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Salim Bachi: «Le cinquième mandat est affligeant pour l’image de l’Algérie»

L’écrivain Salim Bachi a reçu le Prix Renaudot Poche 2018 pour son livre «Dieu, Allah et moi» (éditions Gallimard). Le dynamiteur de la littérature algérienne est un habitué des prix littéraires. En 2001, son livre «Le chien d’Ulysse» (Gallimard) a raflé le prix Goncourt du premier roman. Il revient cette année avec «L’exil d’Ovide» (Lattès). Entretien avec un écrivain atypique, lucide.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
L'écrivain algérien Salim Bachi, lauréat du Renaudot Poche 2018 (Photo 2003) (Ulf Andersen / Aurimages )

Vous avez été sélectionné l’année dernière pour le prix Renaudot. Vous venez de recevoir celui du Renaudot Poche 2018 pour «Dieu, Allah et les autres». Pas trop déçu?
Très heureux au contraire. Le destin d'un livre est d'être lu quelles que soient les circonstances. J'espère qu'il parviendra aux jeunes Algériens, ce livre leur est destiné et si le prix permet une plus large diffusion, j'en serai heureux.

Dans votre livre «Dieu, Allah et les autres», vous évoquez votre rapport à la religion, à la langue arabe, un rapport assez violent…
Oui à l'image du système scolaire algérien des années 70 où l'enseignement se faisait dans la contrainte et la violence. Il est normal que mon rapport à la langue arabe et à la religion en ait été marqué au point que j'ai perdu tout intérêt pour cette langue arabe et que je sois devenu incroyant plus tard. Enfant, l'apprentissage d'une langue qui ne ressemblait en rien à celle que je parlais en famille ou dans la rue et dont la seule référence était le Coran me paraissait absurde. De plus, les enseignants d'arabe passaient leur temps à nous frapper, faisant régner dans la classe un climat de terreur. Je pense que toute une génération, la mienne, a été abîmée par cet enseignement fait d'intimidation et de contrainte. Alors oui Dieu, Allah, moi et les autres est une réponse de l'adulte à cet enfant apeuré, une manière de le soigner peut-être.

Dans votre dernier livre «L’exil d’Ovide» (éditions Lattès), vous évoquez le déracinement, la solitude… Vous-même, vous avez quitté votre pays, l’Algérie, il y a près de 20 ans.  Vous dites: «L’exil est ce ressassement de la perte. Il n’y pas de retour possible pour celui qui a abandonné son lieu de naissance de gré ou de force»… Arrive-t-on réellement à faire le deuil de son passé?
Non, on ne fait jamais le deuil de rien. On vit avec, on continue, il faut continuer comme le disait si bien Beckett. C'est la passion de l'écriture qui me tient et se nourrit de cette tristesse.

L'élection présidentielle en Algérie se déroule dans moins de six mois avec un possible 5e mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika. Suivez-vous l’actualité algérienne? 
Oui je la suis, mais je ne vis plus en Algérie, alors ma parole n'a pas grande importance. Quant au 5e mandat, c'est affligeant, pour l'Algérie, pour sa jeunesse, pour l'image que nous donnons de notre pays dans le monde. 

Politique fiction: si vous deviez succéder au président Bouteflika, quelles seraient vos trois premières mesures?
Je me ferais assassiner dans les six mois. Alors ne parlons pas de malheur.

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