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Rencontres de Bamako: Afrotopia, nouveaux imaginaires de l’Afrique contemporaine

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié
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Afrotopia, en écho au livre de Felwine Sarr, est le nom de la 11e édition des Rencontres de Bamako, biennale africaine de la photographie. Les diverses manifestations (photos, vidéos, arts numériques): Exposition panafricaine, Remix de l’indépendance, Histoires récentes, Afrofuturisme ou encore La Vie selon James Barnor, sont autant de témoignages d’un continent en pleine mutation.

L’exposition panafricaine, projet artistique central de cette édition 2017 (du 2 décembre au 31 janvier 2018), présente 40 projets qui invitent à réfléchir "aux ressorts du futur, à révéler les espaces du possible en germe dans les réalités contemporaines africaines. Qu’ils situent leurs propositions artistiques aux confins de récits autobiographiques, dans des fictions ou dans des narrations en prise immédiate avec l’actualité, les visions qu’ils nous livrent épousent les mouvements souvent chaotiques du réel", explique Marie-Ann Yemsi, commissaire de l’exposition.

"Cette dernière édition est profondément ancrée dans les transformations d’une Afrique qui se renouvelle au quotidien, une Afrique tournée vers un avenir qu’elle invente à partir de ses propres expériences", ajoute Pierre Buhler, président de l’Institut français qui, aux côtés du ministère de la Culture du Mali, l’inaugure.

Franceinfo Afrique vous propose de découvrir 20 photographes en herbe ou de renom dont certains découverts à Bamako sont aujourd’hui exposés dans des manifestations phares sur le continent africain et à l’international.

«"Une image vaut mille mots". Ces mots, attribués au philosophe Confucius, prennent tout leur sens lorsque l’on regarde, ou plutôt que l’on admire, les photos de l’artiste complet King Massassy. Comédien, auteur, rappeur, King Massassy a démarré depuis près de deux ans un nouvel art: celui de capter, de figer en numérique les plus belles scènes de la vie africaine.
Avec un leitmotiv évident, le désir de montrer une autre Afrique que celle généralement préférée des médias internationaux. Sur les photos de King, pas de misère, pas de pitié», explique le site Afrikakom.
  (Fototala King Massassy )
Baudoin Mouanda est membre du Collectif Elili et de l’association Afrique in visu. Ayant commencé, dès l’âge de 13 ans, le photoreportage, il continue à réaliser ses clichés par l’attrait de l’interaction entre la lumière et l’observation des mutations de la société. «C’est un projet réalisé en vue de la prise de conscience de l’amélioration des conditions de l’électrification en Afrique. (…)  Le manque d’électricité est un frein au développement et incite plusieurs jeunes à migrer vers les villes où la lumière brille en permanence à la recherche d’un futur meilleur» raconte le photographe.  (Baudouin Mouanda )
Sibusiso Bheka est un jeune  photographe né en 1997. Soutenu par Rubis Mécénat, il travaille sur les townships de son pays. Il y décrit l’environnement nocturne dans un langage cinématographique. Sa série sur les murs érigés autour de Thokoza, le township où il a grandi est une réflexion sur l’enfermement, la peur, la limite qui empêche d’aller vers l’autre. (Sibusiso Bheka )
Youcef Krache, né à en 1987 à Constantine, est un photographe autodidacte qui vit et travaille à Alger. Ses photos mettent souvent en scène des espaces, paysages et personnages urbains.
Il a durant trois ans, avec sa série «20 cents», assisté à une centaine de combats de moutons, une pratique illégale et pourtant répandue dans le nord-est de l’Algérie.
  (Youcef Krache)
Le photographe revient sur une histoire restée dans sa mémoire depuis son enfance. Au départ, tout est parti d’une image présente dans sa famille: le «roi Lune», nom donnée par les Marocains au roi Mohammed V. Son travail fait revivre une «hallucination collective» de 1955, quand les Marocains ont cru «qu’ils avaient vu le visage de leur futur roi dans la Lune. En réalité, les nationalistes marocains, qui travaillaient dur pour éjecter la France de leur pays, avaient réussi à monter un coup médiatique, en demandant aux gens de regarder une photo du roi puis de tourner leur regard vers la Lune. Ceci créait un effet d’optique leur donnant l’impression qu’ils voyaient vraiment son visage dans l’astre. Permettant de bâtir un mythe et contribuant à le porter au pouvoir.» Cette démarche est une réflexion sur le culte de la personnalité, comment sont bâtis des mythologies, la manipulation politique. (Mounir Fatmi)
«B as Bouchentouf» est une série bouleversante où le photographe suit son cousin né en 1996, diagnostiqué avec une maladie mentale. Obligé de quitter l'école après deux années d'études dans une école primaire, il a perdu son père à l’âge de 5 ans. Entre documentaire et narration biographique, ce travail donne à réfléchir sur le manque de structure pour accueillir les malades et le rejet par la société dont ils sont victimes. (Fethi Sarhaoui)
Georges Senga est né en 1983 à Lubumbashi. «Mon projet parle de valeur. Dans cette valeur, je vois la mémoire en relation avec les situations. Et ces situations font référence à l'envie de garder ou de perdre quelque chose. (…) Mon travail concerne principalement les questions d'identité, de patrimoine et d'histoire. Ces trois problèmes sont liés à une idée de «mémoire» - le souvenir de qui nous sommes, de ce que nous avons et d'où nous venons», précise le photographe.

