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Dans le «riche» Nigeria, l’immense majorité de la population échappe à l'impôt

En Afrique, 85% des emplois ne sont pas déclarés, selon un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT). Vendeurs ambulants, ferrailleurs, journaliers agricoles ne paient aucune protection sociale et aucun impôt. Même dans le riche Nigeria, la majorité de la population vit du secteur informel. Résultat: riches et pauvres échappent à l'impôt au détriment des caisses de l'Etat.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Distribution d'essence au marché noir dans une rue de Lagos au Nigeria. L'économie informelle représente 60% de l'économie du pays. (REUTERS/Akintunde Akinleye )

Au Nigeria, pays classé parmi les plus riche d'Afrique, l'immense majorité de la population vit toujours du secteur informel ou de l'agriculture de subsistance. Ce qui représente un véritable manque à gagner pour les finances publiques.

Dans ce pays de plus de 180 millions d'habitants, les recettes fiscales reposent sur seulement quelques centaines de milliers de contribuables. En 2016, seuls 241 individus ont payé plus de 20 millions de nairas (47.000 euros) d'impôts sur le revenu, a récemment dévoilé la ministre des Finances. Un comble, lorsque l'on sait que la seule ville de Lagos, capitale économique du pays, compte 6.800 millionnaires et 360 multimillionnaires (en dollars), selon un rapport d'AfrAsia Bank de 2017.

Faire rentrer l'impôt
A vrai dire, les salariés de la classe moyenne ou supérieure ont toutes les raisons d'être de mauvais élèves du fisc. Les infrastructures publiques sont dégradées ou inexistantes. Les routes se délitent. Payer ses impôts? Mais pour quoi faire? Les Nigérians payent leur eau ou leur électricité (quand il y en a) à des sociétés privées. La corruption endémique est en grande partie responsable de cette situation, regrette l'ancien directeur de la banque centrale du pays.

Lagos fait un peu figure d'exception. Dans cette mégalopole de 20 millions d'habitants, les revenus fiscaux représentent plus d'un tiers des revenus récoltés dans le pays. Une manne financière importante qui a permis le développement de nombreux projets de transports ferroviaires ou routiers à travers la ville.

«C'est un cercle vicieux, le gouvernement a besoin d'argent pour réaliser des projets, mais comme il ne les fait pas, les contribuables ne veulent pas payer», affirme Yomi Olugbernro, fiscaliste au cabinet Deloitte à Lagos. «En fait, les Nigérians ont surtout besoin d'être convaincus que leur argent sert à quelque chose.»

Changer les mentalités 
Le président Buhari a promis de s'attaquer au problème de l'économie souterraine et de doubler les recettes fiscales du pays d'ici à 2020 pour financer les services publics. La ministre des Finances Kemi Adeosun a lancé un programme d'amnistie contre les anciens fraudeurs. En échange, les Nigérians ont l'obligation de se mettre à jour avec le Trésor public au risque d'encourir une peine de cinq ans de prison, des amendes ou des recouvrements de biens.

Mais la répression ne suffit pas. Les autorités veulent convaincre les Nigérians de payer leurs impôts. A Lagos, un immense panneau publicitaire lumineux, au centre d'un rond-point très emprunté, remercie les bons élèves en leur signalant que la route a été réalisée grâce à leurs efforts.

En Afrique, 85 % de l'emploi est informel.
L'économie informelle échappe à l'impôt puisqu'elle n'est pas comptabilisée. Bien que difficile à recenser, un rapport de l'OIT tente de lever le voile sur l’importance de ce phénomène. En Afrique, 85 % de l'emploi est encore informel, ce nombre tombe à 40 % en Amérique latine et à un peu plus de 25 % en Europe et en Asie centrale.

Selon le classement de la Banque Africaine de Développement, Maurice, l'Afrique du Sud ou encore la Namibie sont les pays où le pourcentage du secteur informel dans l'économie est le plus faible. Il varie entre 20 et 25 % du produit Intèrieur brut. Alors que dans d'autres pays tels que le Bénin, la Tanzanie ou le Nigeria, le poids de ce secteur représente jusqu'à 65 % du PIB. 

Rare encore sont les pays africains qui tentent de limiter leur secteur informel. Exception: depuis 2006, le Rwanda incite les petites et moyennes entreprises à tenir des registres comptables et à payer les taxes avec un certain succès. 


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