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"Street Art Africa", une véritable encyclopédie du graffiti
Publié le 23/10/2020 09:16
Mis à jour le 18/02/2021 15:08
Temps de lecture : 1min
Le livre de Cale Waddacor nous plonge dans l’histoire passionnante du street art africain.
A travers un texte très documenté, de nombreux entretiens d’artistes, la présentation des principaux festivals et des différentes techniques, Street Art Africa de Cale Waddacor raconte l’histoire d’une contre-culture devenue "une des formes d’art les plus pertinentes de notre époque ". Une imposante iconographie avec plus de 500 images illustre ce récit.
Aujourd’hui, aux quatre coins du continent africain, sur les murs des centres urbains, des zones rurales, les street artistes impriment leurs messages. En affirmant leur identité culturelle et leur talent, ils se sont hissés au niveau des "stars" du street art mondial. "Les gribouillages et dessins peu aboutis ont cédé la place à des fresques complexes et des œuvres engagées ", déclare l’auteur.
Le livre Street Art Africa est paru aux Editions Gallimard, collection Alternatives .
A l’intérieur de la grotte de Lascaux, des cathédrales d’Europe, des pyramides d’Egypte… les humains ont toujours raconté leur vie, celle de leurs héros ou de leurs dieux en écrivant et dessinant sur les murs. Avec l’arrivée du livre et d’autres moyens d’expressions, cette pratique s’est peu à peu perdue au fil des siècles. Il a fallu attendre les années 1960 pour la voir réapparaître à grande échelle sous forme de graffitis dans les rues américaines. Très fortement lié à la culture hip-hop, le dessin mural a pris définitivement son essor dans les années 1980 et envahi le continent africain comme le reste du monde. (SITOU)
Très vite les jeunes Africains se sont emparés de ce moyen de communication et ont transformé certaines zones des grands centres urbains en véritables musées à ciel ouvert. "Mais la tâche était ardue car ils avaient très peu de références dans leur espace public, dans leurs rues, et ils manquaient encore plus cruellement de technologies modernes et de matériel artistique. Les pionniers africains du graffiti ont tenu bon grâce à leur enthousiasme, à leurs capacités d’adaptation et à leurs expérimentations tous azimuts. Ils ont développé, ces trente dernières années, un mode d’expression qui trouve sa maturité aujourd’hui, sous nos yeux", précise Cale Waddacor. (AMMAR ABO BAKR)
Au fil des ans, de nombreux festivals ont vu le jour lors desquels de grands noms américains et européens sont venus apporter leur savoir-faire. Et malgré le manque de moyen et la piètre qualité des produits, les artistes ont pu et su développer cette technique dans les zones rurales. Beaucoup ont profité de ce moyen d’expression pour informer, éduquer, créer un véritable dialogue avec les populations et contribuer ainsi au progrès social. (2020 PHOTOGRAPHES INDIVIDUELS)
En Afrique du Nord, la calligraphie arabe est très présente dans le street art, que l’on nomme souvent "calligraffiti". Et les graffeurs sont reconnus comme de véritables artistes. La guerre civile des années 1990 en Algérie et les Printemps arabes (2010-2012) ont permis à de nouveaux talents de s’exprimer et ainsi de faire passer des messages souvent politiques. Aujourd’hui, les murs sont devenus de véritables tribunes pour exprimer le mécontentement et la colère des populations face aux gouvernements. Et le graffiti permet d’aborder des thèmes comme le chômage, la corruption ou encore la répression. (SADIK)
En Afrique de l’Ouest, les artistes veulent amener de "la beauté dans l’espace public et faire du street art un important facteur de cohésion sociale (…), embellir leur environnement et promouvoir un graffiti positif ", précise l’auteur. Très loin du vandalisme, le graffiti permet de créer un dialogue et d’aborder des thèmes comme la santé, l’éducation, le féminisme. Voulant être reconnus sur la scène internationale, les artistes participent à de nombreux festivals à l’étranger. Au Ghana, le Chale Wote Street Art Festival ou encore le Ghana Graffiti attirent les foules. Ils sont un véritable tremplin pour de nombreux jeunes. Mohammed Awudu (surnommé Moh), aujourd’hui reconnu dans le monde entier, est devenu un représentant incontournable du street art africain et le Ghana, une référence incontournable de la scène artistique africaine. (MOH AWUDU)
En Afrique australe, l’Afrique du Sud domine largement l’art du graffiti. Souvent inspirés par les tendances du street art mondial et de la culture hip-hop très présente dans le pays, les artistes ont acquis une notoriété internationale. Pendant l’apartheid, peindre sur les murs pouvait vous emmener directement en prison. Mais après son abolition en 1991, les Cape Flats (bidonvilles du Cap) sont devenus les premiers territoires conquis par les graffeurs. Des grandes fresques sont réapparues sur les murs pour aborder des sujets comme l’éducation, la promotion des droits de l’Homme ou la lutte contre le sida. Au milieu des années 2000, le street art a définitivement conquis l’Afrique du Sud et dans une moindre mesure, la Namibie et le Botswana. (DBONGZ ET SENZART911)
Dans les pays d’Afrique de l’Est, le Kenya a été le fer de lance du street art, il y a plus d’une vingtaine d’années. Toujours présent dans le pays, il bénéficie dorénavant d’une renommée internationale et les artistes kényans sont invités dans les grandes manifestations mondiales. Mais comme le précise Cale Waddacor, "le milieu de l’art urbain reste pourtant relativement restreint et underground, avec une petite trentaine d’artistes actifs dans la capitale (Nairobi), et dans le port commercial de Mombasa. Les préjugés sur ce mouvement artistique perdurent, et de nombreuses fresques sont dégradées, mais l’art reste un outil puissant, avec un rôle à jouer dans l’espace public. Dans les bidonvilles comme celui de Kibera, ce type de productions est toujours bien accueilli, et les artistes donnent de leur temps et de leur talent pour apporter de la couleur à la communauté." (CREW BSQ)
En Afrique centrale, l’art urbain est encore peu développé à cause des nombreux maux (conflits, épidémies, famines…) que connaît cette région. Mais dans des pays comme l’Angola et le Cameroun, des artistes multidisciplinaires, adeptes de l’aérographe, du tatouage et du body art lui donnent une visibilité. Bars, boîtes de nuit et restaurants n’hésitent pas à faire appel aux street artistes pour créer la décoration ou la publicité de leur établissement. Certaines performances sont même parfois organisées et financées par les gouvernements. A Kinshasa (RDC), le Togolais Sitou Matt Imagination (SMI) a créé son propre festival pour éveiller les consciences sur des sujets sociétaux. Il a cofondé en 2013 avec Yann Kwete le premier festival, le Kin-Graff, et invité des artistes de la scène internationale pour créer des œuvres sur le thème du sida, des MST et de la violence. Les éditions suivantes ont continué de promouvoir la santé publique. (COLLECTIF KIN-GRAFF, AVEC SITOU MATT IMAGINATION)
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