 (Georges Senga)
Mai El-Shazly, Yvonne Buchheim, Magdalena Kallenberger, Hagar Masoud, Nadia Mounir et Omneia Naguib font partie de Cairo Bats, un collectif de femmes photographes cairotes. Avec le projet «The Roof»,  elles interrogent l’espace public/privé, le visible/l’invisible. Les toits de bâtiments autour du Caire est peut-être le seul endroit où les femmes sont libres. Ce travail questionne sur la place de la femme dans l’Egypte, une réflexion sur les questions de genre. (Cairo Bats)
Les clichés d’Eric Gyamfi racontent la communauté LGBT d'Afrique de l'Ouest. La photographie est une forme d’activisme, un moyen de dialoguer sur l’autonomie des minorités «queer» et une réflexion sur la différence en Afrique.  (Eric Gyamfi)
La photographe est originaire du township de Soweto, le plus grand d'Afrique du Sud. Plastic Crowns représente une série d’autoportraits dans un intérieur de township. L’esthétisme des  photos donne à ce journal intime une remarquable force émotionnelle. A travers ses propres expériences, elle évoque la vie, la sexualité des femmes et ainsi brise les tabous sociaux. (Phumzile Khanyile and Afronova Gallery, Johannesburg)
Sarah Waiswa est une photographe ougandaise établie au Kenya et sa série «Stranger in a Familiar Land» parle de la difficulté de vivre en Afrique en tant que personne persécutée. «Ce projet regroupe plusieurs portraits d’une femme albinos photographiée dans le bidonville de Kibera et illustre ma vision tourmentée du monde extérieur. La série témoigne du quotidien d’une albinos confrontée aux dangers liés aux rayons du soleil et à la société. Elle montre également comment son sentiment de non-appartenance l’a plongée dans un état second, de semi-conscience. Mon souhait est que ces images génèrent une réflexion sur l’albinisme, qu’elles incitent les gens à interroger leurs propres croyances et à prendre conscience des souffrances vécues par les albinos», raconte la photographe lors des rencontres d’Arles en 2017 où elle a reçu le Prix Découverte. (Sarah Waiswa)
«Artiste phare de la scène sud-africaine, Athi-Patra Ruga est né à Umtata en 1984. Il vit et travaille entre Johannesburg et Le Cap. Ses performances vidéos, photographiques et ses créations textiles questionnent les notions d’identité, d’aliénation, de symbiose entre le corps et l’esprit» écrit «Le Monde Afrique».
  (Athi-Patra Ruga and WHATIFTHEWORLD/Gallery, Cape Town/Johannesburg)
La série Kilamba Kiaxi est une monographie qui pose le problème des enjeux et conséquences de l’urbanisation à marche forcée du continent par la Chine. Elle est centrée sur une ville située à 25 kilomètres de Luanda, en Angola, qui doit accueillir plus de 250.000 personnes et constituer le plus grand projet d'investissement de la Chine en Afrique (3,5 milliards de dollars). «Après la fin de la guerre civile en Angola en 2002, Luanda était devenue une mini-version africaine de Dubaï où l’argent du pétrole coulait à flots. Mais aujourd’hui, nombre de bureaux neufs restent vacants. Malgré la baisse vertigineuse du kwanza, la monnaie locale, la capitale angolaise reste la deuxième ville la plus chère du monde, derrière Hongkong, selon l’étude du cabinet américain Mercer» précise «Le Monde».  (Michael MacGarry)
Ce travail raconte le quotidien des étudiantes dans les écoles et les universités pendant l'insurrection de Boko Haram au nord-est du Nigeria en 2009. Boko Haram que l’on peut traduire par «l’éducation occidentale est un péché» est un mouvement insurrectionnel qui prône une idéologie salafiste djihadiste. Il a pour objectif d'instaurer un califat et d'appliquer la charia. Des centaines d’écoles ont été détruites, beaucoup sont fermées. En  avril 2014, près de 300 lycéennes ont été kidnappées par Boko Haram qui, depuis, a prêté allégeance à l'Etat islamique. Comment surmonter la peur, comment continuer à étudier, comment faire acte de résistance sont les questions soulevées par Rahima Gambo. (Rahima Gambo)
