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Dans les yeux du photographe franco-angolais Marcelo Nlele

Marcelo Nlele voulait travailler dans l'aviation. Il est devenu photographe. Politique, sport, mode ou encore cinéma, il déploie son appareil sur tous les terrains. Depuis 2002, date à laquelle il a commencé à couvrir le Festival de Cannes, il plane au milieu des stars et est devenu dans son domaine le seul (ou presque) représentant du continent africain sur la Croisette.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le photographe Marcelo Nlele dans la cour de l'Elysée le 16 juillet 2018 (Presscrea)

Un photographe noir a réalisé le cliché de la couverture du Vogue américain, une première en 126 ans. Et ce grâce à l'artiste américaine Beyoncé, rédactrice en chef du numéro de septembre 2018. Cette anecdote pourrait faire écho au parcours cannois du photographe de presse franco-angolais Marcelo Nlele.

Depuis sa première accréditation en 2002, il est le seul Noir, et certainement l'un des rares photographes africains à couvrir officiellement l'évènement. «Au début, ça faisait bizarre mais on finit par s’habituer», confie Marcelo Nlele. 

Ses confrères journalistes, originaires du continent, le repèrent d'ailleurs très vite et Marcelo Nlele, bienveillant car il a l'oeil pour repérer les petits nouveaux, devient parfois leur guide sur la Croisette où il a ses entrées. Marcelo Nlele a vu le jour en Angola et il est arrivé en France en 1989. Coquet, il ne dévoile pas sa date de naissance.

La photographie, «un don»
C'est dans l’Hexagone qu'il apprend son métier dont il dit: «C’est le don que Dieu m’a donné». Pourtant, la photographie n'a pas toujours été son premier choix. «Quand j’étais jeune, je voulais travailler dans l’aviation. Réparer les avions. Mais je n’ai pas pu, faute de moyens. C’était très cher ! La photo aussi d’ailleurs.» Mais ce sera quand même la photographie. Il s'inscrit à l'Efet, une école parisienne spécialisée dans l'audiovisuel. Au bout de quatre ans, il obtient son diplôme en 1995.

Pour payer ses études, il a fait des petits boulots et l'un d'eux lui a permis de rencontrer Jean Bertolino, alors présentateur du magazine 52 sur la Une (TF1). Le journaliste fait ses achats dans le supermarché où il travaille. Ils parlent de l'Angola et du fait que Marcelo se forme à la photo. Une fois que ce dernier a son diplôme en poche, le grand reporter lui apporte une aide précieuse avec son carnet d'adresses qui conduira Marcelo Nlele vers l'agence de presse Sipa. Le directeur de la structure lui offre d’ailleurs dix films Kodak. «Quand tu auras des évènements...», lui dit-il. «Nous étions en 1995, c'était la grande grève contre le plan Juppé», se rappelle Marcelo Nlele. 

Quatre ans plus tard, il débarque pour la première fois sur la Croisette. C'est un ami qui lui parle du Festival. Il revient à Cannes les deux années suivantes. En 2001, il réalise le portrait d'une icône hollywoodienne. C'était «une photo de Jack Nicholson au Majestic», confie Marcelo Nlele. «Elle avait été vendue en Espagne par l’agence Sipa». C'est le premier cachet du photographe de presse. 

L'histoire de ce cliché résume bien le tempérament de Marcelo Nlele. L'homme est sympathique et réussit à se faire des amis partout, accédant ainsi aux mileux les plus fermés. Dans son métier, c'est plutôt un avantage. C'est ainsi qu'il réussit à prendre en photo l'acteur américain dans les murs du prestigieux hôtel cannois. Depuis, il est l'un des rares photographes à avoir l'autorisation d'y travailler. Marcelo Nlele collabore également avec l'un des plus gros partenaires du Festival de Cannes depuis quelques années. 

