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Afrique de l’Ouest: 500 millions d’armes circulent en toute illégalité
Tous les clignotants sont au rouge. Quelque 500 millions d’armes légères illicites circulent en Afrique de l’Ouest, selon l'ONU. Un trafic juteux qui alimente de nombreux conflits armés. Retour sur un phénomène qui préoccupe toute une région et ses 335 millions d’habitants.
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Le rapport publié par l’OCDE en 2018 sur la prolifération des armes en Afrique de l’Ouest fait froid dans le dos. Cette région est devenue la plaque tournante des réseaux criminels.
«Le trafic d’armes à feu alimente le commerce illicite, dans une région en proie aux groupes armés, aux conflits et au terrorisme», constate le rapport.
C’est aussi le constat dressé par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) qui a enquêté dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest. Les armes à feu y circulent facilement et sans contrôle.
«Ce trafic a été alimenté par les conflits armés en Libye en 2011 et au Mali en 2012. La prolifération des armes dans la région sahélo-saharienne ne fait qu’empirer la forte menace terroriste dans cette zone», déplore l’UNODC.
Dans cette région, indique l’office onusien, l’identification des armes illicites est difficile. Les capacités de stockage et de sécurisation des armes sont limitées, en raison du manque de savoir-faire et de moyens logistiques.
Le Nigeria au cœur du trafic
Rien qu’au Nigeria où sévit le groupe islamiste Boko Haram, le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement estime à plus de 350 millions, les armes légères et de petits calibres qui y circulent. Essentiellement des pistolets, des fusils d’assaut et des armes semi-automatiques.
«Cela représente environ 70% des 500 millions d’armes de ce type, présentes dans toute la région de l’Afrique de l’Ouest », précise le directeur du centre, Anselme Yabouri.
Les stocks d’armes du colonel Kadhafi
Les spécialistes sont unanimes: l’effondrement du régime libyen en octobre 2011 a contribué grandement à la prolifération des armes dans toute la région ouest-africaine. Les stocks d’armes accumulés par le colonel Kadhafi ont été vidés après sa mort et dispersé clandestinement à travers toute la région.
Selon une enquête menée en 2016 par l'organisation britannique Conflict Armament Research, le matériel militaire de l’ère Kadhafi comprenait notamment des missiles anti-aériens portables de fabrication russe, des roquettes de fabrication nord-coréenne, des fusils d’assaut polonais et des obus de mortier de fabrication belge et française.
Ils se servent dans les stocks des armées nationales
Mais la Libye serait loin d’être la principale pourvoyeuse des armes qui alimentent le trafic en Afrique de l’Ouest. De nombreuses armes seraient prélevées dans les stocks des armées gouvernementales.
«Les groupes djihadistes du Nord-Mali utilisent majoritairement de l’armement issu du pillage des casernes de l’armée malienne», indique le rapport de Conflict Armament Reseach.
Ce centre de recherche précise que le flux libyen a fortement diminué en raison de la demande interne qui s’est accrue à la suite de conflits intercommunautaires sur le territoire de la Libye. Aujourd'hui, la principale source d'armes semble être les stocks publics officiels achetés en toute légalité par les pays de la région..
«Les criminels semblent pouvoir se procurer ce dont ils ont besoin auprès des forces de sécurité locales. Ils achètent ou louent des armes à des éléments corrompus de la police et des forces armées», constate l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
L’impuissance des gouvernements face aux trafiquants
Face à l’explosion de la criminalité transnationale en Afrique de l’Ouest, les pays de la région avouent leur impuissance face à de nombreux groupes armés qui se financent par les trafics.
«Le crime organisé dispose de moyens colossaux. Il est parfois mieux organisé que les Etats eux-mêmes», constate le général béninois Francis Behanzin, commissaire de la Cedeao chargé des affaires politiques et de la sécurité.
Les cartels ouest-africains n’hésitent pas à utiliser les ports pour importer des armes, remplissant des containers entiers de matériels militaires.
«Nous n’avons pas la capacité de vérifier le contenu de tous les containers… Des flux énormes d’armes illégales qui transitent par nos ports. Nous dépendons seulement de notre flair et de notre instinct», reconnaît un douanier nigérian, interrogé par l’AFP.
Le Sipao pour une coopération policière régionale renforcée
L’Afrique de l’Ouest tente de trouver la parade à ce fléau. Les 16 Etats de la région ont lancé en juin 2018 depuis Abidjan un nouveau système de coopération policière baptisé Sipao. Il s’agit d’une plateforme électronique d’échange de données entre les services de sécurité nationaux.
Une masse d’informations devraient désormais être échangées entre ces différents pays et avec Interpol pour lutter contre le trafic d’armes, de drogue et d’êtres humains notamment.
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