Cette série pose la question des mutilations génitales et plus largement l’asservissement des femmes. «Née à Luanda, en Angola, Keyezua est diplômée de la Royal Academy of Arts de La Haye. Consciente des attentes performatives de la féminité, Lola Keyezua s’attache à déconstruire les cadres de la beauté, de la féminité, de la sexualité. Briser les codes attendus des cultures africaines, rompre les silences à l’égard de l’Art Africain et développer une nouvelle vision de l’Afrique, font partie de ses propositions artistiques», précise Afriscope/Africultures sur Facebook. (Lola Keyezua)
Né en 1989, Christian Sanna, originaire de Madagascar, est un photographe indépendant qui  vit et travaille à Toulouse. Avec ce récit sur un sport de combat où l’adversaire n’est pas un ennemi, il parle d’une tradition qui aujourd’hui continue de se développer chez les jeunes, d’une philosophie tournée vers la solidarité qui doit perdurer. «A l'origine, le Moraingy est un sport de combat traditionnel. Pratiqué par les Sakalava (ethnie côtière de Madagascar), il était utilisé comme jeu, comme moyen de se défendre, et comme un entraînement à la guerre. Les combats ont lieu le dimanche après-midi et les jours de fête. Ici, le fair-play est de mise et l'adversaire n'est pas vu comme un ennemi mais un moyen de se construire. Ainsi, ce sport nous montre le Fihavanana, concept de solidarité et d'amitié très présent dans la culture Malgache», raconte le photographe.  (Christian Sanna)
Le photo-reporter tunisien «arpente la région à la fois comme une terre connue et comme un territoire étranger. Des gisements de Redeyef aux mines de Métlaoui et aux collines d’Oum El Araies, c’est le visage fatigué mais résistant d’une terre qui ne l’est pas moins qui donne chair à ce projet, précise le site Nawaat. Il aborde avec «West of Life», les cicatrices qu'ont laissé ces lieux, sur les habitants.
  (Zied Ben Romdhane)
«Exilé politique durant de longues années en Belgique, Teddy Mazina choisit à son retour de s’engager en tant que photographe dans le débat démocratique au Burundi. Toujours en noir et blanc, ses photos, à la fois simples et de grande qualité artistique, constituent des archives exceptionnelles de la vie sociopolitique de son pays. Activiste de la mémoire, Teddy nous offre des images parfois poignantes, parfois festives mais surtout éclairantes sur le Burundi d'aujourd'hui, encore convalescent, balloté entre espoir et déception», explique le site Aficalia. Un livre de ce travail a été édité en 2015 par Africalia Editions & Stichting Kunstboek. (Teddy Mazina)
Délio Jasse installé à Lisbonne dans les années 2000 découvre au marché aux puces une centaine de photos d’une famille portugaise vivant à Nampula, au Mozambique, dans les années 60. Le Mozambique, alors colonie portugaise, est devenu indépendant en 1975.  Délio Jasse s’aperçoit qu’à de très rares exceptions, aucune personne noire ne figure sur les clichés. A partir de là, l'artiste va entreprendre ce travail où il entremêle ces photos avec des archives de l’époque (paperasse officielle, timbres bancaires…) pour reconstituer une histoire au sein d’une autre  histoire. Ce travail conceptuel fait le lien entre photographie et mémoire, et interroge indirectement le processus d'archivage et la manipulation de l’histoire.    (Délio Jasse and Tiwani Contemporary, London)
Né en 1929 au Ghana, James Barnor est un pionnier de la photographie ghanéenne.  L’exposition «La Vie selon James Barnor» propose une lecture transversale autour d’axes importants de son œuvre, choisis par l’artiste lui-même. «L’exposition cherche à dépasser une classification rhétorique de quarante ans de photographies et s’inspire en particulier des dernières photographies au Ghana dans les années 1970-80. Très peu étudiées jusqu’à présent, elles apparaissent comme le symbole de l’accomplissement de son œuvre qui se caractérise par une apparente légèreté, une liberté et une joie de vivre qui serait aussi celle de son sujet photographié», explique Clémentine de la Féronnière, commissaire de l’exposition, galeriste et éditrice. James Barnor vit aujourd’hui au Royaume-Uni et consacre la plupart de son temps à la diffusion de son travail, dans un esprit de transmission. (James Barnor, Courtesy galerie Clémentine de la Féronnière)

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