Togo : la police des cultes sévit contre les nuisances sonores dans les lieux de culte de la capitale
C’est un phénomène qui préoccupe plusieurs pays africains. Les églises surgissent comme des champignons. Et avec elles, des marchands d’illusion qui prolifèrent dans les quartiers des grandes villes. Les plaintes se multiplient.
Tapages nocturnes, nuisances sonores... les riverains de certains lieux de culte à Lomé, la capitale togolaise, ne décolèrent pas. Ils dénoncent de graves atteintes à leur droit à la tranquillité. De la musique et des séances de prière en pleine nuit, qui ont fini par exaspérer les habitants. Certains l’expriment parfois avec virulence sur les réseaux sociaux.
Notre pays ne doit pas devenir une jungle et un terrain de banditisme spirituel pour des charlatans qui prétendent être des serviteurs de Dieu
Un internaute togolais
Ils sont nombreux à applaudir les sanctions prises par la police du culte contre plusieurs lieux de prière. Une vingtaine d’églises a dû suspendre leurs activités pour nuisances sonores depuis le début de l’année, dont une dizaine au cours du seul mois de juin. Interrogé par franceinfo Afrique, le pasteur togolais Edoh Komi de l’église protestante évangélique Foursquare reconnaît que les nuisances sonores sont réelles.
Les églises du réveil comme les églises pentecôtistes ou charismatiques n'ont pas assez de moyens. Elles s'installent dans des locaux de fortune pas assez insonorisés au cœur des quartiers d'habitations. Les riverains finissent par se plaindre
Pasteur Edoh Komi, président du Mouvement Martin Luther Kingà franceinfo Afrique
"Des sectes chrétiennes obscures, aux financements douteux"
A Lomé, les autorités parlent "d’une opération de salubrité publique". Il y aurait aujourd’hui quelque 8500 églises sur l’ensemble du territoire. Des lieux de prière improvisés parfois par des pasteurs peu fiables. La presse togolaise pointe du doigt des sectes chrétiennes obscures, aux financements douteux. Comment en est-on arrivé là ? Le pasteur Edoh Komi estime que certaines mesures décidées par l’Etat ne contribuent pas à clarifier la situation.
"Savez-vous que depuis sept ans, l’administration territoriale a suspendu l’enregistrement des églises. Nous avons plaidé pour la levée de cette mesure, mais la suspension n’a jamais été levée. Cela n’a pas empêché les gens de créer de nouvelles églises, sans qu’il y ait le moindre suivi sur le terrain", explique le pasteur Edoh Komi à franceinfo Afrique.
Des marchands d’illusion qui ont pignon sur rue
Si les églises poussent comme des champignons un peu partout en Afrique, c’est qu’il est très facile de les ouvrir. Elles naissent du jour au lendemain, sans aucune formalité administrative. "Aujourd’hui, créer une église de réveil est plus facile qu’ouvrir un bar ou une pharmacie. Vous vous levez un matin, vous ouvrez votre salon, vous ouvrez vos portes et fenêtres et vous mettez une affiche pour dire que vous avez été choisi comme messager pour transmettre la bonne nouvelle", raconte le blogueur camerounais Ecclésiaste Deudjui à franceinfo Afrique.
Comment, dès lors, lutter contre ces marchands d’illusions qui maîtrisent toutes les ficelles de la communication ? Comment empêcher que des milliers de naïfs soient pris au piège ? Il faut une loi claire pour tout le monde, répond le pasteur togolais Edoh Komi. "C’est vrai qu’il y a ce qu’on peut qualifier d’escroquerie spirituelle, quand on demande aux gens d’apporter de l’argent. Des gens utilisent l’Evangile pour s’enrichir en escroquant les naïfs. Le pasteur n’est pas au-dessus de la loi. Il doit être un modèle pour la société. Un modèle de moralité absolue. Quand il commet un délit, il doit répondre de ses actes", plaide-t-il.
Le pasteur Edoh Komi en est convaincu, il faut légiférer, insiste-t-il. Pour lui, aucune décision administrative ne pourra empêcher la prolifération des églises. Il constate que les gens désertent de plus en plus les églises catholiques et protestantes pour aller chercher ailleurs ce qu’ils n’y trouvent pas : "La ferveur de la prière et la vivacité de l’évangile."
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