nous sommes en face d'une femme qui se bat, qui en est presque à sa dixième procédure judiciaire", fait savoir l'avocat de Rokia Traoré.

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