La route a été longue pour celui qui s'est offert des cours de français en accéléré. Marcelo Nlele se souvient de ses débuts: «J’étais impressionné de rencontrer tous ces grands photographes qui couvrent les plus gros évènements de la planète. Il faut savoir qu’après les JO, c’est le Festival de Cannes. Cannes, c'est la capitale mondiale du cinéma». En réalité, Marcelo Nlele ne se laisse jamais vraiment impressionner. Sa devise pourrait être: «oser»


Le comédien Antonio Banderas et le réalisateur Pedro Almodovar à Cannes en 2011 (Marcelo Nlele/Presscrea)


«Il faut attirer leur attention»
Une qualité qui paie quand on couvre le Festival de Cannes qu'il considère comme une «vitrine» professionnelle. Il faut capter l'attention des stars quand on est dans un parterre de photographes qui ont justement leur objectif braqué sur elles. Quelques-uns de ses plus beaux clichés, ceux d'un Maradona (ancien international argentin) et son ballon doré, d'un Antonio Banderas (acteur espagnol) aux côtés de Pedro Almodovar (cinéaste espagnol) ou encore plus récemment de John Travolta (comédien américain) qui prend en photo les photographes, en attestent.

Ce n'est pas pour rien que le cinéma a attiré ce photographe qui ne vous explique jamais vraiment son tropisme pour le septième art. Au fond, cela est peut-être dû à une affinité artistique: Marcelo Nlele est un metteur en scène, comme en témoigne ces clichés et la façon dont il les obtient. Le photographe interpelle souvent ses futurs sujets, et ce dans toutes les langues. Quand ces derniers se prêtent au jeu, le furtif dialogue qui s'installe donne naissance à un moment qui sera capturé pour la postérité.  

Le photographe Marcelo Nlele remet son appareil au comédien John Travolta en mai 2018 lors d'un photocall du Festival de Cannes. (Christophe Aubert )

Le comédien John Travolta utilise l'appareil remis par le photographe Marcelo Nlele pour prendre en photo les photographes qui le mitraillent en mai 2018 lors d'un photocall du festival de Cannes.  (Marcelo Nlele/Presscrea)

Cette méthode, il l'applique à tous les univers où il est appelé à exercer son métier. En 2011, il couvre le G20 et un certain Barack Obama, l'ancien président américain, y participe. «Quand il est arrivé. Je l’ai interpellé en anglais et il s’est retourné. Les photographes qui étaient autour de moi, dont un qui couvre également Cannes, m’ont demandé pourquoi je l’avais appelé. Je lui ai dit que c’est ce qu’il fallait faire. "Les présidents, c’est comme toi et moi. Il faut attirer leur attention", lui ai-je répondu. J’ai donc interpellé Barack Obama. Il s’est retourné et nous avons tous pris de bonnes photos»

L'univers du photographe s'étend ainsi à la politique, à la mode et au sport. «Je suis généraliste. Un terme qu’on utilise souvent pour les médecins. Mais, moi, je suis généraliste en images», souligne-t-il avec malice. Récemment, le photographe de presse immortalisait les Bleus reçus à l'Elysée par le président français Emmanuel Macron après leur victoire au Mondial en Russie en juillet 2018. Auparavant, en mai, il avait photographié João Lourenço, le président de son Angola natale lors de sa visite officielle en France. La chancellerie angolaise à Paris fait souvent appel au fils du pays. 

Le président angolais, João Lourenço, à l'Elysée en mai 2018 (Marcelo Nlele/Presscrea)

Marcelo Nlele a créé sa propre agence, Presscrea, en 2001. Une structure qui lui a offert la possibilité de publier deux ouvrages inédits sur le Festival de Cannes. Un troisième est en préparation. «Je suis le propriétaire de mes photos. Contrairement à beaucoup de photographes qui doivent demander l'autorisation de leurs agences s'ils souhaitent faire un livre». Certaines de ses photos ont été exposées dans des lieux aussi insolites que les aéroports parisiens ou les locaux d'un grand groupe bancaire français. Partout, Marcelo Nlele déroule sa pellicule. 












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